Moment très cinéma
Le festival de Cannes est un
grand accélérateur d’envies de cinéma. On n’y est pas. On suit ça de très loin.
Il n’empêche. Tous ces films dont on parle donnent envie de se précipiter dans
les salles obscures et là d’autant plus que plusieurs d’entre eux sortent en
salle au moment même où ils sont projetés à Cannes. Je ne sais pas pour qui
sera la Palme, à vrai dire je m’en fous un peu, ce qui compte c’est qu’on parle
cinéma, qu’on évoque les films et qu’on donne envie de les découvrir.
En ce plus hier j’ai été
voir l’exposition « Paris au cinéma » à l’Hôtel de Ville. Très sympa
comme concept. La place de la ville dans le cinéma, beaucoup de photos,
beaucoup d’extraits de films projetés soit sur de petits écrans et on suit alors
le son de façon individuelle avec un audioguide distribué à l’entrée, soit sur
grand écran dans une longue salle où tourne en continu un montage thématique
d’extraits de films, il y en a beaucoup que j’ai vu et c’est alors une agréable
piqûre de rappel d’une ambiance ou de visages, et beaucoup que je n’ai pas vu,
c’est alors une évocation, un petit morceau de rêve glané. Il y a des lieux
naturellement, certains que je reconnais très bien et que j’ai plaisir à voir
sorti du passé. Il y a les lieux mythiques aussi, des quintessences de lieux,
l’imagerie qu’ont pu en donner des décorateurs extraordinaires comme Trauner
(tiens je n’avais pas réalisé jusqu’ici que l’Hôtel du Nord était une
reconstitution de studio. C’est marrant ça, c’est la célébrité d’un décor et d’un
film qui a protégé le lieu réel, depuis mis à l’abri des promoteurs, rénové à
l’identique et classé monument historique !) Mais le plaisir le plus grand
est dans des visages arrachés au temps, ramenés à nous dans une éternelle
jeunesse, Brasseur et Arletty dans « Les enfants du paradis »,
Reggiani et Signoret dans « Casque d’or » (elle est vraiment
sublime !), Nathalie Baye et Delon dans « Notre histoire »,
Huppert dans « L’école de la chair » et même Sophie Marceau en petite
ado dans « La boum ». On sort de là avec des envies de se précipiter
au cinéma, pour voir ou pour revoir.
Ces derniers temps à vrai
dire je n’ai vu que des nouveautés :
Des films détente.
« Comme t’y est belle », faible, trop caricatural, dans l’esbroufe,
dans des milieux de fric et de frime, je n’ai pas accroché sauf tout à la fin
où s’introduit un peu d’émotion véritable. « OSS 117, le Caire nid
d’espions », très sympathique, rythmé, drôle, pleins de clins d’œil et
très bien construit, je craignais que l’idée ne tienne pas la longueur du film
mais si, au contraire, on apprécie plus à mesure que le film avance. Et puis
l’image que le film renvoie des franchouillards condescendants et satisfaits
d’eux-mêmes et plus qu’un petit peu raciste, ne manque pas de pertinence. C’est
caricatural naturellement mais ici la caricature passe bien mieux. A quoi cela
tient-il ? Peut-être tout simplement à ce qu’ici elle se donne comme
telle.
Un « petit » film,
j’aime aller voir de « petits » films, ceux dont personne ne parle et
j’aime en parler alors pour les faire un peu connaître, même s’ils n’ont rien
d’extraordinaires du moment que ce sont des films sensibles, sincères,
sympathiques, comme celui-ci, « Qui de nous deux ? ». C’est basé
sur le journal intime d’une ado, c’est joué par elle et tourné par son père,
belle histoire déjà de confiance et de complicité familiale, elle évoque le
lycée, les rencontres, les sorties, les relations avec les parents, ses
expériences et ses peines de cœur, l’envolée rêveuse vers une improbable
rencontre. Ce n’est pas mièvre, c’est léger et pudique. Je crois que c’est
assez bien vu, assez juste, voilà le genre de film dont j’aimerais parler avec
mes grands ados de fils pour avoir leurs réactions mais raté c’est pas le genre
de films qu’ils vont voir. Et puis c’est Paris ce film aussi, le récit est
ponctué par les parcours de la jeune fille dans l’autobus 62, le long de la rue
de Tolbiac entre Alésia et Baudricourt, autant dire presque chez moi quoi…
Et puis ce week-end un
« grand » film, un de ceux dont tout le monde parle et qui anime la
Croisette.« Volver » d’Almodovar. On en a un peu trop parlé justement
d’ailleurs, la critique en fait un très grand plat, c’est très bien en effet,
comme de l’Almodovar, le tempo est rapide, on ne s’ennuie jamais, c’est riche
d’émotions, de mouvements et de couleurs, hilarante bouffonnerie et poignante
émotion peuvent être associés dans un même plan et ça passe, Pénélope Cruz y
est magnifique d’une grande beauté et actrice excellente. Certaines scènes sont
superbes, celles notamment de la fête dans le petit resto, lorsque Raimunda se
met à chanter : en peu d’images, en quelques regards, tout passe, le temps
d’avant, la vie vivante d’aujourd'hui, volver… Mais pour autant est-ce le
meilleur Almodovar ? Je ne crois pas, d’autres m’ont plus touchés,
bouleversés même, particulièrement « Parle avec elle » et dans une
moindre mesure « Tout sur ma mère ». Je me demande si le côté
tortueux des histoires et des secrets de famille qui se révèlent peu à peu ne
finissent pas par affaiblir l’émotion. Je crois que j’aurais préféré que la
revenante reste ce qu’elle était, improbable fantasme ou émanation fantastique
plutôt qu’une survivante dont la présence peut s’expliquer rationnellement au
terme d’une histoire sophistiquée.