Les affres du choix
Il y a des quantités de
choix de vie qui se font de façon insensibles, de petits glissements en petits
glissements ou bien en fonction de hasards (oui, je crois moi, tout de même,
aux hasards) parfois minuscules, rappelez-vous smoking-no smoking et son
réjouissant déploiement d’histoires construites à partir de bifurcations
surgies à l’occasion d’évènements infimes.
Mais il y a des moments
aussi où l’on est en face de décisions dont on sait qu’elles auront des
conséquences majeures, il y a A, il y a B, il faut choisir.
Taupin, reparti en
Angleterre après sa venue en France l’autre semaine pour des entretiens
professionnels, est maintenant confronté à un choix de ce type.
Il vient d’avoir
confirmation qu’il peut être recruté dans un (très) grand groupe français pour
s’occuper de sécurité nucléaire autour de l’EPR (le fiston a beau avoir une
sensibilité écolo ou plutôt développement durable assez affirmé il est aussi
très pro-nucléaire !). A Cambridge il a obtenu les financements
nécessaires pour pouvoir préparer un PhD et entreprendre une thèse dans un
laboratoire de physique qui, dans les spécialités qui l’intéressent, est l’un
des meilleurs du monde.
Les perspectives
professionnelles mais au-delà les chemins de vie qu’induisent un tel choix le
mettent devant un abîme assez stressant d’interrogations.
Evidemment il serait assez
mal venu de se plaindre, l’une comme l’autre perspective sont porteuses et puis
il y a tant de gens pour lesquels le problème est tout simplement de trouver un
emploi.
N’empêche je comprends son
trouble.
D’un côté il y a l’entrée de
plein pied dans la vie professionnelle sur des missions qui l’intéressent, basé
en région parisienne, avec un salaire de débutant qui approche celui d’un cadre
moyen de la fonction publique plus très loin de la retraite (c’est moi
ça !), des perspectives de promotion et de carrière vraisemblablement
assez rapides. De l’autre il y a la perspective de trois années encore au
statut intermédiaire mi-étudiant, mi-salarié avec une indemnité de recherche
lui permettant de vivre mais un peu ric-rac, la prolongation d’un séjour en
Angleterre qui pourrait bien déboucher alors sur une carrière dans le monde
anglo-saxon, donc un éloignement de nous, un éloignement de ses bases, il y a
la fréquentation et l’éventuelle intégration dans le monde de la recherche,
avec tout ce qu’il a de fascinant mais aussi de plus précaire…
Je pencherai plutôt pour
l’inciter à s’engager dans le PhD, pour moi l’intérêt intellectuel qu’il
comporte est ce qui prime, je lui dis qu’il ne faut pas qu’il se focalise sur
les quelques années un peu serrée financièrement qu’il va devoir vivre encore
mais je comprends aussi son aspiration à rentrer en vrai dans la vie active, à
se coltiner à ses défis et même à sa dureté, à sortir du cocon rassurant du
monde de l’université. Je le sais assez pour moi même qui ne suis jamais
vraiment sorti du monde de l’école entre lycéen, étudiant, enseignant,
fonctionnaire de l’éducation nationale…
Je repense à mes propres
choix professionnels et pas seulement professionnels. Quand ai-je choisi ?
Comment l’ai-je fait ? Rétrospectivement il me semble que la constante la
plus forte c’est toujours (presque toujours) d’avoir choisi in fine ce qui
impliquait le moins de changement, le moins de remise en cause, le moins de
risque…
Allez, fils, choisis et va
de l’avant !