Beauté dansée
Je ne suis pas très branché
spectacle de danse, un art que je connais peu mais j’ai assisté ce week-end à
la dernière représentation parisienne du superbe « Poeta en Nueva
York » de Blanca Li. Trop tard pour vous y envoyer mais pas trop tard pour
en dire un mot et vous donner un lien.
C’est une évocation du
séjour de Garcia Lorca à New York à la fin des années 20. Le spectacle dit à la
fois la douleur de l’éloignement, la découverte du monde déshumanisé et violent
des grandes villes et du travail industriel, l’ouverture qu’apportent les
métissages culturels, la découverte de Cuba et de son art de vivre. Le
spectacle associe musiciens, danseurs, chanteurs et mêle dans un dialogue
magnifique flamenco et musiques de jazz.
Beaucoup de séquences sont
d’une grande invention, visuellement splendides et d’une puissante force
évocatrice : ainsi par exemple les voyageurs porteurs de valise ou le
ballet des escabeaux évoquant la frénésie productiviste ou encore la grande
scène vers la fin évoquant le cabaret cubain. Le sommet du spectacle est pour
moi cependant la scène évoquant les affrontements sanglants des clans,
l’affalement des jeunes hommes dans la mort, puis cette sorte de renaissance,
dans une chorégraphie magnifique, drapant les corps d’un manteau de pluie et de
lumière à l’effet extraordinaire.
Je reste pantois sur la
façon dont les danseurs déplacent leur corps. Au delà de la beauté du geste
lui-même il y a la façon dont ils s’inscrivent dans l’espace, cette sorte de
glissé harmonieux qui permet de passer d’un mouvement à l’immobilité ou à un
autre mouvement totalement différent, la façon de chuter aussi et de poursuivre
en rampant ou en rebondissant le mouvement amorcé, l’apparente non coordination
de micro-scènes en plusieurs points du plateau qui contribuent en réalité à une
chorégraphie d’ensemble bien plus forte que n’aurait été un simple mouvement
convergent. Il se dégage de tout ça une formidable énergie, qui se communique
au spectateur et qui s’est traduit logiquement à la fin par les longs
applaudissements de la salle debout.
Je me le dis chaque fois. Je ne vais pas assez au théâtre, je privilégie trop le cinéma à cause de sa facilité d’accès, ne nécessitant ni programmation à l’avance, ni réservation. Le spectacle vivant tout de même c’est autre chose, une autre présence.