En route
Ça y est. Je suis dans le
car qui m’emmène vers mon rendez vous pour un week-end amoureux avec ma chère
F. J’en ai de la joie naturellement et de l’impatience mais aussi une pointe
d’anxiété : comment se passeront les retrouvailles, notre nouvelle
rencontre sera-t-elle à la hauteur des attentes que nous en avons, elle et moi…
Et puis insidieusement j’ai
toujours en moi le malaise lié aux mensonges à l’égard de celle que je laisse,
signe de notre déficit de parole et de communication. Car c’est en mentant que
j’ai le sentiment de trahir bien plus qu’en ayant une relation amoureuse
extérieure.
Avec Constance je ne forme
pas un couple fusionnel depuis bien longtemps (depuis toujours d’ailleurs, je
crois bien). Nous sommes plutôt ce que certains appellent un couple fissionnel
c’est à dire dont chaque membre a sa part d’autonomie et sait préserver de la
distance à l’égard de l’autre. nous développons chacun des activités
diversifiées, qui se recoupent partiellement pour certaines et pas du tout pour
d’autres, pour la majorité d’entre elles. En plus des temps forcément séparés
consacrés à nos activités professionnelles, nous sommes aussi très souvent
séparés dans la sphère de nos temps libres. Ces parts réservées ont pris au fil
du temps de plus en plus d’ampleur, et occupent désormais plus de temps que nos
activités partagées.
Cependant cette liberté a
ses tabous. Dès qu’il est question de sexualité, même si pour l’un comme pour
l’autre de rares « accrocs » se sont produits ils sont restés dans
l’indicible. Là dessus plane toujours un interdit qui défie la raison. Je n’ai
pas pour autant le désir d’une transparence complète à laquelle je ne crois pas
et qui au demeurant ne me paraît pas souhaitable. Chacun a droit et besoin de
ses jardins secrets. Mais pourquoi ne pas parvenir à convenir ensemble que
ceux-ci peuvent aller jusqu’à l’émotion amoureuse pour autrui et jusqu’au
sexe ? Pourquoi faut-il que l’ouverture assumée du couple trop souvent
s’arrête au bord du lit ? C’est là que le bât blesse pour des raisons
diverses et sur lesquelles je n’ai pas pour l’instant envie de disserter.
Non, pour l’instant plutôt,
je me tourne vers le paysage qui défile, vers les promesses des heures à venir.
J’essaie de me sentir libre, un peu plus à mesure que je m’éloigne, j’essaie de
rentrer dans la parenthèse qui s’ouvre, en tentant de laisser tout le reste
derrière moi…