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Les échos de Valclair
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6 avril 2007

Plaisir de théâtre

Hier j’ai été voir Adam et Eve de Boulgakov au théâtre Gérard Philippe de Saint Denis.

Quel plaisir ! La pièce est de qualité, pleine de vivacité, son texte est acéré, satire drolatique de la réalité stalinienne mais au-delà réflexion sombre sur le danger des idéologies, sur la folie de la guerre. Certains passages sont glaçants, d’autres franchement drôles. Quelques hommes et une femme survivent dans une ambiance de fin du monde après une attaque chimique qui a anéanti la ville. Ils se côtoient, s’entraident, s’affrontent et finalement se révèlent dans cette situation extrême. Les rapports au pouvoir des uns et des autres, aussi dérisoire celui-ci soit-il devenu, apparaissent crûment et naturellement le désir et l’amour s’en mêlent. Il y a les idéologues prisonniers de leur folie, l’homme du peuple au solide bon sens, le littérateur infatué de lui-même mais qui finalement n’est pas dupe, il y a le savant décalé, qui a découvert l’antidote grâce auquel tous survivent, il apparaît légèrement givré mais au fond c’est lui le porteur de sagesse (est-ce le porte-parole de l’auteur ?), il y a Eve enfin, l’unique femme qui reste, frivole au début mais dont la gravité à la fin la fait porteuse de l’avenir possible de l’humanité.

La scénographie est très belle, les personnages évoluent sur une vaste scène, profonde, apparaissant, disparaissant au milieu de volutes d’épaisses fumées, sculpté par la lumière, formant de superbes tableaux.

Les acteurs sont bons (voire excellents pour certains, Pontchik le littérateur, Efrossimov le savant ou Eve). Le plaisir du théâtre c’est cela surtout, c’est le plaisir du jeu des acteurs. Sur ce plan, rien à faire, il n’y a pas photo avec le cinéma aussi bons, aussi présents les acteurs soient-ils dans un film. Au théâtre il y a la présence, la proximité vivante et qui est particulièrement sensible dans une salle pas trop grande comme celle-ci. Il y a la conscience que cette aventure est chaque jour renouvelée, soumise à des aléas, sans seconde prise. Il y a cette joie formidable que dégagent les acteurs lorsqu’ils viennent saluer à la fin et que l’accueil a été chaleureux.

J’adore le théâtre. Mais j’y vais peu. Trop peu. Aller au théâtre nécessite d’y penser à temps, de réserver, de s’organiser. Ou de prendre des abonnements comme on l’a fait certaines années. Mais on se dit qu’il y a tellement de choses à Paris qu’il est dommage de se contraindre dans les offres d’un abonnement précis. Résultats des courses on ne voit presque rien parce que le temps de réagir souvent il n’y a plus de place, j’ai raté par exemple les Ephémères de Mnouchkine en m’y prenant trop tard. Là en fait nous avons été à ce spectacle parce qu’un de mes amis lyonnais faisait partie de la troupe et nous y a fait inviter.

J’étais très heureux de le revoir d’ailleurs, cet ami « de trente ans » comme on dit, avec qui j’ai été très lié à une certaine période de ma vie mais que je n’avais pas vu depuis plusieurs années. Outre le moment d’après spectacle nous avons pu nous retrouver en déjeunant ensemble il y a quelques jours. Je suis assez admiratif de son parcours. Il disposait à priori de moins d’atouts culturels et sociaux que moi mais il a su lui, contrairement à moi, se remettre en cause, quitter le travail routinier dans lequel il avait commencé, prendre le risque de travailler ses passions musicales et artistiques pour en faire l’axe de sa vie et son métier. Je sais bien que j’ai tort, que tout regret à propos de ce qu’on aurait pu ou dû faire soi-même est absurde et improductif, mais il n’empêche, je ne peux m’empêcher d’avoir un petit pincement parce que ces accomplissements me renvoient à ce qui chez moi ne fut jamais que velléités.

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Commentaires
V
Oui Pivoine j'ai lu "Le Maitre et Marguerite" il y a une dizaine d'années, je garde le souvenir de quelquechose de très fort et très riche mais dont une partie m'échappait. ça me donne envie de le relire ...<br /> Dino, bienvenue pour cette première visite
D
Boulgakov est héroïque ... Il est arrivé, après maintes vicissitudes d'ordre politique et.al., à compléter son chef d'oeuvre: Le Maître et Marguerite est le comble d'un apocryphisme (dans le sens grec du terme), d'un occultisme littéral et érudit que ni tous les initiés sont capables de dévoiler.
P
Boulgakov est un grand auteur pour lequel je nourris beaucoup d'admiration. Si tu as l'occasion de lire "Le maître et Marguerite" ou "Le roman de Monsieur de Molière". Ou encore "Carnets d'un jeune médecin" (incroyable!) Jean Nuages a photographié sa tombe dans un cimetière de Mouscou (Vodoni... quelque chose...) Que de sorties intéressantes, le théâtre, les marionnettes. Il me semble qu'on s'éclate par ici ! Cela fait le régal de tes lecteurs et de tes lectrices et le mien certainement...
Les échos de Valclair
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