Départ, 2
Ce matin il a pris son gros
sac, bourré jusqu’à la gueule, une couette tout juste achetée d’hier, son
ordinateur portable et il est parti prendre son bus.
Bilbo est parti rejoindre le
campus de son école. L’accueil et la rentrée s’effectuent aujourd'hui, les
élèves s’installeront et prendront leurs marques tranquillement pendant le
week-end.
Ça fait un peu départ à la
sauvette. Il n’y a pas toute une opération d’accueil, organisée le samedi avec
invitation et pot pour les parents comme ça avait le cas pour Taupin. Ce jour
là il faisait grand soleil, il y avait quelque chose dans l’ambiance qui
m’avait évoqué presque un départ de colonie de vacances, c’était assez étrange
mais c’était un joli moment et c’est un bon souvenir. Aujourd'hui il pleut et
ça sent l’automne.
Il ne part pas très loin, il
reste en région parisienne, il reviendra souvent les week-ends, mais n’empêche…
C’est un changement.
Plus d’enfant résident
permanent à la maison.
Les parents qui se
retrouvent seuls. Côte à côte ? Face à face ?
Constance ce soir semblait
un peu déboussolée, presque au bord des larmes en rentrant du travail.
Pour le dîner, j’ai pris la
toute petite poêle pour faire cuire les steaks.
Naturellement ce n’est pas
la première fois. Bilbo tendait depuis assez longtemps à être courant d’air et
à aller dîner dehors très souvent. Mais quand même c’est un peu différent ce
soir.
Signe, s’il en était besoin,
(mais il n’en est pas vraiment besoin !) que le temps passe. Le premier
départ, celui de Taupin c’était il y a quatre ans déjà !
D’ailleurs ces pseudos il
faudrait que je les change. Ça fait lurette que le Taupin ne l’est plus. Quant
à Bilbo, ce n’est plus ce petit garçon au côté rondouillard, à la fois assez
placide et malicieux, qui avait fait surgir en moi l’image du célèbre hobbit.
Comment les appellerais-je ? Le Physicien et l’Agronome ? Pourquoi
pas... Ça peut paraître les réduire aux études dans lesquels ils sont engagés
mais bon, ça nous arrive aussi en vrai par moment de les appeler comme ça, par
jeu. Alors je verrai si ça sort spontanément ou pas.
On a pris conscience juste
avant son départ qu’il (Bilbo ? L’Agronome ?) partait avec
l’ordinateur. C’était son ordinateur mais il en partageait l’usage avec sa
mère. Je n’ai pas du tout pour ma part envie de partager le mien. Outre le fait
que je ne souhaite pas trop que tous mes tiroirs soient ouverts sous le nez de Constance
(certes on pourrait installer des sessions différentes et protégées) il y a
surtout que je veux pouvoir utiliser mon ordinateur absolument au moment où
j’en ai envie. Déjà que je trouve nos espaces de travail trop proches et que je
rêve souvent d’un lieu qui soit vraiment à moi, où je ne ressente aucune
présence qui puisse me troubler, fut-ce une présence silencieuse et occupée à
autre chose. Donc ce week-end, achat sans faute d’un petit portable basique
pour Madame, conséquence annexe de cet envol du nid n° 2.