Mauvais temps
Par la fenêtre je vois
s’avancer vers moi des paquets de gros nuages noirs chargés de pluie,
j’aperçois la mer ourlée d’écume, les arbres inclinés par le vent. On ne peut
pas dire que ce soit le beau temps, ça non, été pourri c’est sûr…
Que le temps soit changeant
n’est pas un problème, l’alternance des grains et des vives éclaircies est un
des charmes de l’endroit qui nous fait dire qu’il fait beau plusieurs fois par
jour. (Quoiqu’on aime bien aussi les très belles journées, il y en a, enfin,
les autres années). L’ennui c’est que depuis deux jours le temps n’est même pas
changeant, il est continûment mauvais, franchement froid et le soleil ne daigne
pas percer les nuages. Je n’ai pas eu le plaisir de pouvoir renouveler mon bain
de mer de l’autre jour.
Je me suis installé devant
mon ordinateur, j’ai des articles à écrire avant la fin des vacances, le temps
qu’il fait se prêterait tout à fait à ce genre d’activités, j’ai ouvert un
nouveau fichier, j’ai écrit un titre, je sais de quoi je veux parler, mais rien
à faire, ces mots là ne viennent pas, impuissance à m’y mettre, je déteste être
ainsi mais ça m’arrive de plus en plus fréquemment, j’ai du mal à faire effort,
je me contente de ce qui vient et il ne vient pas grand chose. Je me laisse
flotter. Après tout ce sont des vacances. Le tout est de bien le prendre mais
comme toujours j’ai un peu de mal, la culpabilité de l’inaction n’est jamais
très loin.
Je lis beaucoup. Mais sans
rien noter et sans chercher à ramasser mes impressions de lecture en des notes
pour moi-même ou les autres. J’ai avalé “Wuthering Heights”, roman échevelé
d’Emily Brontë, que je connaissais de mille façons mais que je n’avais jamais
lu. Je lis Green, je me promène d’une façon qui n’est pas très rationnelle
entre le journal des années 60 et les récits autobiographiques écrits dans les
mêmes années et évoquant l’enfance et l’adolescence. C’est intéressant, un
monde, des préoccupations si différentes des miennes, un temps qui semble si
lointain et qui est pourtant si proche. Les années défilent le temps bref de
les lire. Cette lecture me met plutôt de la mélancolie au cœur ce qui n’est
peut-être pas ce que je devrais rechercher. Et donne des aliments à mes
interrogations récurrentes sur ma propre pratique diariste.
Le temps ne se lève pas mais
pas du tout. Ce ne sont plus les gros nuages fonçant sur nous mais la pluie
enveloppante et tenace, noyant tout le paysage. Mais je crois que je vais tout
de même m’empaqueter dans ma parka et aller marcher un peu le long de la plage,
mon immobilité me pèse.
(Ecrit le 20 Aout)