Contrastes
Ce fut un dimanche de
contrastes…
D’abord j’ai eu la joie de
rencontrer pour la première fois quelques diaristes en ligne de la vieille
époque, du temps d’avant les blogs. Lou, l’ex insomniaque, ex québécoise en
cours d’installation en France, auteure des « Carnets du petit
jour », Eva talentueuse rédactrice des « Regards solitaires » et
aussi, surprise inattendue, venue avec Lou, Camille, une (déjà) ancienne
connaissance que j’ai retrouvé avec plaisir. (Et oui la blogosphère est un vaste
monde aux limites toujours repoussées de liens en liens mais c’est aussi
beaucoup de petits mondes!). La douceur du temps, incroyable pour cette fin
novembre, nous a même permis de siroter nos grands jus de fruit sur une
terrasse paisible, en retrait de l’avenue, ça c’est le petit bon côté du
réchauffement climatique, jouissons-en autant qu’on peut...
Eva et Lou pour moi
c’étaient un peu des mythes, des personnes que je connais par leurs mots depuis
longtemps, depuis bien avant la majorité des autres blogueurs que j‘ai
physiquement rencontrés. Je les lisais avant de me lancer moi-même, dès mes
toutes premières explorations des journaux en ligne vers 2001. Je peux dire
qu’elles ont été des modèles pour moi en ce sens que j’ai trouvé dans leur
forme d’écriture et dans leur matière des similitudes avec ce qu’il me semblait
possible de faire moi même et que je me suis donc dit : pourquoi pas
moi ? Sympa de passer du mythe aux personnes ! C’était une prise de
contact. Une fois de plus je me confirme dans l’idée que ce sont bien les
échanges duels qui permettent d’aller le plus loin, le plus au fond des choses,
je l’ai ressenti notamment vis à vis d’Eva, je me demande si elle n’a pas été
un peu soûlée par nos échanges sur la vie du blogomonde, elle qui s’en tient
volontairement à distance.
Et puis, après cela, je suis
rentré dare-dare chez moi pour une réunion familiale du style de celles que je
n’aime pas trop. Il s’agissait de fêter les anniversaires d’octobre/novembre,
contingent dont je fais partie de surcroît. Je n’aime pas trop ces grands
raouts, cette façon un peu rituelle de fêter les anniversaires, comme si
c’était une obligation à laquelle on ne pouvait échapper avec les cadeaux
distribués plus ou moins souhaités, avec les bougies à souffler les uns après
les autres. Quitte à célébrer (mais faut-il célébrer ?) je préfère
infiniment les rencontres en petit comité avec des personnes choisies par moi
et qui savent vraiment pourquoi elles viennent.
Basculement brutal d’un de
mes mondes dans un autre.
Honnêtement je dois reconnaître que cette fois ci ça s’est fait sans peine, je me suis senti à l’aise dans l’un et l’autre lieu. Peut-être parce que la soirée famille est restée assez légère, on avait opté pour le buffet salade, fromage, gâteaux plutôt que pour la grande bouffe, il n’y a pas eu de ces déploiements de cadeaux exagérés qui me mettent mal à l’aise. La soirée ne s’est pas trop prolongée, on n’a pas atteint le moment où je commence à m’ennuyer ferme entre papotages devenus indigestes et gens qui baillent et commencent à s’endormir. A moins aussi que je ne me sois simplement senti plus en humeur de tolérance, plus capable de vivre le moment dans sa simplicité sans trop en attendre.
C’est ce genre de
basculement qui est parfois pour moi source de malaise à cause de cette
impression de ne pas savoir vraiment où je suis, où est mon unité profonde
derrière les diverses facettes sous lesquelles je m’incarne. Certaines
personnes ont une grande capacité à vivre plusieurs vies ou plusieurs
personnages dans l’harmonie. Moi ça me pose assez souvent problème et notamment
avec la part professionnelle de ma vie. Il m’arrive rarement quand je suis au
bureau d’écrire pour moi ou d’aller lire des blogs. Quand je le fais c’est
toujours avec un violent sentiment de malaise. En partie sans doute par
culpabilité à utiliser du temps à autre chose que pourquoi je suis payé, car
bien sûr même si j’ai fait la part obligée, je sais bien qu’il y aurait
toujours d’autres choses à faire, d’autres initiatives à prendre. Mais ce n’est
pas seulement par culpabilité. C’est aussi parce que j’ai, plus profondément,
le sentiment que mes divers « êtres au monde » ne communiquent pas ou
mal, parce que je vois mal ce qui les relie à une source profonde. C’est de là
que peut venir parfois un certain sentiment de schizophrénie. J’évoque cela en
pensant à Sammy qui a laissé quelquepart un commentaire disant qu’il ne voyait
pas vraiment à quoi cela pouvait faire référence chez moi. Et bien à ce genre
de sentiment justement; le terme est un peu fort peut-être, parler de
dysharmonie conviendrait mieux car ce n’est pas violent, je ne perds pas les
pédales, c’est juste une espèce d’impression d’étrangeté à moi-même et qui ne
dure pas mais dans le fond c’est bien de cela qu’il s’agit quand même quand il
m’arrive de me regarder en disant : mais qui c’est ce petit bonhomme qui
s’agite et qui babille, qui c’est celui-là et que fait-il ? Ce n’est pas
moi tout de même ? Moi, je suis ailleurs n’est-ce pas ? Mais je suis
où, en vrai ?