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Les échos de Valclair
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27 août 2006

Adultère

Décidément je n’ai guère accroché à la série d’articles d’Aldo Naouri à propos de l’adultère, bonnes feuilles qu’a publié Le Monde ces jours ci, issues de son dernier ouvrage. Á vrai dire je ne me serais pas arrêté à ces textes, n’eut été l’analyse et les commentaires fouillés qu’en a donné Samantdi.

Je peux en comprendre le point de départ. Réflexion construite à partir de ses entretiens de pédiatre avec les parents des enfants qu’il suit, polarisée par les dysfonctionnements et les dégâts occasionnés chez ceux-ci par les difficultés et troubles des parents, elle se centre uniquement sur les aspects négatifs que peuvent comporter les relations sexuelles adultères, présentées à la fois comme quasi inévitables, signe d’infantilisme et d’une insuffisante maturité affective. Tout cela est posé comme une donnée ce qui me paraît bien tristement déterministe. « Les anciens enfants sont contraints d’en passer par là en se donnant l’illusion d’être autonomes ». C’est un discours médical, au mauvais sens, un discours réducteur, un discours d’expert qui sait, qui regarde de haut ces pauvres grands enfants que nous sommes, occupés à nous débattre dans nos contradictions. Le sexe a sa place naturellement et éminente mais quid de tout le reste, de l’infinie variété des personnes, des histoires individuelles, des sentiments et des émotions, de l’imprévisible dans l’alchimie des rencontres. Samantdi nous rappelle à juste titre que la littérature nous parle aussi de tout ça et infiniment mieux que les médecins et les psys (du moins lorsqu’ils restent étroitement cantonnés à leur spécialité).

L’emploi du mot « adultère » lui-même avec toute la charge négative qu’il porte est déjà significatif du regard réducteur d’Aldo Naouri. Il aurait pu sans pour autant masquer l’existence des difficultés et des souffrances traiter par exemple « des libertés sexuelles dans le couple », ce qui aurait donné un tout autre éclairage, moins négatif à priori. Car il y a bien d’autre manières d’être malheureux dans un couple que l’adultère. Et il y a à l’opposé des couples qui vont bien parce qu’ils parviennent à renégocier le contrat et grâce aux libertés que ses protagonistes peuvent accepter de se donner dans tous les domaines, y compris dans celui des relations sexuelles. Et puis un couple doit aussi pouvoir accepter l’idée qu’il peut finir et que pour autant ce ne sera pas inévitablement dans le drame, qu’il peut y avoir moyen d’en sortir par le haut, en continuant à avoir (ou en retrouvant après une phase plus difficile) des relations amicales, en continuant en tout cas à se porter de la considération et à respecter l’histoire commune qui a été vécue.

Bien sûr loin de moi l’idée d’idéaliser tout cela, de laisser croire un tant soit peu, que cela puisse être facile, harmonieux, sans conflit et sans douleur. Ne serait-ce que parce que les membres d’un couple n’avancent pas au même pas, que ce qui pourra paraître simple et facile pour l’un des protagonistes paraîtra inaccessible et terriblement douloureux pour l’autre. Ne serait-ce que parce que chacun se dépatouille par ailleurs avec ses propres névroses personnelles, ses douleurs souterraines et qu’elle s’invitent inévitablement dans la relation pour la complexifier, éventuellement la pervertir et parce que l’instinct de possessivité est puissant en chacun. Ne serait-ce que parce que les relations humaines tiennent de l’imprévisible et que ce qui au départ pouvait n’être qu’une relation annexe, de simples plaisirs partagés, une amitié amoureuse, une inoffensive passade peut se révéler comme une remise en cause profonde qui bouleverse les équilibres (heureusement d’ailleurs, c’est la vie tout simplement, tout n’est pas calculable et maîtrisable).

Les modèles de la famille et du couple que nous connaissons n’ont rien d’éternels. Ils ont évolué aux cours des temps et selon les lieux, en fonction des conditions matérielle, sociales, idéologiques et religieuses des sociétés. Regardez, c’est un exemple parmi d’autre et plutôt radical dans sa différence, le fonctionnement de la société Moso que Samantdi encore nous invite à méditer à partir d’une récente émission sur Arte. Il n’y a aucune raison que ces modèles ne continuent pas à changer. Il me semble en tout cas plus profitable de réfléchir à cette relativité, de tenter de construire, à partir de là où chacun d’entre nous en est, dans le maquis de nos contradictions et de nos difficultés, sans révolutionnarisme excessif, sans illusions destructrices (l’amour libre des communautés post soixante-huitardes ça n’a pas marché) des relations entre les gens et au sein des couples qui aillent vers plus de tolérance, plus d’ouverture, moins de possessivité. La clé pour que ça marche (à peu près) c’est que chaque adulte se construise pour lui-même, par lui-même, que le couple ne soit pas béquille pour individus souffrants mais partages et apports mutuels entre adultes responsables et autonomes.

Je répète : je n’ai pas dit que c’était facile ni même à tout coup réalisable. Disons que peut-être c’est un objectif vers lequel tendre, un horizon vers lequel se diriger…

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Commentaires
V
Ben on n'est plus tout à fait sur Naouri ni sur "l'infidélité" ou "l'adultère", on est sur "l'être heureux" ou le "vivre vraiment" ensemble ce qui une question beaucoup, beaucoup plus large finalement et pas lié au couple seulement mais à soi-même dans ses profondeurs, comment on est, comment on s'accepte, comment on s'assume... Enfin je crois... Questions sur lesquelles je ne me risquerai pas à débattre en quelques mots mais merci de ces commentaires qui déplacent et élargissent.
P
Je reformulerai différemment les questions d'Alainx:<br /> Est-ce que je me sens suffisamment vivre avec lui/elle ?<br /> Est-ce que lui/elle se sent suffisamment vivre avec moi ?<br /> <br /> Chacun mettant à "suffisamment" et "vivre" un degré d'appréciation personnelle dont lui/elle seul/e est juge...
C
Difficile de répondre à tes questions Alainx car être heureux n'est pas un état constant. On l'est et puis on ne l'est plus et puis on l'est à nouveau. Ca bouge tout le temps. Mais peut-être qu'une courbe de tendance pourrait aider ;-).
A
Pour ma part, je me contente de deux seules petites questions face à tout cela et qui me semblent bien moins anodines qu'il n'y parrait :<br /> <br /> Est-ce que suis heureux avec il/elle ? <br /> Est-ce qu'il/elle est heureux(se) avec moi ?
C
J'ai l'impression, mais cela ne reste qu'une impression personnelle que beaucoup de jeunes couples tendent vers une union "fertile". Chacun joue un rôle, chacun apporte sa pierre, garde les enfants, fait les courses selon l'organisation et l'emploi du temps de l'autre ou garde les enfants. La femme laisse de plus en plus un rôle important à l'homme dans le couple et l'homme donne un peu plus d'importance à la femme. Il me semble que c'est une combinaison qui peut fonctionner dans la mesure où chacun peut aussi vaquer à des occupations personnelles rescpectées par l'autre. C'est peut-être un petit bout de la recette pour que le soufflé gonfle ;-).
Les échos de Valclair
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