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Les échos de Valclair
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29 août 2007

Croquis: la femme aux deux amants

C’était dimanche après-midi comme nous passions sur la passerelle entre la Bibliothèque et le Parc de Bercy.

J’ai vu marchant vers moi une femme entre ce qui semblait être ses deux hommes. Elle était au milieu, bras dessus bras dessous avec l’homme à sa droite, leurs doigts entrelacés, joue contre joue avec l’homme à sa gauche qui la tenait pas le cou. La femme donnait le tempo, lent, de la marche du groupe. Des talons fortement compensés accentuant la cambrure de son corps, une robe légère mais plutôt sage, un visage ni beau ni laid qu’encadrait des cheveux mi-longs mais, émanant de ce visage et d’un regard doucement langoureux, une impression de contentement, d’épanouissement violemment sensuel... J’ai pensé à ce mot pas très distingué pour le moins mais évocateur qu’emploie à un moment Emmanuel Carrère dans son récent « Roman russe » en parlant d’une femme : « elle avait la chatte sur la figure »…

J’avais l’impression que tous trois sortaient tout juste du lit et des jeux amoureux, l’impression aussi que c’était une conjonction toute récente de gens se connaissant peu, une histoire neuve, je le parierai, ne datant que de ce jour même…

Ils se sont arrêtés au milieu de la passerelle et se sont détachés. L’un des hommes a photographié sur fond de Seine la femme et l’autre homme dans les bras l’un de l’autre, adossés à la balustrade. Puis ils ont interchangés leur place, le photographié est devenu photographe.

Quoique ma marche fut devenu fort lente, je n’ai pas vu la suite, j’étais passé...

Mais par un clic-clac mental j’avais fixé l’image en moi, comme je l’aurais fait avec un appareil photo. Et j’ai eu envie pour la retenir d’en faire avec mes mots ce croquis.

Voilà comment je les ai vus. Rien ne m’assure qu’ils étaient dans l’histoire qui dans l’instant s’est imposée à moi. Peut-être étaient-ils dans une simple promenade d’amitié tendre ou dans la chaleur de vieilles retrouvailles. Evidemment on pourrait créer une ou deux ou dix histoires à partir de mon croquis. C’est bien le privilège et la jouissance de l’imaginaire, créer des histoires à partir de rien ou de presque rien, avec ce qu’on y rajoute venu du fond de notre propre histoire ou de nos fantasmes. Ça j’adore. C’est bien ça qui ces temps ci me donne l’envie d’écrire et de m’envoler dans la fiction plutôt que de rester accroché aux basques de mes humeurs changeantes ou d’aller fouiner dans les profondeurs de ma mémoire à la recherche de ricochets.

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Commentaires
D
Et puis, moi aussi, je connais bien le quartier, et cela accentue encore davantage le plaisir de ce texte, dans un égocentrisme pas trop coupable...<br /> <br /> J'ai du vouloir écrire un truc comme ça tout à l'heure, avant que ce ne soit mangé par je ne sais pas quoi :-)
D
Bonjour Valclair,<br /> Il y a un charme particulier à découvrir un blog : faire une visite là où la plupart sont déjà passés, où ça repose, ou semble reposer, depuis... C'est rigolo, déjà, pour ça, cette vie particulière des blogs, en tout cas dans sa partie visible...<br /> Donc : je suis bavard.<br /> Surtout : je suis bien content de me voler un peu de temps pour continuer à lire et relire ici.<br /> Et puis, moi aussi, je connais bien le quartier, texte, dans un égocentrisme pas trop coupable...<br /> Enfin, et encore une fois : je suis très sensible à ce billet.<br /> J'ai hâte d'avoir vu le Rohmer pour lire votre nouvel article.
F
Cette sensualité, on la ressent en te lisant. Connaissant les lieux, ce billet m'est très précieux. Comme un ami.<br /> Valclair merci.
C
Une femme entre deux hommes...je vois très bien le tableau.<br /> La femme qui vit cette situation ,se sent à l'instant que tu décris, toute puissante...
P
ah bah! C'est pourtant moins indécent, au sens propre du terme, que l'expression que tu reprends à Emmanuel Carrère. <br /> <br /> Lol, as-tu remarqué le contraste? <br /> <br /> Et pourquoi ne prendrions-nous pas nos modèles chez les classiques? On sait bien qu'on n'est pas eux. <br /> <br /> Mais ils nous ont marqués. C'est l'évidence...
Les échos de Valclair
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