Lumières
Hier j’ai visité
l’intéressante expo sur « l’esprit des lumières » à la BNF, la
présentation est intelligemment didactique et il y a de très belles pièces
notamment des gravures. Une gravure vue en vrai et non pas mise à plat par une
reproduction dans un livre ce peut être superbe. Il faut les regarder de près,
luxe fourmillant de détails, richesse de l’information donnée sur une toute
petite surface, qualité lorsqu’elles sont réussies des jeux d’ombre et de
lumière, effet de la palette des grisés du banc jusqu’au noir (tiens il me
semble que je disais la même chose à propos de la photo il y a peu : j’ai
l’impression que je deviens de plus en plusieurs sensible à ces arts du noir et
du blanc). Voyez celle-ci, en « manière noire », très étonnante,
quasi expressionniste. Il y en a qui sont porteuses de quantité
d’histoires potentielles, qui seraient d’excellents déclencheurs en ateliers
d’écriture, je pense spécialement à celles d’Hogarth, largement représenté dans
l’expo, le jour, la nuit, mille incidents et évènements de la vie courante,
petits groupes en conciliabule, trognes incroyables, l’imagination peut se
mettre en branle…
Il y a quelquechose de
militant dans cette exposition, une volonté de réaffirmer la validité des
valeurs portées par les Lumières, cela se manifeste par la mise en relation
dans chaque section du thème avec un auteur de bande dessiné actuel qui fait le
lien ainsi que par l’interrogation sur ce qu’il peut y avoir de présence de
l’esprit des Lumières dans d’autres contextes et civilisations. Sur ce dernier
point d’ailleurs ça me paraît un peu tiré par les cheveux. Quelques éléments
isolés du contexte ne font pas les Lumières qui sont la résultante, la mise en
dynamique de plusieurs aspects. (en très très gros, le primat accordé à la
raison sur les dogmes, l’universalisme, l’émergence de la sensibilité
personnelle, la reconnaissance de la place éminente de l’individu et de son
droit au bonheur).
Certaines personnalités
accrochent particulièrement : Mne du Châtelet par exemple que je
connaissais peu. Ici elle n’est qu’évoquée, son expo à elle est sur le site
Richelieu mais le peu qui apparaît donne envie d’aller à sa rencontre. Figure
d’avant-garde sûrement mais qui permet de comprendre le terreau sur lequel ont
surgi de grandes figures postérieures aussi différentes soient-elles, comme
Manon Rolland ou Olympe de Gouges. Et de percevoir à quel point aussi
l’instauration de l’ordre bourgeois du 19°, de la chape de plomb du puritanisme
ont tué dans l’œuf pour longtemps une part de ces promesses des Lumières. J’ai
une tendresse particulière pour le « beau » 18° siècle, cultivé,
libre, entreprenant, cosmopolite, c’était une belle période dans laquelle
j’aurais aimé vivre (à condition naturellement d’être du bon côté de la
barricade sociale, n’idéalisons pas !), il m’est arrivé d’avoir le
fantasme d’écrire sur cette période, soit en reprenant par une thèse mes études
d’histoire soit en me documentant suffisamment pour pouvoir y placer des récits
de fiction historique. Pauvres velléités naturellement qui n’ont pas même connu
le début d’un essai de réalisation !
Ce qu’il y a de bien avec
les expos de la BNF c’est qu’elles sont mises en ligne de façon assez
complètes. Le site n’est pas comme souvent la simple accroche un peu
publicitaire pour dire « venez, venez visiter », ici on peut voir
beaucoup d’œuvres, lire les textes d’accompagnement ce qu’on n’a pas forcément
la patience de faire complètement en visitant et regarder les vidéos qui
accompagnent et prolongent l’expo.
Et puis il y avait un autre
plaisir : j’ai visité cette expo avec Samantdi. J’ai pu lui faire
apprécier le bel espace de cet endroit que j’aime personnellement beaucoup, les
formes et volumes des tours, les reflets sur les parois de verre, la présence
du ciel, tout cet espace dégagé qui fait que l’on a ici le sentiment de
respirer mieux qu’en bien des endroits de Paris. La passerelle est presque
terminée qui sautera la Seine et les voies de circulation pour mener dans le
parc de Bercy, un de mes jardins de Paris préféré avec ses espaces multiples,
vers la nouvelle cinémathèque, vers la cour Saint Emilion. Nous avons pris un
pot ensuite puis sommes revenus à pied tranquillement par les petites rues du
13°, je l’ai raccompagnée à son port d’attache parisien prolongeant ainsi par
d’agréables discussions plus privées notre rencontre de mercredi au Paris
Carnet.