Cambridge
L’eurostar qui nous ramène
vers Paris file à travers la campagne anglaise sous une superbe lumière déjà
déclinante d’après-midi de novembre…
Nous avons eu un temps
absolument magnifique pendant nos deux journées à Cambridge. Ciel parfaitement
bleu, air sec, limpide, vent froid mais le soleil est bon et lorsqu’il est à
son plus haut, il réchauffe agréablement.
Jeudi matin nous avons
quitté Londres de King’s Cross par le quai 11 non sans être passé devant le mur
indiquant le quai 9 ¾ , fenêtre mythique vers Poudlard et ses sortilèges.
Une heure de train et nous
débarquons dans cet autre Poudlard. Nous traversons la ville, déposons nos
affaires dans un B and B où nous disposons d’une chambre spacieuse, agréable,
bien différente de notre réduit londonien puis partons chercher Taupin à la
sortie de ses cours à l’institut de mathématiques.
Plaisir des retrouvailles.
Nous allons par des cheminements piétons à travers terrains de sports et parcs
rejoindre le centre ville, nous nous installons sur une terrasse place du
Marché (oui, oui, on peut s’offrir le plaisir d’une terrasse en novembre en
Angleterre, tant le soleil est bon). Les distances ici sont suffisamment
modestes pour que tout puisse se faire à pied ou mieux à vélo, mode de
transport majoritaire et dont Taupin s’est déjà équipé.
Sur les deux jours nous
visitons la ville, en partie avec lui, en partie seul, en fonction de ses
contraintes d’emploi du temps. Nous déambulons dans les collèges historiques,
visitons la chapelle de King’s, magnifique autre exemple de gothique
perpendiculaire, nous passons de cour en cour, de pont en pont, nous attardant
sur les bords ensoleillés de la Cam, pelouses impeccables et même juste
derrière des près où broutent quelques vaches qu’on croirait mises là exprès
pour faire campagne anglaise ! Promenades dans les rues centrales aussi
très vivantes et agréables, livrées aux seuls piétons et cyclistes (et à
quelques bus forts encombrants). Nous poussons jusqu’au Musée Fitzwilliam,
impressionnante bâtisse, escaliers et halls démesurés, mobilier ancien,
accrochage ici des peintures très vieux style sur des murs tendus de rouge, on
ne voit pas forcément très bien toutes les peintures mais une part du charme
est là, dans l’impression d’ensemble plus que dans la contemplation
individuelle des œuvres. (mais il y a aussi quelques très belles pièces
notamment dans la section des peintures italiennes).
Bien sûr nous allons visiter
aussi le collège de Taupin, il est un peu à l’extérieur près de son institut de
math, il ne fait pas partie des bâtiments historiques mais c’est sacrément agréable
quand même. Bâtiments fonctionnels et agréables, beau parc très bien entretenu,
vastes pelouses mais aussi petits recoins entre les arbres, massifs de fleurs,
voici le Grove, la demeure ancienne autour de laquelle le collège a été
construit, c’est là que les graduate ont leur salon privé, où ils viennent
regarder la télévision, lire la presse internationale ou boire un verre. Il y a
pire comme conditions de vie…
Nous allons voir sa chambre également, il n’est pas dans le collège malheureusement mais dans une maison extérieure dans l’immédiate proximité qu’il partage avec trois chinois, un américain et un ghanéen. Pour nous il enfile sa toge qu’il doit porter dans les occasions officielles mais aussi chaque fois qu’il veut aller dîner au « grand service ». Nous plaisantons naturellement avec notre ironie caustique de français « démocratiques » de ces coutumes bizarres, de ces rituels d’un autre temps mais on ne peut non plus s’empêcher de leur trouver un certain charme.
Nous parlons de sa vie ici.
Il est manifestement très heureux d’être là, même s’il rame sérieusement. Il a
voulu faire un cursus très théorique qui a peu à voir avec ce qu’il a fait dans
ses deux premières années d’école d’ingénieur et dit ne pas se trouver au
niveau. Je suis un peu affolé de la quantité de travail qu’il a à fournir et
qui fait qu’il profite peu pour le moment de la ville même et des à côtés de la
vie étudiante. Je trouve ça un peu triste mais je ne lui dis pas, je crains
toujours qu’il y ait dans le sérieux, dans l’investissement intellectuel
intense une façon de se masquer d’autres enjeux. Peut-être n’est-ce pas le cas
pour lui, je l’espère. Peut-être n’est-ce que la projection de mes propres
souvenirs, de mes propres errements de jeune adulte qu’il m’est bien tard aujourd'hui
pour regretter.
(Ecrit le 4 novembre)