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Les échos de Valclair
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10 juillet 2007

Un week-end

Lundi matin, je m’éveille, il y a le bruit de la pluie sur le toit, des chants d’oiseaux cependant, des abois de chiens, les meuglements d’un troupeau de vache qui passe à proximité. Je me lève, j’ouvre le rideau et la fenêtre, hume l’air chargé d’odeurs, m’accoude au rebord de la fenêtre, je regarde cette campagne très verte, enserrée dans ses collines et ses montagnes un peu plus lointaines que masquent en partie des lambeaux de brume et de grosses masses nuageuses menaçantes…

J’ai pris mon petit carnet, j’ai commencé à tracer ces mots, je me sens des envies d’écrire, parler de ce moment et du week-end qui s’achève, et pourtant en même temps j’hésite, c’est même ça, cette hésitation qui occupe l’essentiel de ma cogitation matinale : en parlerais-je ou pas ? si j’en parle par quel bout vais-je le prendre?

Pour l’instant je n’en sais rien, je repose mon crayon, je laisse en attente et vais prendre mon petit déjeuner avec l’ami Pierre qui m’a gentiment hébergé ce week-end et avec qui à coup sûr nous n’allons pas manquer d’évoquer la question…

J’ai repris mon écriture dans le train du retour de Lyon entre rêverie et lectures de quelques chapitres de Lady Chatterley puis je la continue ce matin sur l’ordinateur.

Mon anonymat est à coup sûr bien fragilisé. Je ne cherche plus, comme auparavant à éviter systématiquement toute entrée permettant à qui me connaîtrait par ailleurs de me reconnaître. J’imagine que cela a dû arriver à quelques uns d’ailleurs déjà de se dire en tombant sut telle ou telle entrée : « ah tiens, ce Valclair c’est donc … ».

A bien y réfléchir ce qui me gêne dans l’effritement de l’anonymat ce n’est pas le fait en lui-même mais les conséquences que cela peut avoir sur ma façon d’écrire. Il est parfois compliqué, il peut même sur certains sujets s’avérer impossible, de parler d’une même voie à des types de lectorat et à des lecteurs trop divers : J’ai mon lectorat lointain, abstrait, avec lequel je ne communique pas et vis à vis duquel je me sens totalement libre, j’ai les lecteurs proches, ceux avec lesquels s’est développé une véritable communication, des relations plus ou moins intenses, ceux qui participent de ce que j’appelle ma blogobulle et avec lesquels nous partageons une même démarche même si les niveaux de dévoilement ou d’engagement respectifs des uns et des autres sont très divers. S’y rajoute vraisemblablement à chacune des occasions où se mêle intervention publique de ma part sur ces sujets et évocations de ceux-ci dans mon blog des personnes qui me croisent ou me connaissent dans une sphère publique sans qu’il y ait pour autant de relation intime avec elles. L’existence potentielle de ce type de lectorat supplémentaire vient s’inscrire dans la petite boîte intérieure qui là-haut contrôle mon écriture et qui tente de se dépatouiller de cette difficile mission : s’adresser à ce public multiple et maintenir absolument l’authenticité.

Les Journées de l’APA qui se tenaient à Ambérieu ce week-end sont précisément une occasion de ce type. J’hésite donc toujours un peu à en parler mais enfin ce mouvement de délitement de l’anonymat est engagé, je ne reviendrai pas en arrière, alors allons-y…

Je n’ai pas du tout l’intention de faire un compte rendu des Journées. Cela paraîtra ailleurs. Il me suffit de dire que comme à l’habitude elles ont été un moment riche de convivialités de toutes sortes, avec des contributions intéressantes, que la météo heureusement clémente du samedi a rendu la visite et le parcours gastronomico-littéraire au château des Allymes, où était fêté en présence de la municipalité d’Ambérieu les quinze ans de l’association, particulièrement sympathique et agréable. Il me semble tout de même que j’ai été moins interpellé émotivement et moins stimulé intellectuellement par les prestations des intervenants extérieurs que d’autres années : je ne sais si ça tenait à moi, au moindre écho du sujet en moi, à une certaine connaissance intellectuelle que j’en avais puisque je m’y étais intéressé en fréquentant le séminaire de J.L. Flandrin il y a pas mal d’années ou à la qualité intrinsèque des interventions. Un peu des trois sans doute.

Mais il y a eu aussi la pièce du vendredi soir « Tentative intime » de Sabine Revillet. La pièce est la mise en scène d’évocations tirées du journal intime de l’auteure et dont ressortent surtout les moments douloureux de son parcours. Je me suis senti souvent mal à l’aise pendant la pièce, ne sachant si j’appréciais ou pas. Certains moments m’ont paru très pénibles à supporter, des moments d’insistance vraisemblablement courts mais qui m’ont semblé interminables comme la transmission des liens, la sonnerie du portable, les moments de silence et de suspens aussi, par exemple ceux où elle changeait d’apparence et qui marquaient le passage d’une partie à une autre. Preuve que j’étais effectivement mal à l’aise. Etait-ce un effet que l’auteure souhaitait susciter, en nous laissant le temps de nous confronter à nous-mêmes ?

Evidemment tout ça m’intéresse aussi vivement en relation avec les questions que nous nous posons dans nos blogs : jusqu’où aller dans les dévoilements de l’intime, vis à vis de soi même et vis à vis des proches (la mère et la grand-mère de l’auteure ont assisté à l’une des représentations), comment autrui peut-il recevoir ce que l’on dit, tirera-t-il quelquechose à terme du malaise auquel on l’aura éventuellement confronté ?

J’ai trouvé pour ma part cette présence de l’intime plus impudique, mettant plus mal à l’aise ici que dans n’importe quel blog parce qu’elle est concrétisée par la réelle présence de l’artiste ce qui dévirtualise les choses, les rapproche de nous. Il ne s’agit pas seulement de mots dans un livre ou sur un écran, mais bien de la voix étranglée par la douleur, des sanglots de la personne elle-même. Evidemment on me dira que c’est du jeu, du théâtre, bien sûr ça l’est, mais c’est le théâtre de la personne même qui le joue, c’est la réactualisation d’un vrai moment, d’une vraie douleur de sa vie. Se pose alors la question pendant qu’on l’entend : joue-t-elle ou revit-elle ? Il y avait du soulagement à la voir venir s’exprimer, enjouée et détendue après sa performance précisément parce que on aurait pu craindre que ce ne soit pas le cas.

Parler d’impudeur, du fait d’avoir été mis mal à l’aise n’est naturellement pas une critique de ma part. Mais ce qui a manqué c’est un échange véritable avec elle qui aurait été très intéressant sur les enjeux qu’elle y avait mis, sur la part que ce travail avait pu apporter à sa propre construction, sans doute lui apportait encore puisque le spectacle est évolutif, différent chaque fois qu’elle le joue. La discussion qui a suivi le spectacle était insuffisante pour permettre un tel dialogue. J’étais comme je suppose le reste du public un peu assommé, il aurait fallu du temps, un petit décalage avec la prestation elle-même, sans doute aussi aurait-il fallu être moins nombreux (tiens un atelier avec elle le lendemain, voilà ce qu’il aurait fallu et ce qui aurait été sûrement absolument passionnant).

Allez pour finir et pour l’ambiance je vous donne une image (prise je l’espère de suffisamment loin pour que nul ne se sente atteint dans son droit à l’image) d’apaïstes mariant plaisir de bouche et de texte dans la belle lumière d’une fin d’après-midi au pied du château des Allymes…


Apa_Amb_rieu_051



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Commentaires
P
Rha la la, zêtes pas compliqués des fois, avec vos oui, mais, non, je ne veux pas et si je veux quand même, mais non, si on savait, et puis si on ne savait pas, et je suis pas schizo ??? <br /> <br /> De toute façon, c'est pas des journées comme ça qui font couler 23 commentaires, c'est des petits posts sur le sourire des femmes qui rient.<br /> <br /> Ok, je sors, je suis infernale et le démon de la contradiction me tient...
P
Tu as tout compris, Valclair ;o)
V
Merci pour le lien Samantdi, ce texte de Luciole que je n'aurais pas lu sinon est vraiment très intéressant, c'est une approche inhabituelle de la question, presque à rebours de la façon dont on la pose le plus souvent. J'ai lu deux fois et médité ce texte dont tout le sens ne se donne pas d'emblée et qui fait vraiment réfléchir. <br /> Oui Pierre tu parles de ton expérience pendant ces journées mais ce n'est pas sur ton blog qui n'en dit mot, il faut filer jusqu'à ton site, hé, hé, une façon j'imagine de mettre tout de même un peu à distance, à l'écart du flux des commentaires...
C
Beau récit de ces deux journées que je n'ai pas vécues. Je regrette presque de ne pas avoir assisté à ce spectacle dont Pierre parle également. Vos visions sont différentes et à la fois se rejoignent sur l'impudeur qui semblait s'en dégager, impudeur de l'actrice qui vous dérangeait semble t'il tous les deux. Avez-vous eu les impressions des autres participants ?
P
Ah cet anonymat qui s'effiloche malgré une molle résistance... comme s'il y avait un désir sous-jacent qu'il finisse par tomber un jour et réunifier cette schizophrénie qui nous menace à force de jongler entre différentes sphères relationnelles.<br /> <br /> Intéressant de voir ta perception de ce spectacle "dérangeant", qui porte sur d'autres points que la mienne ;o)
Les échos de Valclair
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