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Les échos de Valclair
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12 décembre 2008

L'incendie

Donc me revoici. Mon absence n’a pas été très longue. Comme n’a pas été très durable le choc qu’a occasionné cette nouvelle reçue dimanche matin qui m’avait cueillie en pleine paisible rédaction d’un billet, me donnant brutalement l’impression que mes activités de scribouillard étaient totalement déconnectées du réel concret.

La maison de mes grands parents dans la région toulousaine, celle que je me tâte d’aller peut-être habiter, la maison au grand cèdre, cette maison a brûlé…

Le feu a pris chez des locataires au second étage qui étaient absents. Leur appartement a été entièrement ravagé. Une partie de la toiture s’est effondrée et les charpentes léchées par le feu sont endommagées. Heureusement il n’y a pas eu de victimes mais les pompiers ont dû combattre toute la nuit. La mairie a pris un arrêté de péril et la maison a été déclarée inhabitable. Les locataires ont tous dus être recasés en urgence.

Une partie des planchers ont flambé et les plafonds sont tombés dans l’appartement que nous occupons au premier, entraînant un début de feu à notre étage. Les gravats et les quantités d’eau que les pompiers ont déversés ont considérablement abîmé l’appartement, des plafonds sont tombés, les papiers peints se sont décollés, les moquettes sont gorgées d’eau, l’électricité est totalement à refaire. Les meubles, les tapis, les tableaux, les livres, tous ces objets accumulés et transmis au cours des ans dans une famille de petite bourgeoisie rurale et commerçante, sont endommagés dans des proportions encore difficiles à évaluer.

Il fallait bien sûr se rendre sur place en urgence. Mon père a pris le train dès dimanche soir. J’étais un peu ennuyé de le laisser partir seul, craignant qu’il supporte mal le stress, qu’il ait des difficultés à faire face seul à la multitude de rendez-vous à assumer entre la gendarmerie, les pompiers, les divers experts et contre-experts des assurances, les locataires, les entreprises qui vont devoir procéder en urgence aux premiers travaux de sécurisation. J’avais peur aussi que, même si nous nous étions préparés au pire par divers coups de téléphone au cours de la journée de dimanche, il ne se trouve vraiment décontenancé face à la perte notamment de ce qui dans cette maison lui parlait de ses parents. Heureusement il a pu être hébergé chez une cousine, ce qui lui a déjà permis de ne pas être seul face à lui-même dans une chambre d’hôtel.

Nous avons beaucoup échangé par téléphone tout au long de ces journées, pour l’épauler, être présents au moins psychologiquement, mais n’empêche, c’est lui qui a dû assumer l’essentiel. Heureusement, malgré son âge, il est encore en bonne santé, pas trop fatigable et il garde l’esprit vif et clair.

En quatre jours l’essentiel de ce qu’il y avait à faire dans l’immédiat a été engagé. Le bâchage du toit pour mettre l’immeuble hors d’eau a été effectué. Une société mandatée par l’assurance va emmener le mobilier et va commencer à assurer la remise en état. Un architecte va suivre la situation en liaison avec les assureurs et nous réfléchirons avec lui sur les étapes de la remise en état et les éventuels réaménagements et restructurations de l’espace auxquels on procédera dans la foulée et en fonction de ce que permettront les indemnisations. Nous serons amenés bien sûr soit mon père, soit moi, soit tous les deux ensemble à descendre sur place à plusieurs reprises au cours de l’année. On n’est pas sorti de l’auberge !

Au moment où j’ai appris l’incendie, tout de suite, j’ai pensé à ma grand mère. Le feu pour elle était une angoisse permanente. Elle avait des souvenirs d’une boule de feu qui pendant un orage avait traversé sa maison d’enfance et l’avait terrorisée. Dans les années cinquante avait brûlé la métairie, sur cette terre même où l’Agronome a été faire son stage il y a quelques semaines. Dans les années soixante la villa que mes grands parents venaient de faire construire sur la Costa Brava a failli être emporté par l’incendie de la pinède qui l’entourait. Ma grand mère qui était une méridionale très expansive parlait de « ses » feux avec des accents de tragédienne. Je me souviens encore du ton de sa voix lorsqu’elle évoquait ces catastrophes, racontant les réveils en pleine nuit, la terreur au ventre, la vision des flammes. Elle concluait toujours ses descriptions dantesques par des recommandations et des conseils de prudence qu’elle nous faisait jurer de respecter à ma sœur et à moi: un feu c’est tellement vite parti… Elle évoquait, en s’en moquant, les manies de son vieil oncle Paul devenu à la fin de sa vie complètement obsessionnel et qui ne pouvait se coucher le soir sans avoir vérifié dix fois si le gaz était fermé, peut-être racontait-elle cela pour conjurer pour elle même le risque de verser dans de tels excès.

J’ai eu dans les heures suivant cette annonce des tourbillons de pensées : la stupeur, l’incrédulité d’abord. Puis des pensées pour tenter de m’apaiser : « il n’y a pas mort d’homme, ç’aurait pu être pire, il y a des malheurs bien plus graves, tout ça ne concerne que des choses matérielles, il faut savoir se détacher, etc, etc… ». Et enfin, se mêlant à elles, d’autres réflexions plus positives et plus concrètes pour faire face et pour avancer.

Je ne crois guère aux signes du destin mais, tout de même, lorsqu’un événement comme celui ci se produit on ne peut s’empêcher de tenter de regarder ce qu’il pourrait avoir à nous dire.

D’abord j’ai pensé: cette maison trop vétuste, trop vaste, trop lourde à assumer, forcément source d’ennuis, il aurait fallu la vendre, oui, il aurait fallu se détacher, passer à autre chose. Et puis j’ai pensé aussi : tout ce qui nous encombrait de passé pour oser rénover cette maison, tout ce qui était en partie mortifère dans ces pièces conservées pour l’essentiel telle qu’elles étaient au moment de la mort de mon grand père, tout ça, par force, se trouve balayé et nous ouvre la voie pour faire du neuf avec le vieux et même nous y contraint.

Alors même si c’est angoissant, même si c’est à notre corps défendant, il faut aller de l'avant et se dire qu’à quelquechose malheur est bon…

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Commentaires
F
Je suis touchée par ton histoire, et je me sens triste pour toi. Même si cet évènement te poussera à imaginer, à créer... Il restera quand même une blessure.<br /> Je t'embrasse Valclair.
V
Ah Traou... Ou bien les femmes comme une flamme? Allez je veux bien que les femmes m'embrasent! :)<br /> Sourire à part, merci à tous de vos passages, c'est drôlement réconfortant vous savez...
P
Je sens bien, en te lisant, toute la pensée Valclairienne qui a pu se mettre en mouvement après cet évènement...<br /> <br /> C'est une occasion de penser autrement, de réévaluer la valeur accordée aux choses. Je suis sûr que tu sauras tirer quelque chose de bénéfique de cet évènement forcément douloureux, parce que placé sous le signe de la perte.<br /> <br /> Amitiés.
T
Tiens donc, j'ai mis incendie au féminin... Le feu comme une femme ?... Tu feras ce que tu voudras de ce lapsus ;-)
T
Je passe chez toi cher Valclair et lis ces flammes l'estomac noué.<br /> Nous avions parlé ensemble de cette maison et des sentiments divers que tu nourrissais à son égard, attachement à la mémoire et lien un peu trop "liant" parfois. <br /> Le feu nettoie autant qu'il détruit, dit-on. Je suis comme toi, j'essaie souvent de voir les messages cachés des évènements. Ils sont parfois longs à décrypter et pas aussi évidents qu'on pourrait le croire à l'instant où ils surviennent. <br /> <br /> Il te faudra attendre sans doute pour lire tout à fait l'histoire que raconte cette incendie.<br /> Mes pensées t'accompagnent en tous cas pendant cette période tourmentée.
Les échos de Valclair
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