Légereté du matin
Curieusement, compte tenu de
la lassitude que j’évoque souvent à l’égard de mon activité professionnelle, je
me sens en général léger et guilleret en marchant vers mon bureau le matin.
J’aime ce moment d’entre deux qui est à la fois moment de rêverie et sas
permettant d’entrer dans la journée. C’est un moment structurant aussi, inscrit
dans une régularité, et qui se reproduit chaque jour de travail, sauf lorsque
j’ai des réunions extérieures.
J’aime bien arriver tôt, le
premier, avant l’heure d’arrivée de mes autres collègues et avant l’ouverture
au public. Pendant ce moment, une heure, parfois un peu plus selon les jours,
je me sens comme chez moi, presque plus chez moi que chez moi d’ailleurs, sans
personne autour de moi. Je prépare ma journée professionnelle mais ne
m’interdis pas non plus quelques activités privées, bloguesques ou autres,
écrire par exemple…
Pour la première fois je me
suis interrogé hier : est-ce que finalement ce sas d’entrée dans mes
journées ne me manquera pas lorsque j’arriverai à ce moment auquel par ailleurs
j’aspire, celui de prendre ma retraite, non pour me « retirer »,
surtout pas pour me retirer, mais pour au contraire avoir la liberté de me
consacrer à mille choses que j’ai envie de faire?
Hier en tout cas ma marche
était particulièrement légère et guillerette. Tout simplement je me sentais
heureux…
Le temps agréable y était
sûrement pour quelquechose. Il faisait beau, il faisait frais, il faisait
justement « léger ». Il n’y avait pas ce poids de pollution que l’on
ressent très vite à Paris l’été, dès qu’il se met à faire beau et chaud.
Et puis les vacances
approchent. Je ne travaille que jusqu’à vendredi prochain. Ces journées qui
viennent devraient être assez tranquilles. C’est un temps de décélération après
l’intensité et le stress de la période qui a précédé. L’accueil du public est
plus tranquille, on a le temps d’échanger avec les collègues en dehors des
aspects professionnels, tout le monde se sent un peu en partance. Je range mon
bureau aussi, en utilisant de façon intensive et assez jouissive le classement
vertical dans la corbeille à papier.
Je me sentais léger aussi à
voir clair (ou croire voir clair) dans ce que je dois faire concernant ce qui,
pour l’heure, fait battre fort mon petit cœur. Tout me semblait limpide,
évident, dans la fraîcheur du matin. Mais conviction n’est pas réalisation. La
légèreté venait aussi sans doute de ce que, partant au bureau, rejoignant mon
petit cocon professionnel, je m’éloignais des difficultés. Je l’ai bien perçu,
rentrant à la maison le soir, cette part ci de la légèreté, s’était bien
rudement enfuie…
Mais au-delà de tout ça, je
crois qu’il y avait aussi cette lumière plus collective de la libération
d’Ingrid Betancourt. Au delà du bonheur tout simple de la savoir libérée, de la
voir retrouver famille et amis, c’est toujours impressionnant de voir ainsi des
personnes ressortir quasiment d’entre les morts. Elle était rayonnante. La
force qui se dégageait d’elle s’est déversée sur nous tous qui l’écoutions, qui
la regardions. Rien ne dit qu’elle restera sur cette ligne haute, elle est là
sans doute dans l’euphorie de la libération, peut-être y aura-t-il ensuite de
durs retours de bâton, je crois que ça s’est vu chez d’autres otages libérés.
Mais en tout cas, telle qu’elle s’est montrée, elle m’a donné et je crois à
tous ceux qui l’ont vue, un petit peps au cœur qui fait du bien et qui a
irradié sur la journée qui a suivi. Elle a parlé de sa foi en Dieu qui l’a
aidé, je le veux bien, puisqu’elle le dit. Mais moi je vois surtout à travers
elle la réaffirmation de la force de la volonté humaine et un signe de foi dans
l’humanité. Ce qui nous fait du bien à nous tous, humains que nous sommes…