Moment supendu
Je me suis enfui du bureau
plus tôt que prévu. Je vais aller au cinéma tout à l’heure. Je suis un peu en
avance pour la séance. Je suis passé devant la Sorbonne. Il y a une délégation
d’enseignants qui protestent contre les expulsions de lycéens sans papier. Je
devrais me sentir concerné, m’arrêter pour discuter, pour appuyer, mais je
passe mon chemin...
Je vais m’asseoir dans le
square de Cluny. La rumeur de la circulation sur le Boulevard Saint Germain est
présente mais atténuée toutefois. Des moineaux tourbillonnent et pépient autour
de moi. L’air sent la verdure neuve. Les toitures pentues du Musée brillent
sous le soleil, le bâtiment m’apparaît dans la découpe du feuillage du haut
marronnier à l’ombre duquel je me suis assis. C’est une belle image qui est
dans mon champ de vision. Je n’ai pas mon appareil photo pour la restituer.
Mais je la photographie mentalement. Non pour tenter de la conserver. Plutôt
pour m’en pénétrer plus intensément dans l’instant.
Je lis de beaux textes d’une
diariste que j’ai imprimé ce matin au bureau. Elle y parle de la douleur, des
amours, de la mort, du temps qui fuit inexorablement mais aussi de la vie qui
continue et qu’il faut saisir dans sa fragilité. Ces mots ne rendent pas un son
triste, ils sont empreints de sérénité, les douleurs sont présentes mais comme
mises à distance, comme enveloppées d’une aura de sérénité, de mélancolie douce
mais colorée. Comme un climat de belle fin d’après-midi d’été...
C’est cette lecture qui m’a
mené à mes propres songes dans ce jardin paisible et qui m’a fait sortir mon
carnet pour y inscrire ces quelques mots que je retranscris ce soir ici tandis que l'orage gronde sur Paris.