ça flambe!
C’est
incroyable de voir à quel point de délitement social on en est arrivé... Il y a
de quoi flipper ! Le plus souvent on prend soin au contraire d’éviter de
voir ce qui se passe, dans nos boulots finalement préservés, dans nos quartiers
paisibles, avec nos gosses dans les lycées bien sélectifs, on sait bien que ça
brûle ailleurs, je ne dis pas dans les banlieues mais dans le monde en général,
où s’accumulent les contradictions et les déséquilibres, les glaciers qui
fondent et les forêts qui se rétractent, les riches qui s’enrichissent et les
pauvres qui viennent se faire tirer sur les clôtures dressées aux portes de
l’Europe. C’est tellement plus facile, tellement plus reposant de ne pas voir…
Mais
là, évidemment, ça brûle tout près, même si d’ailleurs ça brûle plutôt là-bas,
chez eux, et pas à Neuilly pas plus qu’à Paris…
Il
faut oser regarder. La radicalité de la cassure est terrifiante. Ce n’est pas
seulement la fracture sociale entre la France qui avance et celle qui est en
perte de vitesse, qui perd ses emplois à cause de la mondialisation, entre la
France qui s’enrichit et celle qui s’appauvrit et peut se retrouver aux limites
de la précarité. C’est une fracture dans la fracture. Ce sont des jeunes qui se
retrouvent hors de tout cadre et de toute référence commune, dans la révolte
pure, dans la désespérance pure, « no future ». Au point de casser et
brûler leurs propres quartiers, les voitures de leurs propres voisins,
« la misère brûle la misère ». Rappelez vous, pendant les
manifestations lycéennes du printemps dernier, il y avait eu ça déjà, ces
groupes erratiques venus casser du lycéen, pas les lycéens des beaux quartiers,
non les lycéens des banlieues qui tentaient de se bagarrer pour obtenir un peu plus
de moyens dans leurs établissements difficiles. Tout ça c’est dur
particulièrement pour ceux, et ils sont nombreux, qui depuis des années,
tentent par des actions de fourmis, d’avancer, de réconcilier, d’entretenir le
lien social. Je vous conseille un très bon mais très triste article là-dessus
que j’ai trouvé par l’intermédiaire de Samantdi et de Janu, « la rançon du
mépris » de François Bon qui justement fait partie de ces gens qui
s’investissent, qui travaillent à tenter de raviver le lien social notamment à
travers des ateliers d’écriture.
Je
ne vais pas en rajouter sur le caractère suicidaire des bagarres dérisoires
dans la classe politique entre ceux qui gouvernent et ceux qui aspirent à
gouverner. A droite (le karcher et la racaille, minables « habiletés »
politiques pour tenter d’aller chasser sur les terres du Front national, ce
n’est certes pas la cause de l’incendie mais ça a bien attisé les braises quand
même, tout ça risque de lui revenir dans le nez à Sarko, comme un boomerang)
mais à gauche aussi (les nonistes par ambition, à la Fabius, ont contribué à ne
laisser qu’un champ de ruine sur lesquels fleurissent en veux-tu en voilà les
candidats à la présidentielle).
Et
que propose le gouvernement ? L’état d’urgence côté cour, quelques vagues
crédits pour relancer les associations (enfin le rétablissement de certains
crédits dans lesquels ils ont sabré allègrement). Et l’apprentissage à quatorze
ans ! On croit rêver. Je n’ai rien à priori contre l’apprentissage, les
études en alternance peuvent en effet être bien plus adaptées pour certains
jeunes rétifs à l’école. Sauf que les employeurs choisissent. Et que
précisément ils ne choisissent pas ce type de jeunes trop en rupture avec les
codes sociaux (et aussi souvent, il faut le dire, parce que la consonance de
leur nom ou la couleur de leur peau ne leur plait pas !) Et c’est vrai y
compris pour les secteurs qui ne cessent de clamer qu’ils ont besoin de main
d’œuvre et qui critiquent vertement l’éducation nationale qui ne valoriseraient
pas assez précocement les « métiers ». Si l’école ou, plus
généralement, la société renonce, laissant ces enfants à la dérive ce sera
pareil, que ce soit à quatorze ou à seize ans. L’ascenseur social est en panne.
Ou même, dans certaines couches moyennes notamment, il est à la descente. Il y
a bien quelques exceptions et quelques tentatives méritoires, la convention
zep/sciences-po par exemple c’est très positif, mais c’est une goutte dans
l’océan et c’est pour ceux qui déjà ont réussi à émerger un minimum, pas pour le
noyau le plus radicalement éloigné de toute forme d’espérance en l’avenir.
Le
« modèle social français » il a un drôle de look par les temps qui
courent !
C’est
pas gai, pas gai du tout, personne n’a la solution, je ne vois même pas de
perspective. Il y a ceux qui s’acharnent malgré tout à tenter de faire ce
qu’ils peuvent là où il peuvent. Pour sortir ne serait-ce qu’un gosse...
Honneur à eux. Moi je n’en ai pas l’énergie, je me contente de regarder, à la
rigueur de commenter, et de me dire que le pire n’est pas toujours sûr…