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Les échos de Valclair
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23 décembre 2006

Noël d'enfant, Noël d'antan

Hier dans ma rêverie autour du temps de pré-fêtes sont revenus vers moi des souvenirs de mes Noëls d’enfant. Je me suis souvenu que j’avais écrit là-dessus il y a une dizaine d’années lorsque je m’étais attelé à la rédaction d’un texte autobiographique évoquant enfance et jeunesse. J’ai remis le nez dedans du coup. J’ai ressorti le passage en question. Bon c’est du recyclage un peu facile mais c’est bien pratique, j’alimente le blog sans avoir à travailler, je vous donne du grain à lire pour les jours à venir si des fois vous en aviez envie, je peux me consacrer aux derniers préparatifs du Noël qui arrive. Et puis, en ramenant tout ça du passé je donne à coup sûr certaines clefs, parmi d’autres, de mes nostalgies d’aujourd'hui.

Donc le voici :

****

D'abord il y eut l'odeur…

Ma soeur et moi, dans la chambre que nous partagions chez nos grands-parents d'Annecy, étions déjà éveillés depuis un moment, attentifs à la lueur qui perçait peu à peu à travers les volets et aux bruits de la rue, signes du jour commençant.

"Je le sens, je sens le sapin!"

Nous avons bondi ensemble de nos lits, ouverts la porte de la chambre.

Oui, le sapin de Noël était là, dans le hall d'entrée de l'appartement, grande forme dressée dans la pénombre et qui s'éclairait, s'éteignait au rythme du clignotement de ses ampoules multicolores. L'air était embaumé de son odeur, c'était la forêt dans la maison. Et nous retrouvions sur ses branches les guirlandes entrelacées, les boules translucides, l'oiseau et le papillon de verre filé, les petits personnages, lutins et bûcherons, et la figure plus majestueuse d'un Père Noël tout blanc, qui trônait au centre, adossé au tronc, dans sa grande houppelande laineuse parsemée de points brillants qui figuraient la neige, avec sa longue barbe que nous aimions caresser du doigt. Et tout autour de l'arbre, les cadeaux, à chacun destiné, dans leurs paquets en papier décoré...

"Il est passé, il est passé, c'est aujourd'hui..."

Les jours précédents, comme tous les ans, nous avions fébrilement fait le décompte des jours restants avant le matin tellement attendu. Nos parents, cette année, pour tenter de s'assurer une plus longue tranquillité matinale, avaient réussi à nous faire croire que nous n'étions encore que le 24 décembre. Et même moi, le grand frère, m'y était laissé prendre...

Tard, la veille, comme nous dormions, les adultes avaient été chercher le sapin caché au garage, avaient installé silencieusement cadeaux et décorations puis célébré entre eux, à leur façon, pendant que d'autres entonnaient les chants de la Nativité, ce moment de fête autour d'une bouteille de vin précieux et d'un pot du meilleur caviar, en évoquant les Noëls roumains, lorsque Maman était enfant et qu'ils étaient jeunes, les grands froids et la neige infinie mêlant le ciel à la plaine, les rivières gelées sur lesquelles on irait patiner et les musiciens tsiganes qui dans la chaleur des maisons riches viendraient jouer pour vous...

S'écoulait alors cette belle journée de fête et de bonheur, lente et paisible, empreinte pourtant d'un je ne sais quoi de mélancolique...

D'abord, nous ouvrions avec frénésie nos paquets et manifestions notre enthousiasme devant chaque cadeau déballé. Ils n'étaient pas tous regroupés autour de l'arbre, il fallait chercher, et la plus grande joie était, lorsqu'on croyait avoir tout découvert, de trouver encore quelquechose auquel on ne s'attendait plus.

Nous petit déjeunions rapidement puis aidions ma grand'mère dans la préparation du repas, nous donnions la main surtout pour ce travail long et fastidieux qu'était l'épluchage des marrons mais nous le faisions ensemble, femmes et enfants, et c'était un moment précieux.

Ensuite nous sortions avec Papa pendant que les femmes achevaient les préparatifs. Nous allions au bord du lac, marchions et courions sur les pelouses du Paquier puis jusqu'au canal et au Pont des Amours, nous nourrissions les cygnes et les mouettes de pain dur, souvent le ciel était sombre, les montagnes noyées de nuages neigeux mais parfois étincelaient de beaux ciels et même, certaines années de froid précoce, il y avait un peu de neige et des plaques de glace dans le jardin public sur lesquelles nous aimions glisser et s'accrochait aux pontons désertés des loueurs de barque une amorce de banquise...

Ma grand'mère, si douce, si calme, organisait tout, veillait à tout. Elle savait et aimait recevoir. Tout était parfait dans les plus petits détails, le décor de la table comme l'excellence de la chère. Dans cette maison, aux ressources plus modestes que celles de mes autres grands-parents, on savait marquer avec plus d'éclat et de luxe les moments de fête.

A notre retour de promenade tout était prêt. La table était mise sur une grande nappe blanche de Roumanie décorée de broderies aux entrelacs multicolores; les cristaux et le service de belle porcelaine étincelaient; des bouquets odorants de fleurs fraîches étaient disposés sur le buffet et sur les guéridons; et le soleil me semblait-il éclairait tout cela. Pourtant il dû bien y avoir des Noëls pluvieux!

Les invités étaient arrivés entre-temps, peu nombreux, une ou deux tantes ou vieilles cousines qui sinon auraient passé un Noël solitaire. Il y avait en toujours l'inévitable Delphine, la soeur aînée de mon grand-père, une femme au destin triste, qui ne s'était jamais mariée, avare et acariâtre, et qui entretenait avec son frère des relations détestables. Elle ne sentait pas bon, avait une ombre de moustache et, nous les enfants, ne l'approchions et ne l'embrassions qu'à contrecœur. Nous disions du mal d'elle, mon grand-père en rajoutait et ma grand'mère tentait de toute sa douceur de l'apaiser.

Le repas commençait tard. Chacun avait à sa place, à côté de son assiette, une petite figurine de Noël qu'il retrouvait avec plaisir d'année en année. Elles ne sortaient qu'à cette occasion des boîtes à chaussure et des enveloppements protecteurs de papier de soie où elles dormaient le reste du temps, elles venaient de Roumanie elles aussi et elles étaient comme une marque rassurante de la pérennité des choses et des gens.

Le menu était toujours le même et personne n'aurait songé à en changer. Les oeufs mimosas au crabe, la dinde aux marrons et la bûche au moka.

Le repas s'étirait.

Au café d'autres membres de la famille venaient, portaient des cadeaux et en recevaient, restaient un moment pour échanger nouvelles et souhaits. Sur la fin de l'après-midi quelques uns des adultes jouaient aux cartes. Ces vieilles personnes affectionnaient le rami ou la belote, une cousine fort âgée, toute petite femme sèche et ridée comme une vieille pomme, connue pour être confite en dévotion, s'y montrait redoutablement passionnée, capable de sentiments peu chrétiens à l'égard de ses adversaires et très mauvaise joueuse lorsqu'elle perdait, capable de soutenir avec une absolue mauvaise foi des contrevérités d'évidence. Delphine, qui ne jouait pas, restait immobile et muette dans son fauteuil et fixait de son oeil torve tour à tour chacun des joueurs et nous tous et son regard valait toutes les désapprobations tandis que ma grand'mère déjà s'affairait, aidée d'une ou deux autres femmes, aux soins du débarrassage.

Les invités partaient peu à peu.

La soirée était paisible.

On écoutait un peu de musique ce qui n'était pas chose courante, chez nous, à cette époque. L'électrophone servait peu, uniquement dans des moments particuliers comme celui-ci, mais alors c'était comme si des concertistes étaient venus à nous en personne et tous nous écoutions dans le recueillement.

Et j'étais surpris de voir alors qu'il suffisait de quelques accords langoureux ou d'un glissando mélancolique de violon pour arracher des larmes à mon grand-père, ce qui me semblait-il ne ressemblait pas à cet homme déjà vieux et malade, au très mauvais caractère, plus souvent bougon que tendre.

Il pleurait, sous la vague de ses souvenirs ravivés, sa jeunesse enfuie...

****

Voilà ce que j’ai écrit il y a presque douze ans…

Voilà ce que j’ai eu plaisir à retrouver et à exhumer…

Voilà ce que j’ai eu envie de vous donner en partage à vous mes lecteurs, un tout petit cadeau qui ne passe pas par les boutiques et les caddys, un tout petit cadeau mais qui part du cœur, en vous souhaitant pour les jours à venir des moments simples, chaleureux et aimants, tout ce que je me souhaite à moi-même…

Bonnes fêtes à tous.

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Commentaires
S
Merci Valclair...pour ces contes et légendes de toi enfant. <br /> t'es allé voir sur la terrasse s'il restait pas un cadeau planqué ? On sait jamais :)
C
procurent ;-)
C
Très Joyeux Noel à toi et tous les tiens et merci pour le plaisir que nous procure tes textes ;-) <br /> Amicalement
N
Un Noël familial d'autrefois comme chacun aurait voulu le vivre, encore et encore. Merci pour ce très beau texte.<br /> Plein de bonnes choses !
F
Merci Valclair.<br /> Bon Noël à toi et à ta famille.<br /> Amicalement.
Les échos de Valclair
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