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Les échos de Valclair
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28 mars 2006

En grève

Je reviens du bureau. J’ai été y faire l’état des présents, j’ai transmis mes états de grévistes et puis je me suis moi-même déclaré gréviste et je suis rentré à la maison avec une certaine légèreté à me sentir ainsi dégagé de cette journée de travail, à m’octroyer ce temps au prix d’une retenue de salaire, affirmation de ma liberté.

Je fais grève mais c’est ma grève. Je me sens très éloigné des invectives trop faciles sur la dérive libérale généralisée, sur ces méchants qui nous gouvernent et qui ne font que rajouter de la précarité pour le seul profit des employeurs forcément uniquement assoiffés de profits, je me sens très éloigné des solutions simplistes, des « ya ka » et des « faut qu’on » qui constituent la majorité des réponses. Je suis convaincu qu’il faut aller vers des aménagements qui donnent plus de souplesse à la société en général et plus d’adaptabilité au marché du travail et spécialement dans les secteurs les plus protégés comme ceux de la fonction publique qui naturellement précisément parce qu’elle est bien protégée par son statut sera encore une fois la plus mobilisée. Je ne sais pas bien ce qu’il faut faire, je ne me sens pas les compétences de donner des réponses, je ne sais pas si des solutions inspirées du modèle danois de flex-sécurité sont applicables ou partiellement applicables en France. J’ai en tout cas la conviction que c’est compliqué, que ce n’est pas simplement une affaire de gentils contre méchants. Au fond j’ai l’impression que je fais surtout grève contre une forme de mépris, contre l’arrogance technocratique, contre la mal-gouvernance. Finalement je fais une grève très politique.

Pourtant je ne vois guère non plus se profiler des issues favorables sur ce terrain. Une crise ça montre que ça bouge, oui, mais ce n’est pas en soi la garantie qu’il en sortira du meilleur (ça c’est une réponse à Alain qui dans un commentaire laissé sur une de mes dernières entrées me semblait avoir une vision bien optimiste de la vertu des crises : il y en a peut-être qui permettent aux forces nouvelles de s’affirmer, de bouleverser la donne, de faire avancer la société (mai 68 d’une certaine façon, dans certains domaines) mais les crises dans des climats régressifs où domine le désespoir social peuvent mener au pire (l’Allemagne d’avant le nazisme). Notre situation n’a rien à voir avec ce dernier exemple naturellement, c’est juste pour dire que la crise n’est pas en soi gage de positivité.) Quand on pense que le Sarko se débrouille pour apparaître en l’occurrence comme plus ouvert que Villepin, faut le faire ! L’état profondément divisé de la gauche ne laisse en tout cas guère entrevoir d’alternative crédible.

Je me suis mis en grève aussi parce que j’ai envie d’aller manifester. Là encore je ne sais pas bien avec qui je me mettrais. Certainement pas avec les « chers collègues » avec les syndicats dominants de la boutique qui sont toujours dans un corporatisme lamentable, sur une défense des acquis qui conduit par principe à s’opposer à toute remise en cause des statuts et des modèles d’organisation du travail. Peut-être avec la confédération CFDT qui me semble être l’organisation la plus capable d’une ouverture intelligente. Je sais bien que de toute façon je ne serais pas particulièrement à l’aise, je n’arrive plus à me sentir en phase dans le collectif.

Mon envie de manifester est surtout principielle, je veux réaffirmer que l’on peut descendre dans la rue, que le droit de manifester est intangible, qu’il est hors de question de se laisser impressionner ou apeurer par les lumpen qui peut-être, qui sans doute viendront y faire de la casse. J’emploie ce mot de lumpen même s’il fait référence à une analyse marxiste des classes sociales qui n’est plus trop d’actualité c’est le moins qu’on puisse dire, parce qu’au moins il souligne que ces gosses perdus mais redoutablement dangereux pour l’avenir de la démocratie sont le produit de l’exclusion sociale que notre société a construite, ce ne sont pas les gosses des cités ou les bruns-blacks en général comme d’autre dénominations peuvent conduire à l’induire.

Aller je déjeune, puis j’enfile mes baskets et mon blouson et en route…

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Commentaires
S
La responsabilité parentale est un argument souvent utile au désengagement de l'état et des valeurs républicaines, privatisons l'école comme en Angleterre, mettons les parents en prison,sucrons les allocations, je m'inquiète de ce discours même si ce n'est pas le tien Cassymary, je m'interroge sur les limites d'un argumentaire sur la responsabilité parentale qui peut aussi conduire au pire par les effets pervers qu'il suscite.
V
Bien sûr Cassy on peut réussir dans des collèges difficiles, très loin de moi l'idée sur ce plan d'accuser l'éducation nationale, il y a des gens qui font des choses remarquables dans des secteurs vraiment difficiles, qui aident à tirer des gamins vers le haut, ma constatation était simplement statistique, il est de fait qu'entre polarisation des quartiers, développement du consumérisme scolaire etc... il y a eu au cours des années une tendance accrue à la polarisation des établissments ce qui ne facilite pas l'intégration, la progression des plus fragiles. Et puis les parents qui démissionnent ce sont aussi souvent des parents qui sont eux m^mes destructurés ou en grande difficulté personnelle.
C
Je réagis encore....<br /> "la ségrégation sociale entre établissements théoriquement égaux et entre types de parcours scolaires". Je sais qu'on parle beaucoup de cette ségrégation là, j'en suis très consciente aussi... Mais c'est trop facile de dire: nos enfants ne réussissent pas parce qu'ils sont pas dans le bon collège, qu'ils n'ont pas fait le même parcours que d'autres. <br /> j'ai toujours refusé que mes enfants, aillent ailleurs que le collège du quartier public et pas du tout réputé parce que dans une zone "non recommandable". Je confirme qu'un enfant réussi dans ce milieu là aussi. Je ne pense pas que ce soit une histoire d'établissement. Nous sommes nous parents, d'abord responsables de la réussite de nos enfant. C'est trop facile de jeter la pierre sur l'éducation nationale ou bien sur le contexte social ou que sais-je encore. Les 1er fautifs se sont les parents qui démissionnent de leur rôle de parents. <br /> Manifestons oui, pour plus d'égalité, pour plus d'équité, mais balayons aussi devant notre porte !
V
Merci à tous de vos passages, sympa ces "petits nouveaux" qui prennent la peine de s'arrêter.<br /> J'en reviens pas, Koz multicarte au milieu de toutes ses intenses activités a même le temps de passer chez Valclair! Sympa.<br /> <br /> Quant au fond je constate qu'on est très nombreux a être à peu près dans de mêmes dispositions d'esprit.<br /> A des détails près. Cassy par exemple je te trouve bien optimiste sur la démocratisation de l'enseignement, moi je la crois très illusoire, la ségrégation sociale entre établissements théoriquement égaux et entre types de parcours scolaires n'a pas vraiment tendance à s'atténuer et je crains que ce que je dis là soit un euphémisme!!!
C
Janu: je ne parle pas forcément des acquis et de la sécurité des étudiants mais des acteurs de notre société en général (je dis acteur parce que je ne parle pas de ceux qui n'ont pas droit à la parole, puisqu'ils n'ont pas de "poids" politique,ceux là ne défilent pas dans les rues mais dans les accueils de nuit ou de jour, suivant qu'ils sont SDF ou "sans papiers".)<br /> Donc pour ce qui est des "acteurs",j'adhère au mouvement étudiant, qui a raison de refuser le CPE dans sa globalité, qui est une régression sociale. Je note simplement que ce sontles mêmes qui sont dans la rue, et les mêmes qui n'ont pas la possiblitté d'y être.<br /> En ce qui concerne mai 68, certes le chômage n'existait pas ou très peu, mais les classes sociales oui, et encore plus qu'aujourd'hui: si tu étais fils d'ouvrier, tu devenais ouvrier. si tu étais fils de bourgeois, tu avais toutes les chances d'intégrer une grande école et de faire carrière. Aujourd'hui, l'éducation, la culture, les études sont ouvertes à tous, pour celui qui veut travailler. <br /> Moi ce qui me gène, c'est qu'une poignée d'étudiants bloque un lycée, alors que la majorité qui se dit contre le CPE reste chez eux au lieu de déscendre dans la rue. Et une petite poignée délève, qui passe des exams dans peu de temps, qui a sacrifié 2 ans de sa vie à des études difficiles, est bloquée sur le trottoir (je parle là des classes préparatoires: khâgne et math sup par exemple). Voilà: ça m'emmerde que ce soit toujours les mêmes qui restent sur le carreau ! <br /> Chacun son combat, moi je préfère celui des exclus, ils n'ont pas de porte-parole eux.
Les échos de Valclair
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