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Les échos de Valclair
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5 mars 2007

L'intime s'invite

Il se passe ce phénomène étrange, plutôt inattendu. La part intime de mon écriture devient de plus en plus importante alors que je m’attendais au contraire. Je pensais qu’à mesure que mon anonymat se fragiliserait, que je commencerai à connaître dans la « vraie » vie des personnes connues dans le « virtuel » (les guillemets s’imposent, le virtuel c’est de la vraie vie) j’aurais de plus en plus de réserve à aborder les sujets intimes en particulier ceux qui touchent au relationnel, or c’est le contraire qui se passe.

Á quoi cela tient-il ?

L’écriture chronique ou compte-rendu me plait parce qu’elle me permet de faire pour moi des repères pour le souvenir et que j’aime partager mes coups de cœur ou mes réflexions (et je suis très heureux lorsque je fais découvrir et apprécier un livre ou un film à quelqu'un ) mais elle est souvent lente, laborieuse, pas facile à construire, parfois elle prend l’aspect d’un pensum, le plaisir est plus d’avoir écrit, d’avoir produit que dans l’écriture elle-même. Ainsi en a-t-il été par exemple de cette note sur Houllebecq commencée en Bretagne en lisant le livre et peaufinée dimanche matin avec une certaine difficulté pour parvenir à me sentir équilibré dans mon jugement.

L’écriture intime est difficile aussi mais d’une toute autre façon, les mots viennent plus spontanément, il s’agit de les mettre en forme, en cohérence. Il s’agit aussi de mettre un peu à distance pour dire vrai sans dire trop précis ou trop impliquant pour des autruis concernés. Il y a plus facilement de la jouissance dans le processus même de l’écriture (mais pas autant toutefois que dans du fictionnel). C’est un travail aussi mais un travail qui me travaille, qui fait bouger les lignes en moi. C’est cette écriture qui crée le plus d’échos, qui me vaut le plus de commentaires ou de mails privés qui marquent l’intérêt de mes lecteurs, prolongent d’autant ma réflexion. Cette écriture se charge donc d’un enjeu véritable par la communication qu’elle initie et par ce que celle-ci me renvoie, par les relations allant au profond des intimités qu’elle peut créer.

Évidemment les ricochets ne sont pas pour rien dans cette accentuation de la mise en jeu de l’intime (et je me rends compte qu’il en est de même pour d’autres ricocheurs). S’engager dans ce processus c’est aussi relâcher le contrôle, celui que l’on a pour soi même et celui pour oser dire à autrui.

Je ne me sens plus catastrophé à l’idée qu’une personne qui me connaît par ailleurs dans divers cercles relationnels fasse le lien (à l’exception de quelqu'un de mon milieu professionnel, mais après tout, même là, si j’y réfléchis, quelle importance, je n’ai plus d’enjeu de carrière pour laquelle j’aurais besoin d’une armure !). Je ne me sens plus paralysé à ce que quelqu'un puisse se dire « ben ce gars là, il a telle histoire et telles petites histoires, il a telle fragilité, telle névrose, j’aurais pas cru ». Et bien oui, c’est comme ça, je suis comme ça, il n’y a rien de honteux à ça, c’est ma personne, voilà, je l’assume, après tout elle ne vaut pas moins que mon personnage.

Alors bien sûr il y a le hic. Mes proches, mes tout proches, ne me lisent pas. Mais c’est là pourtant, à portée de clic. Rien n’empêche de lire. Ils liront, inévitablement, à un moment ou un autre. Par moments c’est un peu de la dynamite ce que j’écris ! Des correspondant(e)s me l’ont signalé en me disant « c’est courageux ce que tu écris là ». C’est curieux, je ne ressens pas ça du tout comme du courage. Comme un risque peut-être mais qui ne me demande pas de courage. Comme une évidence.

Il y a ce paradoxe. Ces mots là qui pourtant sont tout à fait moi s’invitent dans ma vie réelle comme une tierce personne, comme une maîtresse qui serait bien plus exigeante, présente, menaçante que toute dame d’hôtel de Bonne Rencontre. Mais curieusement ça ne me terrifie plus. C’est comme ça. Advienne que pourra.

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Commentaires
P
Mon cher Valclair, j'aime beaucoup ce que tu as écrit là...<br /> <br /> Pas surprenant, vu mon parcours au sein de l'écriture intime.<br /> <br /> Tu décris très bien ce qui aboutit à "assumer" des parts de soi qui viennent peu à peu à jour et dessinent un personnage resté dans l'ombre. Finalement le regard des autres, redouté au départ, devient une sorte d'allié. Quand aux plus proches... peut-être ne tiennent-ils pas vraiment à connaître ce jardin secret ouvert au monde ?
P
Et pourtant, je trouve tes comptes-rendus très intéressants (je les ai toujours beaucoup appréciés, tu le sais). <br /> <br /> Je trouve (et c'est quelque chose que j'apprécie beaucoup) qu'en ce qui concerne Houelle... et le reste que tu pèses vraiment bien le pour et le contre. Avec beaucoup d'honnêteté et de volonté d'honnêteté. <br /> <br /> Quant à l'écriture intime, ce que tu en dis n'est pas étonnant. On étend parfois le terme de "coming out" à bien des situations. Variées. Ce qui veut dire qu'on a très peur avant, que ça fait drôle en le faisant, mais qu'après, ça va -en principe- de mieux en mieux :-) <br /> <br /> Oui, le seul hic (pour l'écriture plus intime), c'est quand on se demande si des proches nous lisent. Mais au fond de soi, on sait sans doute ce qu'on peut se permettre. <br /> <br /> Et puis, en général, même si on a des vies accidentées, on n'est pas des criminels ;-) Donc, le gendarme ne viendra pas t'arrêter pour autant;-)
Les échos de Valclair
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