Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les échos de Valclair
Derniers commentaires
5 février 2006

"Vers le sud"

J’ai vu l'autre soir ce beau film de Laurent Cantet. Il m’a mis plutôt mal à l’aise surtout pendant sa première partie. J’ai eu un peu de mal devant ces femmes affalées sur la plage, devant les signes de leur absolue domination économique assumée sans la moindre gêne, devant les discours crus et directs de ces consommatrices de sexualité dans un rapport plus qu’à demi-marchandisé. Mais ce rapport sexuel est aussi un rapport amoureux, une immense demande amoureuse, presque effrayante dans sa violence, à la mesure de la solitude et du désarroi de ces femmes. C’est par là que ce commerce prend sa force et même sa noblesse, loin de la vision seulement et uniquement mortifère qu’en donne Houellebecq.

Tout cela est mis en avant sans concession, sans joliesse, qui viserait à nous charmer, sans rien qui donnerait à priori à ces femmes quelquechose de sympathique faisant passer avec plus de légèreté leurs amours exotiques (sauf pour Sue la canadienne mais elle n’est là que comme comparse). Ce refus d’enjoliver, tout ce qui gêne et met mal à l’aise est aussi ce qui fait la force du film. La présence de la misère haïtienne et de la violence meurtrière des tontons macoutes n’est pas là simplement en toile de fond, elle est là comme une donnée brute, incontournable, la situation aboutit au drame, il est bon qu’il en soit ainsi pour casser toute les illusions dont on pourrait avoir envie de se bercer.

Hellen particulièrement est difficile à supporter (magistrale composition de Charlotte Rampling), glaciale, hautaine, cynique, sûre d’elle, portant avec elle toute l’arrogance du Nord. Mais elle cache derrière cette façade qui est une défense un désespoir, une solitude abyssale, un besoin d’amour qu’elle ne parvient pas à combler. Finalement elle se révèle moins forte, moins capable de rebond que Brenda qui au départ paraît plus fragile, elle qui cherche moins à maîtriser, qui accepte de reconnaître et d’accueillir ses sentiments et son désarroi. Et tandis qu’Hellen figée comme une statue, morte à l’intérieur, repart vers son Amérique, Brenda ose remettre sur ses lèvres cette pointe de rouge à lèvres par laquelle elle affirme que tout n’est pas fini et qu’il faut tenter de vivre et d’aimer, dans d’autres îles peut-être…

On ne passe pas un moment vraiment plaisant avec ce film mais on passe en tout cas un moment rudement intéressant qui donne à penser et à ressentir et on ne regrette pas de l’avoir vu. Ça me donne envie aussi du coup d’aller lire Dany Laferrière qui a écrit les nouvelles dont est tiré le scénario, je n’ai rien lu de lui et le connaissais fort peu jusque là, j’avais seulement commencé à dresser une oreille attentive à son sujet après le billet très louangeur que lui a récemment consacré Samantdi.

vers_le_sud

Publicité
Commentaires
S
Je suis en train de lire le roman, c'est très étonnant, dérangeant.<br /> <br /> Il y a quelques années, la mode était à de petits recueils de nouvelles, écrites par des femmes américaines, dans lesquels elles racontaient leurs mésaventures avec les hommes (je n'ai plus de titre en tête, c'était le genre de livres faciles à lire et aussitôt oubliés). Ici, c'est ce même format : des histoires courtes, mettant en scène des femmes, souvent installées dans leur vie, qui, au cours d'un séjour à Haïti, remettent toute leur vie en question et décident de rester là, avec un paysan... Cela a à voir avec leur découverte du plaisir, mais pas seulement. On sent une volonté de rupture avec un ordre ancien...<br /> <br /> Ce texte m'intrigue et me passionne, mais je ne suis pas sûre, pourtant, de l'aimer.
Les échos de Valclair
Publicité
Publicité