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Les échos de Valclair
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4 octobre 2007

Deux films

J’ai vu deux films le week-end dernier, dissemblables c’est le moins qu’on puisse dire !

D’abord « 4 mois, 3 semaines et 2 jours » . C’est un film coup de poing qui se déroule selon un tempo implacable. Il nous prend par la main dès le départ et nous conduit là où il veut sans nous laisser souffler, c’est comme un grand coup à l’estomac pendant toute la durée du film. Il n’y a pas d’imprévu, pas de fantaisie, aucune légèreté d’aucune sorte. Peut-être est-ce d’ailleurs la faiblesse qu’on peut lui trouver : il est totalement prévisible, il n’offre aucun espace de liberté à l’imaginaire du spectateur mais sans doute est-il conçu exactement pour cela, pour nous tenir prisonniers.

Le manque de complexité des personnages est une limite aussi. Otilia la bonne copine, qui aide, se dévoue, organise, agit est la force sans faiblesse (ou qui du moins se montre capable de bousculer et de surmonter ses éventuelles faiblesses), Gabita, la jeune femme qui doit avorter est tout l’opposé. Les deux personnages s’opposent d’une façon un peu trop caricaturale qui renforce ce côté par trop prévisible.

La caméra, totalement subjective, suit Otilia sans la lâcher d’une semelle. Elle tente et parvient à nous faire percevoir ce qu’elle ressent tout au long de ces heures terrifiantes, l’urgence de l’action qui ne tolère pas d’atermoiements, la menace permanente qui sourd de partout, l’incroyable violence de l’affrontement qui oppose les jeunes femmes à l’avorteur, sûr de son pouvoir et qui jouit de ça plus que de toute autre chose, la conscience de l’inhumanité de ce à quoi elles sont conduits (la plan sur le fœtus mort qui a été très critiqué, avec ses traits déjà tellement humains et n’est pas là pour conduire le spectateur à une condamnation morale de l’avortement, il est là comme un constat, comme tout le reste du film d’ailleurs, ce film est un constat et c’est de là qu’il tire sa force).

Le film est aussi en creux un documentaire sur l’état de la Roumanie à cette époque. On y voit l’environnement sordide de la ville provinciale dans laquelle évoluent les personnages. On y devine bien des contradictions sociales et culturelles à l’œuvre lors de la fête chez le petit ami d’Otilia à laquelle elle se trouve contrainte de participer tout en ayant l’esprit totalement ailleurs. Ces mots qu’elle-même entend à peine sont pour nous pleins d’enseignements sur l’épuisement social et politique auquel en était arrivé le système.

Ce n’est pas un film dont on sort le sourire aux lèvres et avec l’envie de chantonner. On en sort un peu groggy mais c’est un film fort qu’il faut avoir vu et puis, tout de même, si, il y a une part d’optimisme, l’énergie que dégage Otilia montre que résister, combattre, même sur un plan strictement individuel, est toujours possible.

4mois


Après cela je souhaitais quelquechose de plus léger. J’ai été voir « L’histoire de Richard O. » m’attendant à trouver là un film gai, ludique, plaisamment sexy. C’est ce qu’induisait la critique de Télérama qui titrait son article sur ce film : « La chair pas triste ». Voire ! Difficile de voir ici le « sexe comme fête joyeuse ». Richard que joue un Mathieu Amalric assez étonnant est un érotomane immature, plutôt pitoyable, vaguement déprimant, qui fait parfois sourire, plus souvent rire jaune. Il y a plus joyeux comme fantasme érotique féminin que l’envie d’être violée. Il n’est pas indifférent non plus que le sport auquel le héros (l’anti-héros) s’adonne ou tente de s’adonner soit la lutte. On n’est pas dans des fantasmes ludiques joyeusement partagés mais dans des rapports de force, des chasseurs et des chassé(e)s même si le chasseur apparaît souvent comme un pantin fragile et la victime consentante de chasseresses. (Certains diraient peut-être que c’est justement cette position subalterne de l’homme qui n’est en rien maître du jeu qui me met mal à l’aise mais franchement je ne crois pas.) Eros finalement, malgré le rire, n’est jamais loin de Thanatos. Et d’ailleurs il y a mort d’homme, et celle-ci est posée d’emblée puisque le film démarre sur la mort de Richard et n’est qu’un long flash back qui montre ce qui y a conduit.

Cela dit ce fond qui n’est pas gai baigne en effet dans une lumière plutôt joyeuse, dans un climat farfelu parfois quasi burlesque qui atténue ce que le personnage peut avoir de déprimant et de déplaisant. Il y a de beaux moments poétiques, de jolies promenades dans un Paris aux beaux ciels, un enchaînement peu prévisible des situations qui fait qu’on ne sait jamais trop où l’on nous mène, une façon de filmer la sexualité à la fois crue et directe mais dont le rythme, les coupes, les cadrages originaux évitent toute pornographie pesante.

Et puis surtout il y a le personnage de l’ami. Ce grand oiseau dégingandé, au visage disgracieux et au cœur tendre, apparaît comme l’antithèse du torturé Richard. Il aperçoit une belle jeune femme nue par sa fenêtre, il va sonner chez elle, sa simplicité de cœur fait qu’il ne doute de rien, il a raison, une improbable histoire d’amour se noue immédiatement, bien plus belle, bien plus vivante que la consommation effrénée auquel se livre le pauvre Richard. Le film se termine dans une jolie tendresse sensuelle et très chaudement amoureuse entre ces deux là mais Richard lui n’est plus là…


richard_o_2

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Commentaires
V
Oh, MA, si tu es la MA auquel je pense, quel plaisir de te voir passer par ici!<br /> Quant à "4 mois", je crois que c'est fictionnel, basé évidemment sur une réalité incontestable mais je ne crois pas qu'il ait une Otilia, qui soit exactement l'Otilia du film et qu'on pourrait retrouver aujourd'hui.
M
J'ai vu hier "quatre mois ..." C'est drôle, j'ai regardé ce film comme un blog en images, quelques heures dans la vie d'une jeune femme trop sympa qui voit brutalement ses rares illusions s'évaporer. La gentille Otilia m'émeut profondément, bien plus que Gabita, dont le côté "lierre" m'a passablement irrité. Je serai curieuse de savoir ce qu'il est advenu d'Otilia vingt ans après. J'imagine tout à fait la femme qu'elle a du devenir, et j’éprouve beaucoup de tendresse pour elle. <br /> Au fond, et à la différence de "Persépolis" , je n'ai pas su regarder ce film comme une mini fresque historique, mais seulement comme une histoire individuelle.<br /> Et c'est un peu frustrant.
Les échos de Valclair
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