Promenade
Ma promenade dominicale
dimanche après-midi m’a mené d’abord à Beaubourg. Il était prévu depuis
l’esplanade devant le centre Pompidou un lâcher de mille ballons bleus, en lien
avec l’expo Yves Klein, l’homme du bleu comme on sait.
C’était moins spectaculaire qu’on aurait pu le penser. Je m’attendais à une mer de ballons. Ce fut plutôt un déploiement de bulles sur fond d’immeubles et fond de ciel. Et tellement bref. En trente seconde ils avaient tous disparus. Le temps de deux images tout de même, d’une brève émotion esthétique et qui vaut peut-être justement par son extrême fugacité.
J’ai marché ensuite vers la
Bibliothèque Nationale, l’ancienne, celle de la rue Richelieu où je voulais
voir l’exposition sur la photographie humaniste.
Je me suis arrêté Place des Victoires. Ce n’est pas un lieu de Paris que j’aime particulièrement, je le trouve pompeux et froid malgré la beauté de l’architecture. Mais il y avait une belle lumière changeante, un beau ciel. Alors même un lieu comme celui-ci parle et devient vivant…
Puis j’ai pris le temps de déambuler dans le passage Vivienne. Des guirlandes illuminées y tombaient en rideau sur les façades des boutiques. Comme si c’était encore Noël. Mais pourquoi pas. Noël sans Noël. Juste pour ce charme que ces petites perles de lumière posent sur l’endroit.
J’ai rejoint ensuite la
bibliothèque et vu l’exposition. J’ai bien aimé. Il y avait les photos
elles-mêmes dans de beaux tirages naturellement mais il y avait aussi des
traces de la vie que ces photos ont eues et c’est ça qui donnait toute sa
valeur à l’exposition. Car ces photos n’étaient pas seulement et même pas
d’abord prises pour être des « photos d’artistes » mais pour
illustrer des revues et magazines, des livres documentaires, des publicités, des
affiches et des tracts notamment du PCF et de ses organisations amies. Bref
c’étaient des photos de la vie quotidienne et qui s’intégraient dans la vie
quotidienne. J’ai mieux compris pourquoi ce type de photographie est devenu si
populaire aujourd'hui, pourquoi les expos de Ronis ou de Doisneau ont eu un tel
succès, elles font signe à l’enfance de beaucoup d’entre nous, soit, pour les
plus anciens, pour avoir vu directement la réalité qu’elles décrivent, soit
pour les autres pour avoir baigné au moins dans les livres et revues où elles
étaient largement représentées. Sans idéaliser le passé, impossible de ne pas
avoir cependant une petite nostalgie pour ce temps des engagements et des
solidarités, ce temps des espérances partagées.
Effet cumulé des ballons de Beaubourg et de cette exposition ? En sortant m’est venu une vive réminiscence du « Ballon rouge » d’Albert Lamorisse. Je me souviens du film mais surtout de l’album de photos qui en avait été tiré, sur lequel j’ai rêvé enfant. Où est-il passé ? A-t-il survécu quelquepart chez mes parents, chez mes grands parents ? A-t-il été perdu ou donné ? J’aurais envie tout à coup de le feuilleter à nouveau…
Cette promenade était
solitaire encore une fois. Constance se disait trop fatiguée pour se laisser
entraîner. Je n’ai pas insisté. J’aime souvent à me promener seul, à pouvoir me
sentir parfaitement libre du choix de mon itinéraire, du rythme de mon pas,
sans gêner personne par mes arrêts contemplatifs ou photographiques. Mais
j’aime quand cette solitude est le résultat d’un choix, c’est plus difficile
lorsque comme c’est trop souvent le cas ces derniers temps elle s’impose à moi.
Car alors elle s’interpose entre moi et ma promenade, l’absence devient une
présence qui s’insinue, me met à distance, m’empêche de jouir aussi pleinement
que je le voudrais de ce je vois ou de ce que je sens et c’est ainsi que je
l’ai vécu dimanche.
Aujourd'hui lundi par
contraste et après une matinée assez dure au bureau, j’ai eu le privilège de
passer un bon moment dans l’après midi dans un café avec une blogamie très
chère. Des mots, beaucoup de mots, des regards échangés ça fait du bien.
Quelques pas aussi dans l’après-midi finissante, une belle après-midi sentant
un peu l’hiver, on a marché dans le cimetière du Montparnasse, pas forcément
triste un cimetière, un petit arrêt devant la sobre dalle de Jean Paul et
Simone, un autre un peu plus long chez Serge, le poinçonneur éternel. Je viens
de mettre le disque et je l’écoute en tapant ces mots…
Et puis nous avons ri aussi,
pas mal ri. Comme ça fait du bien de rire. Tout simplement. Merci, vous…