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Les échos de Valclair
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8 décembre 2008

Rages de dents

J’ai en ce moment de violentes crises de mal de dents.

Le problème est normalement circonscrit, le traitement en cours, j’ai vu la dentiste la semaine précédente, je la revoie ce mardi où elle doit achever le travail. Ça a été beaucoup mieux jusqu’au milieu de semaine et puis depuis jeudi la sarabande a recommencé. Le plus souvent la douleur reste tapie, silencieuse et puis de temps en temps elle m’envahit. Alors là plus rien n’est possible. Il n’y a plus que la douleur. Elle se diffuse depuis la mâchoire vers le bas dans le menton, la nuque, vers le haut, dans la joue, dans l’œil, dans l’oreille, dans le front et jusqu’au sommet du crâne. J’ai la moitié du visage et de la tête qui n’est plus que cette douleur. Impossible de rien faire, ne parlons pas d’être sur l’ordinateur - le scintillement de l’écran fait comme un redoublement à la douleur – mais je ne parviens même pas à écrire sur mon carnet ou à lire ne serait-ce qu’un article facile et le bruit même d’une conversation m’agresse. Il n’y a qu’une chose à faire, prendre un calmant, m’allonger sur le lit, soit la face contre l’oreiller, soit en me posant un coussin sur le visage car j’ai le sentiment qu’une légère pression sur la zone douloureuse la concentre sur un lieu unique, limite sa diffusion au reste du visage, la rendant du coup plus supportable (et je comprends mieux ces vieilles gravures où l’on voit des personnages souffrants à la tête enturbannée comme des œufs de Pâques). Le terme rage de dents n’est pas usurpé.

En général ça ne dure pas trop longtemps. Une demi-heure, une heure maximum. J’inspire et j’expire avec application et me concentrant sur mon souffle j’ai l’impression de dompter ainsi en partie la douleur. Lorsque la vague se retire, parfois je m’endors, parfois je reprends mes activités, comme sortant d’un cocon, comme sortant d’un nuage. Je me tâte la mâchoire, je ne sens plus rien, j’ai même du mal à me souvenir que dix minutes plus tôt j’avais si mal. Ça fait de drôles de journées en accordéon.

Je ne suis pas habitué à traverser la douleur. C’est une expérience dont il faudrait aussi savoir tirer profit. Je réalise que je n’ai jamais vraiment été sérieusement malade, avec de la souffrance. Je n’ai par exemple à ce jour jamais passé la moindre nuit à l’hôpital. Je mesure alors cette chance que j’ai et dont je devrais rendre grâce ne serait-ce qu’en étant pleinement conscient de ce que c’est d’être en bonne santé et épargné par la douleur.

Dans les interstices de cette journée accordéon j’ai été au Musée Maillol pour y voir, après le film, les tableaux de Séraphine de Senlis. Certaines des compositions, pas toutes, vues en réel ont une forte présence. Les conditions de visite cela dit n’étaient pas idéales. L’espace resserré de la salle d’exposition était totalement saturé, empêchant que l’on puisse prendre une vision des tableaux avec le recul nécessaire. C’est le paradoxe de ce qui devient soudain médiatisé et connu. Qui donc connaissais Séraphine avant le film ? Qui se serait déplacé pour voir ses œuvres ? Personnellement je n’avais jamais entendu parler de ce peintre. Et là c’est le rush empêchant de profiter comme il faudrait des toiles.

J’aime bien ce petit musée Maillol. J’ai eu l’occasion d’y aller plusieurs fois à l’occasion de diverses expositions et d’y retrouver chaque fois avec plaisir, outre l’exposition temporaire elle-même, les éléments permanents de la collection Dina Vierny. Il y a quelque chose qui passe dans ces salles le plus souvent quasi vides (ce n’était pas le cas, cette fois, les visiteurs de Séraphine en ont profité pour déborder sur l’espace permanent), une émotion, le souvenir d’une histoire, un morceau de temps suspendu. Le corps de celle qui fut le modèle du maître saisie dans sa beauté passée irradie le lieu. J’aime cette confrontation entre la présence souterraine de celle qui fut la conceptrice de cette collection et des œuvres que le maître a tiré d’elle, que ce soient des peintures de nus sensuels, que ce soit ces marbres somptueux qui attirent la main et que l’on voudrait oser s’autoriser à caresser.

J’en étais là, ou à peu près, dans la rédaction de ce billet dimanche matin quand un coup de téléphone m’a brusquement interrompu, me portant bien loin de mes écritures, bien loin de ce blog...

En y réfléchissant je dois me dire que ce n’est pas si grave, il n’y a pas mort d’homme, ce ne que sont des soucis de la vie matérielle mais sans doute serais-je absent du net quelques jours…

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Commentaires
V
Mon dernier passage chez la dentiste semble avoir tout à fait solutionné le problème.<br /> J'essaie de jouir pleinement de mon état de non-douleur et je comprends très bien ce qu'Alain veut nous dire.
P
Alain, tu as raison, c'est peut-être pour ça que des fois on est si fatigué ???
A
Souvent je me dis que les gens épargnés par la douleur, les maladies et leur cortège de soins plus ou moins lourds, ne mesurent en effet pas leur chance...<br /> Et j'ai de la difficulté à les supporter lorsqu'en plus ils se plaignent du moindre petit bobo.<br /> Peut-être aurais-je été ainsi si j'avais été épargné... Si je n'avais pas à supporter un corps lourd et douloureux depuis 50 ans...<br /> Mais peut-être aurais-je eu un parcours de vie plus "plat", moins riche et moins dense.<br /> Peut-être n'aurais-je pas été autant un "combattant pour la vie" ...<br /> mais, comment savoir ?<br /> la souffrance n'a pas vraiment de vertu !
K
Bon courage... je connais les rages de dent... et c'est pire que les nuits d'hopital (dans mon cas)...<br /> Et j'espère que tu ne seras pas absent trop longtemps. :-)
P
en voilà des choses diverses...<br /> <br /> pour la douleur dentaire, il faut du froid (par exemple, les petites boules qu'on met au congel avec un liquide pour les apéros, tu balades ça sur ta joue et ça diminue l'inflammation s'il y a inflammation de la gencive plutôt que de la joue). <br /> <br /> bon courage pour les problèmes matériels, bien plus préoccupants que les problèmes existentiels ! (mais moins graves que des deuils, je suis d'accord)
Les échos de Valclair
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