Sarkoléon à l'offensive
Il faut dire qu’il fait fort
le Sarko pour son démarrage. S’il arrive à sortir un gouvernement avec un
Kouchner et un Védrine qui ne sont pas exactement des nullités ni non plus de
simples transfuges haineux à la Besson, il aura réussi un joli coup.
Il réaliserait alors au
moins pour partie ce que Chirac n’a pas voulu faire en 2002 alors qu’il en avait,
bien plus que Sarko aujourd'hui, la possibilité en raison des conditions de son
élection. Chirac a perdu alors l’occasion de se hisser à une stature historique
en s’élevant au-dessus de son camp et de son clan.
Je lui ai toujours trouvé un
petit côté Napoléon à Sarko qui se confirme ici, la puissance de travail,
l’activité vibrionnante, le volontarisme frénétique, l’autoritarisme et la
mégalomanie qui peuvent conduire à des fuites en avant aux conséquences qui
pourraient être redoutables. Mais aussi une certaine hauteur, une capacité à
faire bouger les lignes, à se situer un peu ailleurs en positif ou en négatif que
là où on l’aurait attendu, une certaine capacité tout en restant avant tout un
serviteur zélé de la classe et des intérêts sociaux qui le porte et qui mènera
donc pour l’essentiel la politique que celle-ci réclame, à s’en émanciper
cependant pour partie, à s’émanciper en tout cas des clans particuliers qui le
soutiennent. De ce point de vue il est assez jouissif de voir les caciques de
la Sarkozie s’étouffer de rage, mais silencieusement, sans trop le montrer, en
voyant les maroquins leur échapper au profit des ralliés de la dernière heure,
de la gauche ou du centre.
Mais au delà Sarko
saura-t-il s’affranchir en accédant à la présidence au moins en partie de ses
tropismes personnels et sociaux ? Personnellement je ne le crois pas mais
après tout il n’est pas interdit de lui laisser le bénéfice du doute, de le
juger sur les actes. Peut-être se révélera-t-il moins pire que ce que l’on
pouvait craindre, surtout s’il attache une grande importance à la trace qu’il
pourrait laisser dans l’histoire.
Le spectacle que donne la
gauche en tout cas est proprement désolant. La gauche radicale, qui a pour elle
la justesse de certains diagnostics mais qui est incapable de proposer des
solutions, est totalement éclatée, elle n’a eu que l’illusion d’une victoire
avec le succès du non au référendum. Au PS et alentour les rancœurs sont
tellement violentes qu’on voit mal quels pourraient être les chemins d’une
reconstruction confiante. A voir la façon dont sont tirés les couteaux, on se
dit même rétrospectivement que la constitution d’une équipe solide autour de
Royal, avec des gens n’ayant pas pour objectif premier de se faire des
chausse-trappe n’aurait rien eu d’évident et que les improvisations de la
campagne auraient pu se retrouver dans la suite. Quant à Bayrou il a toutes les
chances d’être laminé par le système surtout si Sarko réussit son opération
d’ouverture.
Une recomposition des forces
politiques étaient nécessaires. J’espérais qu’elle puisse se faire à
l’initiative et sur les positions et les valeurs d’une gauche ouverte,
humaniste, non sectaire qui aurait entraîné à sa suite les mouvances
écologiques et centristes.
Elles va se faire, en tout
cas dans la période proche, sous la houlette et sur les positions et valeurs de
Sarkozy qui restent, quelles que soient les habiletés politiques et
rassembleuses dont il peut faire preuve, celle du fric roi, de la valorisation
de la sphère marchande de la société au détriment de sa part non marchande, de
l’affirmation des valeurs individualistes au détriment des solidarités collectives,
celles d’une société peut-être ouverte et dynamique pour les forts mais à coup
sûr dure pour les faibles.
Ce qui est assez terrible,
assez décourageant et qui casse les espérances que l’on se laisse aller à avoir
dans l’action politique c’est de réaliser combien les questions de personnes,
les affrontements d’egos pèsent derrière les valeurs et les positions
affirmées. Combien de projets se perdent dans les sables non pour des raisons
de fond mais parce qu’il y eu des rivalités non surmontées entre divers
partenaires, concepteurs, metteurs en œuvre. Ça c’est un constat qui va bien
au-delà du « politique » d’ailleurs. Je le vis très souvent dans mon
propre travail. Ces jours ci même j’en ai eu un exemple. J’attends une décision
et quelques équipements allant avec, incompréhensiblement cette décision ne se
prend pas, je n’y comprend rien, j’essaie de creuser ce qui peut faire
obstacle, je finis par comprendre que de dérisoires hostilités personnelles
entre responsables de services ont conduit l’un d’eux à agir pour faire capoter
le projet sans autre raison que d’empêcher un succès dont l’autre aurait pu se
prévaloir. Ça paraît invraisemblable. C’est plus fréquent, hélas, qu’on ne
croit.
Tout ça touche à des
ressorts profonds des fonctionnements humains, c’est un peu
désespérant ...
Oups je me suis envolé un
peu loin du Sarkoléon. Mais en touchant sans doute à de l’essentiel qui
transcende le politique.