Retour sur l'amitié amoureuse
L’Idéaliste
dans sa dernière entrée nous invitait à réfléchir sur la dépendance amoureuse
en nous proposant d’écouter une récente émission de France inter là dessus. A
vrai dire je n’ai pas eu le temps d’aller écouter mais la phrase qui présentait un des bouquins
accompagnant l’émission me paraît des plus sensées : « Et si la dépendance
amoureuse n'était pas de l'amour, mais de la dépendance ? Et si, en amour
aussi, il fallait grandir pour pouvoir passer de la dépendance à
l'individuation ? ».
Et
ça m’a donné envie de revenir un peu sur l’amitié amoureuse. L’Idéaliste avait
prolongé ma propre entrée sur le sujet, analysant mes mots quasiment comme dans
un commentaire de texte ! J’y avais retrouvé beaucoup de choses que je
pense et en tout cas cette façon partagée que nous avons de valoriser ce mode
de relation et de souhaiter pouvoir le vivre. Mais aussi quelques points sur lesquels il me semble que je diverge. J’avais eu
envie de commenter sur le moment mais j’ai laissé passer comme souvent. Alors
puisque sa dernière entrée d’une certaine façon m’y ramène, voici :
Une
relation d’amitié amoureuse doit-elle obligatoirement passer par une phase plus
passionnelle comme semble le dire l’Idéaliste, impliquant ensuite une
« défusion » avec tous les risques qu’elle comporte ? Doit-elle
au moins partir d’une vive attirance à priori des corps ? Moi je ne crois
pas. Il me semble qu’elle peut se bâtir à partir de la relation d’amitié elle
même, en être pensé comme le beau complément, ne pas être à priori portée par
le désir. Il peut y avoir même quasiment une pointe de volontarisme : on
se sent bien ensemble, en complicité, on ne ressent pas spécialement
l’attirance des corps, on peut avoir envie d’aller vers elle pour accomplir la
relation, faire qu’elle s’épanouisse dans toutes les dimensions possibles. Bien
sûr ça peut ne pas marcher et alors il faudra savoir s’arrêter à temps mais ça
peut aussi marcher formidablement, le désir peut se construire, il peut se
découvrir dans l’approche progressive, à partir des mots qui deviennent des
caresses tendres, à partir des caresses tendres qui deviennent un plus vif
désir puis la promesse de belles jouissances.
La
condition il me semble pour que cela soit possible c’est bien que chaque
partenaire entre dans la relation en l’ayant précisément bornée, hors
dépendance amoureuse, en sachant qu’elle n’est qu’une annexe d’une autre part
de la vie, d’une autre relation dont ni l’un ni l’autre des partenaires
n’envisage la remise en cause. Elle implique aussi sans doute que les
partenaires soient éloignés géographiquement dans leurs vies quotidiennes, que
leurs rencontres soient peu fréquentes, qu’elles restent des parenthèses qui
n’interfèrent pas ou peu sur le reste de la vie. Une trop grande proximité en
multipliant les occasions, risqueraient beaucoup plus de conduire à la remise
en cause des équilibres, à des dynamiques déstabilisantes. Évidemment tout ça
c’est un schéma, dans lequel de l’imprévu peut venir se glisser, remettant en
cause les belles constructions rationnelles. Heureusement d’ailleurs que
l’imprévu est possible et qu’il reste du risque, le risque c’est la vie !
Mais lorsque ça peut fonctionner ainsi dans l’harmonie et tant que ça le peut,
qu’elles sont belles ces annexes, ces parenthèse, comme elles irradient tout le
reste de la vie. Ce sont des annexes du point de vue de la durée, du temps
passé ensemble par les « amis amoureux » mais elles sont centrales
néanmoins dans leur économie de vie et de désir, elles sont de superbes
suppléments d’âme à des quotidiens qui, sans elles, seraient bien plus
difficiles à vivre.