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Les échos de Valclair
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14 octobre 2008

Les livres de Coumarine

Samedi je me suis rendu à un petit salon du livre, organisé par la Mairie du 11° à l’occasion de Lire en Fête. Entre d’autres participants, l’auteure Nicole Versailles y présentait ses deux livres, récemment publiés. Pour ma part j’allais surtout y voir ma déjà ancienne blogamie Coumarine, heureux de la rencontrer dans cette peau nouvelle d’auteure désormais éditée, heureux de pouvoir lui acheter ses deux ouvrages.

Je connaissais déjà les textes de ces deux bouquins, ayant eu l’opportunité de les lire avant qu’ils ne soient publiés. Je les ai relus avec plaisir sous leur forme définitive. Les textes se laissent mieux approcher dans l’objet livre que sur l’écran ou sur les feuilles volantes de tirages papier personnels. Le texte se ramasse, se concentre, trouve plus naturellement son unité. Décidément je crois que je resterai définitivement un homme du livre, du bon vieux livre traditionnel, dont je peux tourner les pages, que je peux emporter partout avec moi, qui m’accompagne sur l’oreiller et berce mes endormissements.

« Tout d’un blog » raconte l’expérience de blogueuse de Coumarine. J’aime bien. C’est une approche vivante et parfois drôle à partir de sa pratique qui peut faire comprendre assez bien à des personnes très éloignées, qui regardent parfois avec scepticisme ces gens étranges qui se mettent à raconter plus ou moins leur vie au grand vent d’internet, ce qui se passe lorsqu’on se lance dans l’aventure. Les questions qu’elle rencontre sont celle que tout blogueur est amené à se poser : Quelle part accorde-t-on à la communication et au retour que l’on suscite chez autrui ? Le souci d’accroître son lectorat, le besoin de reconnaissance, la quête de l’approbation ne risquent-t-elles pas d’influer le contenu même du blog ? Comment gérer les paradoxes de la mise en ligne de l’intime, jusqu’où peut-on aller, comment évoquer autrui tout en le préservant, comment le blog peut-il évoluer lorsque l’anonymat disparaît ? Elle évoque les satisfactions que l’on peut y trouver, et d’abord celle, fondamentale, d’être lu, d’être reconnu dans son écriture, celle ensuite des échanges qui se créent, des amitiés qui se nouent. Elle montre aussi les illusions qui peuvent exister et les désappointements qui peuvent survenir. Coumarine fait état bien sûr de ses propres choix, de ses propres réponses qui ne sont pas forcément les miennes. Mais elle ne le fait pas en donneuse de leçon, elle ne présente jamais ses propre réponses comme un modèle mais simplement comme sa propre expérience au pays du blog.

« L’enfant à l’endroit, l’enfant à l’envers » est un livre très différent, qui touche à l’intime le plus profond, à ce qui fait la source de nos personnalités et de nos vies, les traces que les générations passées laissent en nous et les secrets de l’enfance. Coumarine dans ce livre se penche sur son histoire familiale et sur sa propre enfance, elle va à la rencontre de ses douleurs, elle les affronte, elle les dépasse. Elle évoque son enfance étouffée sous les conventions catholiques et bourgeoises bien pensantes, aggravées encore par l’absence apparent d’amour d’une mère dépressive. Á force de traquer ses non-souvenirs d’enfance elle finit par en trouver de très éclairants, de très douloureux. Elle dirige son regard au-delà d’elle-même vers une grand mère qu’elle n’a pas connue, elle en évoque l’histoire, elle cherche à comprendre ce qui, dans l’histoire de cette aïeule, a pu peser sur sa mère à elle, nouant ainsi un émouvant et très parlant dialogue entre trois générations de femmes.

Cette quête est par elle-même forte et émouvante mais les techniques littéraires employées me paraissent moins convaincantes. Les reprises à partir des lancinants « je recommence » finissent par lasser. Je n’aime pas trop le jeu des voix multiples, ou plutôt son systématisme qui finit par faire procédé : c’est la voix de Coumarine toujours mais donnée en Tu dans l’adresse à la grand mère, en Je dans les explications de la Coumarine d’aujourd'hui, en Elle dans les séquences évocatrice du ressenti de l’enfant. Il y a là une volonté de clarification, d’explicitation, qui rend le texte moins fort, me semble-t-il, que s’il n’avait été cousu que de récits sous des formes simples qui auraient porté leur signification en eux-mêmes, à partir des évocations de l’enfance ou d’un passé plus lointain. Peut-être ce dispositif s’est-il imposé à Coumarine pour pouvoir mener une sorte de dialogue intérieur, pour pouvoir avancer dans son propos, pour se mettre en partie à distance, notamment par l’usage du Elle (que décidément je n’aime pas). Cela alors le justifie même s’il ne produit pas d’un point de vue littéraire un résultat tout à fait satisfaisant, du moins à mes yeux.

Il me semble qu’il faut lire ce livre avant tout comme un acte de réconciliation. Coumarine pactise enfin avec sa mère douloureuse, elle perçoit enfin ce qu’il pouvait y avoir d’amour malgré tout, d’amour à sa façon, derrière la dureté apparente de cette femme. Coumarine a gardé de tout temps la poupée méprisée de son enfance. Et, en la regardant aujourd'hui, elle comprend soudain ce que valait comme preuve d’amour le petit chandail tricoté des mains même de sa mère dont sa poupée est habillée. Pour moi c’est cela, ce cheminement, cette révélation, qui importe, qui fait la valeur du livre même si du point de vue de la forme, ce texte ne me paraît pas être le meilleur de ce qu’elle a pu écrire. C’est ce cheminement de conscience qui, j’imagine, rend ce livre spécialement précieux pour elle. Je comprends qu’elle puisse se sentir très blessée par le fait que ses frères n’aient pas perçu sa démarche pour ce qu’elle était. Mais ça ce sont les aléas des écritures touchant à la famille, on n’est jamais sûr de ce qui en sera perçu, chacun a la lecture qu’il veut ou qu’il peut avoir. Il reste à souhaiter que ses frères plus tard sauront la relire avec d’autres yeux.

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Commentaires
D
Bonsoir Valclair. Après avoir terminé Tout d'un blog, je vais m'attaquer (si je puis dire) à l'enfant à l'endroit, l'enfant à l'envers (que mon ami et sa mère ont lu). Je suis en train de rédiger un début de billet sur eux. Comme toi, j'ai été très contente de rencontrer Coumarine. Bonne soirée.
V
C'est vrai Coum que ma prélecture fait que j'avais déjà une idée bien précise de tes livres, de mon ressenti à leur égard et donc que j'ai pu sortir assez vite ce billet. <br /> La relecture m'a permis de mieux analyser et notamment de mieux comprendre ce qui m'avait gêné d'emblée dans l'Enfant. Je comprends tout à fait tes raisons cela dit et l'essentiel de ce livre c'est bien la démarche qu'il t'a permis. <br /> Oui Véronique, je pense que tu trouveras comme moi beaucoup d'intérêt à "tout d'un blog", content de te voir repasser par ici.
E
Le premier livre dont tu parles me tente beaucoup ! Je reviendrai ici donner mon avis.<br /> Bravo Coumarine pour avoir été publiée :)
C
Merci cher Valclair d'avoir pris la peine de faire ces deux critiques...<br /> Je n'en reviens pas de voir la vitesse avec laquelle tu as lu mes livres et rédigé cet article: j'y vois ton intérêt pour ce que je fais. Il est vrai que, comme tu le soulignes, tu connaissais déjà le contenu des deux quand ils n'étaient encore que des manuscrits<br /> Quelques réactions<br /> - je suis comme toi, j'ai besoin du support livre pour entrer réellement dans une<br /> histoire...feuilleter les pages d'un livre, c'est tout autre chose que de manipuler les pages même attachées d'un tapuscrit. (rien que le format A4 fait entrer dans une autre dimension!)<br /> - concernant Tout d'un blog, je sais que nous ne voyons pas toujours les choses de la même façon, nous en avons discuté plus d'une fois...<br /> Ce sont d'ailleurs ces discussions qui m'ont fait accorder une attention toute spéciale à ne me poser en aucune façon comme celle qui a LES réponses. Merci de le relever, cela me fait plaisir (Et c'est sûr que aujourd'hui, j'aurais des chapitres à ajouter, d'autres à amender. La blogosphère évolue, les blogueurs de l'intime aussi, c'est cela qui en fait toute la richesse et les difficultés parfois<br /> - concernant L'enfant à l'endroit...il est évident que ce livre représente beaucoup pour moi et mes enfants d'ailleurs. Je l'ai écrit dans l'authenticité... <br /> Juste un mot au sujet du "je recommence", dont la répétition te semble lancinante: ce mot m'a permis d'avancer parfois à tâtons dans la progression de MA vérité...il me fallait recommencer sans cesse, et j'ai essayé de le transcrire dans l'écriture elle-même<br /> Certains apprécient beaucoup, toi tu en soulignes la faiblesse...comme quoi les avis peuvent différer...<br /> Je termine ce long commentaire en te remerciant d'avoir pris la peine de faire ce billet sur mes livres... Tu te rends compte que c'est une aventure spéciale et imprévue d'être éditée à mon âge "respectable"<br /> Merci à toi...
Les échos de Valclair
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