"Septième ciel"
J’ai été voir le film
« Septième ciel » l’autre soir. Ce film allemand d'Anton Dresen fait le récit d’une relation
amoureuse forte et très sexuelle entre deux personnes âgées. J’y allais, je
dois l’avouer, un peu à reculons. J’étais intéressé par le thème mais j’avais
peur de ressentir une certaine gêne devant des corps ne répondant pas aux
canons habituels de la beauté saisis dans les postures de l’amour.
Car même si nous savons bien
que ce qui est perçu comme beau est changeant et relatif selon les époques et
les civilisations (les formes de Rubens contre celle de nos modernes top model)
il n’empêche qu’un corps jeune est inévitablement plus « beau », plus
attirant, plus désirable qu’un corps sur lequel s’accumulent les marques du
vieillissement.
En fait les scènes d’amour
physique ne m’ont pas été pénibles. Elles ne m’ont pas agréablement émoustillés
non plus comme lorsque les caresses s’échangent entre des corps jeunes et
beaux. Il n’y avait pas ce petit plus auquel il serait hypocrite de dire que je
ne suis pas sensible. Mais la beauté était bien là. Elle se réfugiait dans les
regards. Un regard amoureux ça ne vieillit pas et il y a dans ce film quelques
très, très belles images de regards.
Le seul fait qu’un film
prenne le risque d’aborder ce sujet de la vie amoureuse et sexuelle des
personnes âgées est en soi réconfortant. Ce n’est pas le premier d’ailleurs. Je
me souviens d’un beau billet de Traou qui évoquait le téléfilm « L’âge de
l’amour » dont j’ai malheureusement raté la diffusion.
Mais ce film ci est au final
plutôt sombre. Il réaffirme certes que l’amour est encore possible ce qui donne
lieu à des très belles séquences notamment dans la première partie : la
première étreinte, les retrouvailles sur le vélodrome, la promenade dans la
nature, les scènes à la chorale. Mais l’accomplissement de l’amour passe par le
drame. Plutôt que sur le bonheur des nouveaux amoureux le film se concentre sur
la difficulté pour la femme à vivre cette nouvelle relation. On la sent plus
souvent malheureuse, plombée par sa culpabilité à l’égard de son vieux mari que
transportée par cette merveille de pouvoir encore vivre l’état amoureux à son
âge.
Malgré les conseils de sa
fille, la femme ne peut s’empêcher de parler à son vieux compagnon car elle
aurait le sentiment de ne plus pouvoir le regarder en face en ajoutant le
mensonge à son emballement amoureux. Tout ce qu’elle lui dit (le fait qu’elle
en aime un autre n’est pas l’effacer lui de son histoire) me paraît frappé au
coin du bon sens. Mais le vieil homme, avec lequel pourtant elle partageait
encore des tendresses au début du film, le supporte mal, il s’enfonce dans une
dépression déjà latente, devient brutal, la poussant à s’éloigner plus encore
qu’elle n’aurait voulu.
(Tiens, ça pourrait me faire
penser, ça…)
Il y a un moment de répit.
Après une joyeuse réunion de famille avec leurs petits-enfants, il la
raccompagne un moment, lorsqu’elle part rejoindre son amant, ils évoquent
ensemble des souvenirs anciens et heureux et sa parlent avec tendresse. C’est
une très belle scène.
J’aurais aimé que le film se
termine là-dessus. Mais l’homme est trop atteint et continue à s’enfoncer dans
la dépression jusqu’au drame final dont on ressent de plus en plus
l’inévitabilité. Certes l’amour est toujours là. Le film se termine sur la
vision d’un timide sourire sur le visage de la femme que son amant berce et
console, mais de quel prix s’est payé l’amour.
Sans doute est-ce pour cela que ce film m’a déçu. Peut-être serait-il plus juste de dire qu’il n’a pas répondu à mes attentes. Sans doute espérais-je un film optimiste, donnant la pêche, dont on sorte boosté, avec le sourire aux lèvres. Ce n’est pas franchement le cas. Oui c’est bien « l’amour est encore possible » mais c’est aussi beaucoup : « la mort est là qui pèse et qui rôde ».