Fragilités
Nous sommes pour quelques jours dans notre maison du sud pour faire le point avec l’architecte et avec les entreprises avant le démarrage des gros travaux.
Enfin dire dans notre maison n’est pas tout à fait exact. Nous sommes dans un petit hôtel à quelques pas, les premiers travaux de démolition déjà accomplis et la froidure ambiante ne nous permettant pas de nous installer sur place.
Nous sommes arrivés tant bien que mal samedi. Le départ vendredi soir a été homérique. Nous nous sommes retrouvés au milieu de foules vacancières devant des panneaux lumineux annonçant de considérables retards. Le froid et les intempéries avaient désorganisé le trafic. Les rares salles d’attente chauffées étaient prises d’assaut et les cafés et buffets eux-mêmes bondés n’ont pas tardé à fermer. Dans les halls de la gare, balayés de courants d’air glacés, on s’est vite sentis complètement réfrigérés. Mais pas question de s’éloigner. Il fallait rester à proximité pour surveiller les annonces indiquant les départs. Le tableau lumineux est lui-même tombé en panne avant que ce ne soit le tour des annonces sonorisées. C’est finalement un unique employé, muni d’un mégaphone poussif qui est passé entre les groupes compacts pour indiquer de quels quais partiraient les prochains trains. Le notre est parti avec deux bonnes heures de retard, qu’il n’a pas rattrapé. A Toulouse bien sûr nous avons manqué notre correspondance et dû attendre celle de la mi-journée. Heureusement nous avons pu remettre notre rendez-vous du matin à l’après-midi.
Je suis frappé par la fragilité de nos systèmes techniques qui me semble s’accroître d’année en année. Car enfin on ne s’est pas trouvé ces derniers jours confronté à des températures exceptionnellement basses ou à des précipitations extraordinaires. Il a un peu neigé. Il a fait un peu froid. Bref c’était l’hiver. Mais ça a suffi à tout désorganiser. Et à rendre impossible, à l’heure pourtant de la société informationnelle et communicationnelle de simplement informer correctement les voyageurs. Un petit blocage quelque part, un rouage qui se grippe et voilà tout le système qui se retrouve paralysé.
Et encore ce n’était rien. J’ai appris en regardant le journal télévisé dans notre chambre d’hôtel la totale mise hors service de l’eurostar pendant trois jours. Ouf, notre anglais est passé à temps ! Et il y eu aussi l’interruption pendant une nuit et une journée de tout trafic gare d’Austerlitz suite à un simple accident d’un train de banlieue. Et puis encore la suspension de la fourniture d’électricité dans une bonne partie de la région de Nice pour soulager un réseau qui sinon risquait de connaître une panne beaucoup plus grave !
Tout ça fait beaucoup !
Nos systèmes qui pourtant ne cessent de connaître des améliorations techniques deviennent en même temps de plus en plus interdépendants, de plus en plus susceptibles d’être mis en difficulté, voire de connaître un collapsus généralisé dès qu’un seul élément se dérègle.
Et pendant ce temps les dirigeants du monde se montrent incapables de prendre la mesure des défis du présent et de s’engager un minimum dans les processus qui pourraient rompre avec cette fuite en avant continue dont ces déboires techniques sont au fond un des aspects.
Pas facile d’être optimiste dans ces conditions !
J’ai un grand sentiment de schizophrénie quand je passe de ces pensées sur l’avenir du monde à mes petites préoccupation privées. Tout a l’air d’aller plutôt bien sur ce plan. Bon, nous n’en sommes qu’à la mise au point et aux signatures des devis définitifs, tout le monde est très gentil, tout baigne, la bonne coordination des entreprises et corps de métier semble aller de soi. Il en sera peut-être, il en sera sans doute tout autrement quand on sera rentré dans le vif du sujet…
Mais en tout cas, sans plus penser à la galère des transport et ce qu’elle dit de notre société, mettant à distance aussi nos soucis (au fond très agréables) de constructeurs, dimanche nous avons seulement profité du temps superbe qui régnait, sur la région pour monter à pied au lac par des chemins joliment enneigés et, sans chercher midi à quatorze heure, c’était ma foi bien agréable et bien délassant …
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