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Les échos de Valclair
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7 juin 2007

Ricochet 1994: "Traces"

Voici ma contribution 1994 aux « Petits cailloux et ricochets » des blogueurs :

 

« Traces » c’est, à ce jour, mon texte le plus accompli. Il a été commencé en 1993, terminé et mis en forme en 1995 mais l’essentiel de sa rédaction, le choix de ce qu’il serait en définitive date bien de 1994.

C’est un retour à l’écriture après un temps très long où j’avais totalement mis sous le boisseau l’idée même d’écrire. Ecrire, dès lors que je n’étais pas écrivain, que je n’envisageais pas de le devenir m’apparaissait comme quasi illicite.

C’est un besoin simple d’expression qui m’a fait reprendre la plume. Je me sentais mal ces années là, j’étouffais, j’ai ressenti l’absolu besoin de faire le point avec des mots sur moi-même, mon histoire, mes impasses. J’accordais donc très clairement à cette écriture quand je l’ai reprise une fonction thérapeutique bien plus que littéraire.

Je suis parti des malaises du présent, je les ai confronté à mon histoire récente. Puis j’ai senti le besoin d’aller plus loin dans le passé, à la recherche d’éclats de souvenirs. Je n’ai pas cherché à construire une continuité chronologique, à raconter mon histoire. J’ai donc écrit des fragments au fur et à mesure qu’ils se présentaient à moi. C’est en avançant que j’ai trouvé du sens à les organiser et du coup à les compléter pour qu’au final cela tout de même fasse histoire.

Mais j’ai aussi pris un grand plaisir à écrire ces fragments, ou plus exactement à les voir terminés, à voir que du magma confus et au prix parfois d’une douloureuse maïeutique sortait un texte ciselé, agréable à lire, authentique, exprimant avec justesse une certaine vérité de moi ou de mon passé.

Il y a dans cet ensemble des pages vraiment douloureuses, des cris, que je ne relis pas sans trembler non d’ailleurs tant dans les fragments eux-mêmes évocateurs du passé que dans ce qui les environne, des textes d’ambiance sur le moment, des « postscrits » remettant en cause le sens de ce travail au regard des douleurs vécues dans le présent.

Il y a eu des moments d’ailleurs où j’ai eu la pulsion de tout détruire. Tout en sachant parfaitement que je ne le ferais pas. Parce qu’au fond je ne suis pas destructeur mais conservateur à l’extrême (de même que je ne suis pas suicidaire mais plutôt, à l’excès, terrifié par la mort). Et puis parce que je ne pouvais m’empêcher de trouver beau certains de ces textes. Et ça c’était la victoire comme l’était aussi le plaisir que j’avais pris à l’écriture et qui en vérité suffisait à lui donner sens.

J’ai réorganisé cet ensemble il y a deux ou trois ans, j’ai conservé l’ensemble des fragments sans modifier une ligne mais mis de côté certains postscrits, je l’ai doté d’une préface, je l’ai relié, ça fait un ensemble de 120 pages en petits caractères, j’ai le projet de le déposer dans quelque grenier autobiographique. C’est même une des raisons qui m’a fait adhérer à l’Association pour l’Autobiographie il y a quelques années mais pour l’instant je me dis que rien ne presse, mes « Traces » attendent tranquillement dans mes tiroirs…

Lorsque je remets le nez dans ces textes ce qui me donne le vertige c’est d’y trouver des phrases comme celles-ci : « Mais toi, mais nous… L’étincelle que j’y vis ne brille plus dans tes yeux. Nos corps se plombent et nos cœurs se racornissent. Les étreintes se font rares et presque honteuses. Les rires s’éteignent. Le silence s’installe, ce silence gris de tant de couples vieillissants… »

Vertige à voir que tout était déjà là, que le silence était déjà là et que la volonté de le rompre était déjà là, et vertige à voir que douze ans après, tout est encore là, immobile…

Alors me vient la lancinante interrogation : qu’était-ce donc ces pages et ces pages noircies, sinon un substitut de thérapie, une ruse habile de l’inconscient pour m’empêcher d’y avoir recours, une façon d’éviter par peur panique du changement d’affronter vraiment les problèmes et de pouvoir ensuite peut-être grandir, seul ou ensemble ?

Quoiqu’il en soit tel a été mon chemin. C’est ainsi que ce fut. Il n’y a rien à y redire. Les regrets sont inutiles et dépourvus de sens. Il y a seulement, et même s’il est tard désormais, à éviter de reproduire encore et encore, à l’identique …

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Commentaires
P
pour avoir relu, quelque années après les avoir écrit, quelques textes laissés à ma psy, je peux dire que je comprend bien ce dont tu parles, dans cette impression de latence des émotions, des états d'âme.<br /> <br /> mais comme Alauda (qui n'en sera pas surprise, je parie ;) ), je pense que c'est plus affaire de mûrissement que d'immobilisme.<br /> <br /> il est des choses, des pensées qui nous parviennent parfois, à des moments où on n'est pas prêts à les voir s'épanouir. pour x raison.<br /> alors forcément, quand le temps a passé, qu'on a fait des "choix", on se surprend à se dire que oui, c'était déjà là, enfoui quelque part au fond de nous. et comment ne l'avons-nous pas vu, senti, compris ?<br /> <br /> peut-être que parfois, notre corps réagit avant notre inconscient. mais qu'il faut du temps pour décrypter ce genre de message...
V
En effet Marie. Si j'ai parlé de rupture c'est surtout en commentaire de ce qu'a écrit Pivoine. Mais il n'empêche que c'est sans doute implicitement sousjacent en tant que risque et que c'est peut-être cela qui conduit à l'immobilisme.<br /> Merci Jean pour le lien, cela faisait un petit moment que je n'étais pas venu chez toi et je n'avais pas vu où nous conduisaient tes photos ces jours ci.
M
très émue, Valclair, en te lisant ...<br /> je n'ai pas l'impression qu'il ne soit question que de rupture dans ta façon de voir évoluer les choses.<br /> le partage, la parole, les retrouvailles ...?<br /> mais c'est vrai que le temps passe et que même si la peur du changement nous tétanise ( et je me reconnais tellement là ...)il faut mettre les pieds dans le plat à un moment donné...<br /> bon courage.
N
Juste un petit mot, sans rapport avec ton billet...<br /> Depuis quelques jours, je publie une série de détails photographiques parisiens sur mon blog.<br /> <br /> Amitiés,<br /> Jean
V
Bien sûr Telle il y a cela aussi, c'est aussi une façon d'accepter cet "été" des choses dans ce qu'elles ont de positif. Mais cette acceptation est aussi une façon de se dédouaner de l'effort de tenter des changements possibles, de prendre les risques éventuels de ces changements. <br /> Et changement, Pivoine, ne veut pas forcément dire rupture, ce peut-être construction ensemble mais bien sûr oui le risque de la rupture existe, il faut donc assumer son éventualité.<br /> Et chacun en effet avance à son rythme, c'est vrai qu'il y de la maturation sous-jacente,on peut très bien verbaliser des choses sans qu'en réalité elles ne soient intégrées en profondeur,je pense que c'était le cas, c'est pourquoi je ne regrette rien, simplement j'ai un certain vertige à voir comme les choses avancent lentement, il faudrait vivre deux siècles! et encore!
Les échos de Valclair
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