"Lignes de faille"
Je viens de terminer le
dernier livre de Nancy Huston « Lignes de faille ».
C’est un livre assez
déroutant comme le sont souvent ces récits d’ailleurs. J’ai du mal à dire s’il
m’a vraiment plu. En tout cas il m’a intéressé et de plus en plus à mesure
qu’avance le récit mais il m’a aussi en partie laissé sur ma faim.
Le livre est composé en fait
par quatre monologues tenu par quatre enfants de l’arrière petite fils à
l’arrière grand mère, racontant chacun(e) un moment clé de son histoire.
Partant du présent on plonge vers le passé, vers les « lignes de
faille » où histoire personnelle et faits historiques se conjoignent. La
lignée est marquée par la présence chez chacun(e) des protagonistes d’une tache
héréditaire sur la peau. Les parents de l’enfant de 2004, effrayants
d’américanité bushiste, la lui font retirer marquant ainsi symboliquement la
rupture avec le passé et l’histoire, mais ce qui devait être une intervention
bénigne prend un tour beaucoup plus inquiétant : pas sûr qu’on se
débarrasse si facilement du passé.
Chaque enfant a son langage,
son ton, sa personnalité, Nancy Huston est très habile à se mettre dans la peau
et à la hauteur d’enfance de chacun de ses personnages. Ça c’est très
réussi : elle sait habiter son personnage et nous le faire habiter.
L’histoire familiale et ses secrets se dévoilent peu à peu, ce qui se passe à
une période est éclairé par ce qui est survenu dans les périodes précédentes,
le puzzle s’éclaire et c’est ce qui fait qu’on accroche mieux à mesure que la
lecture avance. Chaque récit est aussi habilement une lucarne sur le siècle et
ses tragédies. Mais c’est peut-être là que l’on reste un peu sur sa faim. C’est
une description en creux, cohérente évidemment avec le point de vue du récit
mais j’aurais aimé en savoir un peu plus par exemple sur toute cette politique
des lebensborn mise en place par les nazis dont à vrai dire j’ignorais tout
jusqu’à la lecture de ce livre.
Tiens c’est ce qu’il y a de
pas mal à réfléchir et à écrire sur ce qu’on vient de lire : on en perçoit
plus la force et la cohérence. J’ai l’impression que j’ai une appréciation plus
positive de ce livre en terminant ma note qu’en la commençant.
De façon générale j’aime
assez ce qu’écrit Nancy Huston et particulièrement ses essais. J’aime bien sa
personnalité, le rapport qu’elle entretient avec la littérature et ce qu’elle
nous en dit. Elle montre à quel point la littérature peut être trame de vie et
ouverture à autrui dans l’existence de chacun. Elle l’a exprimé très bien en
faisant le lien avec sa propre vie notamment dans « Journal de la
création » ou dans « Professeurs de désespoir », bouquins que
j’ai beaucoup aimés et dont j’ai rendu compte ici et là. Elle parle de ça aussi
dans une interview qu’elle vient de donner et dont je vous recommande la
lecture. C’est dans le dernier numéro du « Monde de l’éducation »
mais apparemment ce n’est malheureusement pas en ligne.