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Les échos de Valclair
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22 janvier 2006

Mon non palmarès

Cette semaine c’est le festival cinéma de Télérama. Le principe c’est la remise en circuit de quelques uns des films de 2005 particulièrement appréciés par le rédaction du magazine et par les lecteurs qui ont été invités courant décembre à transmettre leur palmarès. On va tâcher d’en voir un ou deux qui manquent à notre moisson de l’année.

L’an dernier je m’étais amusé à faire ce palmarès. Cette année je n’en ai pas eu envie. Le rapport que l’on entretient avec les films au mois de décembre selon le moment de l’année où on les a vus, plus ou moins proche, selon le climat affectif dans lequel on était, introduit de tels facteurs de différenciation qui n’ont rien à voir avec le film lui-même que l’idée même du palmarès en perd beaucoup de son sens. En plus les films sont si différents que les classer paraît assez arbitraire.

Je préfère cette année pointer deux ou trois films que j’ai vu et qui m’ont vraiment marqué, qui restent une fois que le temps est passé, plus importants finalement que ceux que j’ai aimés sur le moment.

Là dedans, pas de doute, une mention spéciale au « Cauchemar de Darwin ». Pas du point de vue cinématographique. Mais du point de vue du fond. Je ne crois pas qu’il y ait un seul film dont je sois sorti plus assommé, plus terrifié que par celui-là. Quoique l’on voie, quoique l’on lise sur le mal-développement on ne peut imaginer l’horreur de ce film tant qu’on ne l’a pas vu. C’est au vingtième siècle (au vingt et unième d’ailleurs), c’est à quelques heures de vol de chez nous, les scènes les plus misérabilistes de Dickens ou de Zola sont hélas largement dépassés, ce sont vraiment ici les derniers cercles de l’enfer, j’y repense souvent avec horreur de là où je suis, avec ma vie pépère surprotégée et doucettement consommatrice (puisque, bien sûr, nous sommes des « gens bien », nous évitons d’être trop dans le paraître et la surconsommation, on achète des produits commerce équitable, trop facile dédouanement !)

Sinon il me semble que moins de films m’ont fortement marqué en 2005 que l’année précédente. Beaucoup m’ont plu sur le moment. Il n’en est guère qui me reviennent spontanément. Peut-être « Broken Flowers », à la puissante mélancolie et pour la prestation admirable de Bill Murray. Parmi les moins connus et médiatisés peut-être « Be with me » à la fois magnifiquement construit et révélant une figure admirable…

Je fais glisser l’ascenseur et remonte le long de mon traitement de texte, je relis les notes écrites sur le moment, c’est plaisant, ça me remémore des scènes, je retrouve beaucoup de bons moments mais ils ne sont pas là, ils ne vivent pas avec moi.

Et je repense aussi du coup à des films dont je n’ai rien dit par manque de disponibilité sur le moment.

Certains m’ont agacé ou ennuyé. « Les amants réguliers » par exemple dont la critique intello a fait grand cas. Quel ennui, que c’est chichiteux, artificiel, la caricature du cinéma dit d’auteur. D’autant plus décevant pour moi que j’étais ado dans ces années de l’après 68 et que sans doute je m’attendais à retrouver dans ce film quelquechose de ce qu’ont été ces années là pour moi.

Je me suis ennuyé aussi la plupart du temps en regardant « Le goût de la pastèque », il s’agit de montrer l’ennui et de le faire ressentir au spectateur (et certes de ce point de vue c’est réussi) d’un monde urbain vide de communication entre les gens, saisi en plus par une éprouvante canicule. Il y a des bruits mais pas de parole (le film est quasiment muet). Les gens vivent dans de vastes immeubles sinistres, les êtres sont complétement isolés même s’ils se croisent ou baisent ensemble, les seuls contacts sont ceux que permet un sexe marchandisé qui s’exprime notamment à travers un tournage porno bas de gamme et dans la très longue et très éprouvante scène de sexe purement mécanique et particulièrement sordide de la fin (même si elle se résout finalement dans une très paradoxale communication). Mais dans tout ça il y a quelques moments de grâce, lors des tentatives de rapprochement de la fille et du garçon, dans le désir qui hésite, dans des frôlements inaboutis et dans cette scène assez magique où le jeune homme fume une cigarette que sa compagne tient entre les orteils de son pied, scène fort troublante dont j’aurais aimé qu’elle se prolonge et s’érotise un peu plus.

Un peu d’ennui certes mais en y repensant tout de même un film beaucoup plus riche que ces « Amants réguliers » dont décidément je ne retiens rien sinon mon agacement.

Tant qu’à faire je peux dire un mot aussi de « Three times » que j’ai vu il y a quelques temps. J’ai beaucoup aimé. C’est un très bon film, un peu inégal dans ces trois volets très différents (il s’agit de trois histoires d’amour sans liens entre elles, se passant à des périodes différentes mais jouées par le même couple dont les transformations d’ailleurs entre les épisodes et les personnages qu’ils jouent sont assez impressionnantes). Le premier (1966) est le plus faible, légèrement ennuyeux dans sa répétitivité, le troisième (2005), rapide, plein de bruit et de fureur, collant au tempo vibrionnant de notre temps, le second (1911) aux images superbes, chaque plan est un tableau, est admirable d’émotion contenue. Cette partie est muette, soutenu par une musique puissamment nostalgique, les paroles s’inscrivant sur des cartons, créant un rythme lent et poétique particulièrement prenant, ici on ne s’ennuie pas une seconde malgré la lenteur. C’est le vrai centre du film avec lequel les autres épisodes communiquent de façon subtile à travers le jeu de leurs oppositions principalement dans les façons de filmer, le rythme, les tonalités dominantes des couleurs.

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Commentaires
V
Enfin c'est plus nuancé mon jugement sur la pastèque, je m'y suis un peu ennuyé c'est vrai, c'est un peu long et lourd, il y a des scènes un peu dures à supporter mais il y a de bonnes choses aussi et qui expriment un certain état de certaines (non)relations humaines dans nos sociétés.<br /> C'est surtout les amants réguliers qui m'a agacé et pour lequel j'ai trouvé les critiques pédantes.
C
merci Val pour ces critiques de films (aussi passionnantes que tes critiques de livres)<br /> Tu m'avais déjà un peu parlé de "Le gout de la pastèque"et tu m'avais découragé d'aller le voir alors que dans un journal belge j'en lisais une critique élogieuse<br /> Il y a parfois bcp de prétention chez des intellectuels pédants à prôner ainsi des films qui ne véhiculent que de la vacuité plutôt que de l'humanité
Les échos de Valclair
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