Ricochet 1997: Hong-Kong
Hé, avec tout ça j'en oublierai mes ricochets! Voici celui que j'ai déposé hier sur le site Petits cailloux et ricochets pour évoquer mon année 1997
En novembre 1996 une
personne que j’ai connu comme chef d’établissement à Paris me contacte depuis
Hong-Kong et me propose de venir faire des prestations au lycée français de
cette ville dont il est devenu proviseur. Inutile de dire que je n’hésite pas
longtemps même si cela doit se substituer à mes vacances de printemps.
Il y a l’attrait du voyage
bien sûr. Mais au-delà ce qui me fait plaisir c’est la reconnaissance
professionnelle dont atteste cette proposition. Je me sens investi d’une
certaine importance. Me voir confier une mission à l’étranger ! Se dire
que quelqu'un, qui n’était nullement un ami a apprécié ma façon de travailler
et considéré qu’il valait la peine de me payer voyage et séjour et de me rémunérer !
ça me fait plaisir et j’en ai même une certaine fierté. Ça peu paraître un peu
enfantin cette réaction, signe d’immaturité, d’une image de soi professionnel
insuffisamment affirmée, n’empêche c’est ce que j’ai ressenti. Pour moi
fonctionnaire qui n’ai de feed-back que dans les mots ou par les appréciations
de notes administratives langue de bois, il y a une signification symbolique à
être payé pour moi-même, pour un acte professionnel précis que l’on a choisi de
me confier à moi et non à un autre.
J’irai trois ans de suite à
Hong-Kong associant travail à haute dose et découverte d’un monde qui m’était
inconnu. La troisième année j’y suis allé avec Constance et nous avons prolongé
par une semaine de voyage en Chine du Sud.
Des images me remontent et
je choisis d’en épingler quelques unes parmi beaucoup d’autres :
Me voici le premier jour
encore tout azimuté de décalage horaire je plonge mon regard des fenêtres
élevées de mon hôtel sur la circulation intense du port et sur le
« convention center » en construction où dans quelques mois doivent
avoir lieu les cérémonies de la rétrocession à la Chine.
Je me vois un matin, très
tôt, en allant rejoindre le bus qui me monte au lycée, je traverse un parc, au
milieu de vieille personnes pratiquant, comme hors du temps, leur tai-chi
matinal.
Me promenant dans les
quartiers modernes je lève les yeux et m’enthousiasme pour les lignes et les
formes que dessinent au-dessus de moi de superbes immeubles de verre et
d’acier. Je glisse avec la foule le long des successions de passerelles
piétonnes et d’escaliers mécaniques qui me mènent sur les pentes du piton
rocheux qui domine l’île.
Me voici dans un vieux
quartier très animé, m’asseyant un long moment au fond d’un petit temple planté
dans une ruelle, observant les allées et venues de visiteurs de tous âges et de
toutes conditions, respirant les odeurs lourdes des encens qu’ils viennent
brûler.
Je fais la queue pour
prendre les vieux star-ferry qui font la noria entre Hong-Kong et Kowloon,
observant les flux pressés qui se croisent, m’étonnant du nombre de personnes
que je vois accrochées à leur téléphones portables à une époque où ils
commençaient à peine à apparaître en France.
Dans l’île de Lantau, après
avoir visité le temple je m’engage seul sur le chemin de randonnée pédestre qui
monte vers le pic, le ciel est chargé, des bancs de nuages s’accrochent au
sommet, la végétation et la nature tropicale ont repris tous leurs droits, je
me sens exalté mais vaguement inquiet tout de même et par peur de m’égarer je
rebrousse chemin assez vite.
Le lendemain, dernier jour
avant mon départ, me voici faisant le tour d’une petite île proche où se trouve
un vaste cimetière sur fond de mer de Chine, il y a foule, c’est un jour de
célébration des morts. Je me promène au milieu des familles venues partager
leurs agapes avec leurs ancêtres et qui piquent-niquent joyeusement auprès des
tombes et je trouve cela beau.
Hong-Kong c’est déjà la
Chine quoiqu’on dise souvent. La part de culture anglo-saxonne et de
mondialisation capitaliste est très voyante, c’est celle des élites, de ceux
qui régissent le développement économique mais elle reste superficielle. Des
spécialistes de feng-sui sont consultés par les architectes au moment de la
construction des immeubles, les pharmacopées traditionnelles sont utilisés par
tous, les seuils des maisons et le fond de chaque boutique, 90% de la
population ne parle pas anglais, y compris parmi les chauffeurs de bus ou de
taxi. Et dès que l’on sort de la ville, qu’on va sur les autres îles ou dans
les nouveaux territoires c’est encore plus net.
Je me sens vraiment loin de
chez moi, éloigné de mes repères et pour autant je me sens très bien. Je me dis
que décidément j’aime les voyages.
A la cantine du lycée j’ai
l’occasion de parler longuement avec les personnels qui sont en poste ici, qui
évoquent leur vie d’expatriés, ces rapports un peu étrange aux sociétés dans
lesquels ils sont, à la fois dedans-dehors, l’ouverture sur le monde que cela
leur offre, leurs rencontres, leurs voyages. Il me font rêver en me parlant de
leur regroupement de formation continue qui chaque année se font aux frais de
la princesse aux quatre coins de l’Asie (enfin qui se faisaient, j’imagine
qu’avec le développement d’internet et le resserrement des crédits ce genre de
stages doivent être moins fréquents !)
Ça me fait gamberger. Je m’y
verrais bien. Et rétrospectivement je ricoche bien plus loin dans le passé. A
la fin de ma formation, il m’a fallu déposer des vœux sur les postes vacants.
J’avais le choix entre deux possibilités : la Réunion et un poste en
proche banlieue parisienne. J’étais libre pourtant à l’époque sans attache
familiale, sans attache sentimentale sérieuse. Il fallait rendre le document
pour cinq heures. A cinq heures moins cinq, j’étais le dernier à ne pas avoir
déposé mon dossier, incapable de me décider, ma main hésitait, passant d’une
case à l’autre. Finalement j’avais coché juste à l’heure fatidique : la
proche banlieue !
Je ne me suis pas éloigné de
la maison des pères !