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Les échos de Valclair
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8 juin 2007

Contrepoint

Dans ma pratique professionnelle désormais ce sont les aspects de gestion et d’organisation, de partenariat, d’animation d’équipe voire de formation qui dominent et j’ai assez peu l’occasion de pratiquer directement mon métier de base en direct avec les adolescents et les famille qui viennent consulter le service.

Je l’ai fait ce matin, j’ai reçu et travaillé près de deux heures avec un adolescent que sa mère qui est une amie, enfin surtout une amie de ma femme, m’avait demandé de rencontrer pour tenter de l’aider à tracer des perspectives pour l’avenir.

J’ai été atterré devant cet ado de dix-huit ans qui cahote de pensionnats en boîtes privées sans s’être encore jamais mis dans le jeu, qui n’a envie de rien ni scolairement, ni, ce qui est bien plus dramatique, hors de sa scolarité. J’ai été atterré par son immaturité, par son refus de se coltiner à la réalité, par son agressivité à l’égard de sa famille et à l’égard de tout. J’ai même été assez choqué par son cynisme, son refus n’est pas un refus du monde tel qu’il est, c’est juste un refus des contraintes pour lui-même (« j’ai envie d’avoir beaucoup de tunes, le plus vite possible et je veux pas bosser, ça me plairait qu’il y en ait qui bossent pour moi », il l’a dit comme ça et j’ai l’impression que ce n’était même pas de la provocation !).

Par moment j’ai senti que l’écoute empathique devenait difficile et que grandissait en moi une sérieuse envie de lui botter les fesses. Je devine bien sûr ce que recouvre de désespérance profonde un tel comportement et j’imagine que cela s’origine dans des pathologies familiales qui m’échappent et qui de toute façon ne sont pas de mon ressort. Mais je mesure alors par comparaison le bonheur qui est le notre dans nos relations avec nos enfants.

Ils sont super nos gars ! ils sont très complices entre eux malgré leur cinq ans de différence d’âge. Ils sont gentils et prévenants à notre égard et à l’égard d’autrui. Nos relations sont confiantes même s’il y a naturellement de temps en temps de petits conflits inévitables et normaux. On a le sentiment de se parler d’adulte à adulte. Ils sont plutôt gais, à l’aise dans leurs baskets, ils semblent heureux de leur vie (même si Taupin n’a pas encore tout à fait dépassé une rupture sentimentale qui commence pourtant à dater : bref on aimerait le savoir amoureux). Ils sont avides de tout ce que la vie peut leur apporter, heureux de ce qu’ils ont à découvrir dans le monde et à travers des études dans lesquelles ils se sentent bien. C’est du bonheur ça et pas qu’un peu ! Mais c’est une sorte de bonheur d’évidence, il est à notre porte, on pourrait oublier de le voir. Ça me fait du bien de mettre le nez dessus. Et notamment en contrepoint de mon ricochet d’hier.

Ce soir Taupin justement, l’enfant prodigue parti outre-Manche, revient à Paris pour une semaine notamment pour participer à la fête de départ à la retraite d’un de ses profs de prépa et pour se rendre à des rendez-vous avec des boîtes dans lesquelles il candidate. Il arrive à 22h ce soir à la gare du Nord par l’Eurostar. Il est assez grand bien sûr pour rentrer tout seul. Mais ça nous fera plaisir à sa mère et à moi d’aller à sa rencontre, de l’accueillir sur le quai de la gare, de rentrer avec lui par le métro, tout simplement plaisir et je suis sûr qu’à lui aussi cela fera plaisir cette surprise de nous voir à son arrivée.

C’est cela aussi que nous avons construit, nous et eux ensemble, la possibilité de ces petits bonheurs tout simples. C’est un signe que nos relations ne sont pas cristallisées de façon purement pathologiques, que tous ces silences, toutes ces insatisfactions dont je fais état et qui sont bien réelles sont le pendant aussi de quelquechose qui malgré tout fonctionne et produit de beaux fruits, offre de beaux moments. Il faut les voir, s’en saisir, les apprécier à leur juste prix qui est grand. Sans que ça signifie pour autant qu’il faille s’en contenter.

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Commentaires
M
j'adore ce bonheur complice de regarder avec fierté ce que deviennent nos enfants !!!<br /> si vous partagez encore ce plaisir là alors ........
V
Ce que tu dis, Telle, est vrai bien sûr, nous ne donnons toujours que des visions partielles, à un moment t., c'est au fond l'ensemble des billets qui fait surgir peu à peu une personne des limbes (enfin une part un peu plus consistante de la personne, ce n'est jamais la personne entière)<br /> Mais ce n'est pas pour autant qu'il faut avoir peur de commenter, peur d'y aller même avec "ses gros sabots" comme tu dis, ça ne blesse pas, ça enrichit au contraire et ça peut contribuer justement à générer une nouvelle entrée "contrepoint", comme cela a été le cas ici. Plus exactement ça a contribué à me renvoyer à moi lors de cette rencontre avec cet adolescent douloureux un contrepoint favorable, cette image de ce qui est réussi dans ma propre vie de famille et que sinon je n'aurais peut-être même pas vu.
S
Emotion vive à te lire...<br /> Pour toi, pour la perspective de ce que ce " racccordement à la terre " peut t'amener comme sentiment de paix intérieure...<br /> Et dégager pour ta vie un fil conducteur...<br /> Tendresse Val...
P
Parents, donc, et quoi qu'il arrive, cela est, c'est certain... <br /> <br /> Ah bah! J'ai un élève qui m'a décrété un jour, tout net, et en me regardant droit dans les yeux, qu'il n'avait jamais entendu le mot "racisme". D'eux, rien ne m'étonne, et même pas les pires énormités qui sont toujours, je le crois, de la provocation. A moins que le jeune en question n'ait une mentalité de "souteneur" ou qu'il en adopte la façade... On n'a pas fini d'épiloguer là-dessus.<br /> <br /> Ni de chercher des solutions !
T
J'aime le titre que tu as donné à ce billet et je comprends l'esprit dans lequel tu l'as écrit. J'imagine que suite à nos commentaires et à tes réponses d'hier, ta perception des choses était un peu différente aujourd'hui. J'ai connu ça : livrer un texte qui en dit beaucoup un jour et juste après, vouloir lui apporter l'autre pendant du diptyque parce que la vision est tronquée.<br /> <br /> Parce que nous, lecteurs, commentons avec nos gros sabots les quelques mots que nous avons sous les yeux, ignorants du contexte global. Ce que nous disons peut blesser ou en tout cas renvoyer au blogueur une image de lui-même fort réductrice.<br /> <br /> C'est difficile parfois (d'écrire, de lire)...<br /> <br /> Je t'embrasse.
Les échos de Valclair
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