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Les échos de Valclair
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22 novembre 2009

Contraste

Ce week-end j’ai fait une incursion au Centre Pompidou. J’y ai vu dans une proximité temporelle extrême, deux expositions on ne peut plus éloignées par les dispositions mentales qu’elles requièrent, « Soulages » et « La Subversion des Images ».

Je me pose toujours la question dans ces situations d’ailleurs. Qu’est-ce que j’induis par ces effets de contraste dans ma vision de l’une comme de l’autre expo ? Il y a des avantages pratiques, être sur place, basculer d’un monde à l’autre dans le temps qu’il faut pour traverser un couloir mais est-ce que cette rapidité n’empêche pas la trace de la première exposition de prendre toute son ampleur en nous, est-ce que nous parvenons à appréhender la seconde tout à fait hors de l’ambiance émotionnelle créé par la première ?

Cela m’a paru particulièrement flagrant cette fois. Ai-je pu laisser agir suffisamment l’ascèse de Soulages avant d’entrer dans le tourbillon des images surréalistes ?

N’est-on pas là encore dans cette culture du zapping qui nous fait passer si vite d’une chose à une autre sans nous laisser les respirations intérieures nécessaires ?

J’ai beaucoup aimé cela dit et trouvé beaucoup d’intérêt à l’une comme l’autre exposition.

J’étais à priori fort réticent à Soulages. Du noir plus noir que noir (l’outrenoir), bof ! Et je repensais à Klein et ses monochromes, archétype d’une pratique artistique qui me paraît dénuée de tout intérêt, voire quelque peu je m’en foutiste. Mais cela n’a rien à voir. L’outrenoir ce n’est pas du plus que noir. C’est, par le jeu extrêmement subtil de la matière, des stries, des épaisseurs, une façon de faire jouer la lumière reçue par le noir, de la refléter, de faire ainsi vibrer à nos yeux une clarté secrète comme transmutée par le noir. Et il y a là comme un nouveau continent de la peinture, passionnant à découvrir.

Les effets en sont parfois fort réussis. Cela dit il reste que ce n’est pas une peinture qui me touche sur le plan émotionnel ou qui déclenche ma rêverie, je suis plutôt dans une admiration du brio de la technique, de la beauté intrinsèque qui s’en dégage mais qui reste une beauté froide, mon admiration est intellectuelle plus qu’émotionnelle.

Il me semble que j’ai finalement préféré le Soulages première manière dans lequel je suis entré subjectivement plus facilement à cause des paysages imaginaires qui s’y dessinent, l’entrelacs des formes qui semblent des aplats font néanmoins apparaître des reliefs, telle tâche claire par exemple paraît comme l’amorce d’un tunnel qui s’ouvre dans la matière. L’esprit, si on le laisse en attention flottante s’y engouffre et y amorce un voyage. J’ai peu retrouvé ça dans les majestueux outrenoirs, sauf dans ceux qu’animent aussi quelques minces trouées blanches aux formes imprévisibles et au long desquelles on navigue comme sur des planches du Rorschach.

Face à l’ensemble de l’œuvre on doit en tout cas se mettre dans une attitude plutôt contemplative, on doit chercher à faire le silence intérieur pour laisser venir à nous ce qui le peut.

Dans l’exposition sur la photographie surréaliste il faut au contraire pour l’apprécier pleinement se plonger dans les évènements et même dans les anecdotes de la vie culturelle et littéraire, voire politique et sociale de l’entre deux guerre. Là aussi mon intérêt était principalement intellectuel favorisé par une scénographie intelligente et une approche thématique pertinente et qui faisait réfléchir, spécialement dans les sections sur la pulsion scopique - un thème qui fait écho en moi – et sur le modèle intérieur. Et puis il y a quelques photos qui pour le coup m’ont touché particulièrement, plusieurs de Dora Maar notamment, dont la superbe « les années nous guettent », certaines de Man Ray aussi comme « Le primat de la matière sur la pensée », longuement contemplée.

La visite à l’expo Soulages je ne l’aurai pas faite, si au café littéraire sur Gogol je n’avais pas échangé avec une amie absolument emballée, son regard s’animait et s’éclairait formidablement pendant qu’elle m’en parlait, rendant son enthousiasme communicatif. Après avoir parlé avec elle, je ne pouvais pas ne pas aller voir cette exposition, ce que n’aurait jamais déclenché le meilleur article de presse qui soit, le ressenti des affects de l’autre ça reste irremplaçable, merci à elle de m’avoir fait trouver le chemin de cette expo même si mon enthousiasme à moi s’est trouvé moins extrême que le sien.

Les années nous guettent par Dora Maar

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Commentaires
F
Nous aurions pu nous croiser dimanche...<br /> J'ai beaucoup aimé l'expo Soulages (et la vidéo).<br /> C'est très puissant, quelle énergie...<br /> Je crois que j'y retournerai.
I
J'éprouve une véritable "passion" pour l'œuvre de Soulages et je rêverais de pouvoir visiter cette exposition. Je crois que tu as tout compris en parlant d'attitude contemplative. Au delà de la maîtrise technique, ses tableaux sont pour moi une clé d'entrée vers des voyages intérieurs. Et puisque tu vas fréquemment dans le sud-ouest, si tu en as l'occasion, je t'invite à faire une étape à l'abbatiale de Conques dont Soulages a réalisé les vitraux. Selon l'heure et la luminosité ambiante, c'est tout un monde d'émotions nouvelles qui s'ouvre à la conscience...
V
Oui, je ne la voyais que comme muse et c'est grâce à cette expo que j'ai découvert qu'elle était d'abord une excellente photographe.<br /> <br /> Oui dommage en effet, chère Ondine, car au delà du goût ou de l'émotion que l'on ressent de l'oeuvre, il y a quelquechose de stupéfiant à voir ainsi la lumière émaner du noir. Ne serait-ce que pour cela il faut voir cette expo.
O
J'avais beaucoup aimé La subversion des images... L'expo Soulages commençait quand je suis partie mais finalement, je ne l'aurai pas vue. Vais-je le regretter?
J
Dora Maar, une inspiratrice inspirée...
Les échos de Valclair
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