Pincement de coeur
Alors, c’est quoi, ce pincement de cœur ?
Une grande et très chère amie, la plus accomplie de mes amitiés amoureuses, avec qui j’ai eu le bonheur de vivre quelques beaux weeks-ends parenthèses et dont je savais la vie engagée dans une importante et positive dynamique de changement m’a annoncé il y a peu qu’elle avait de surcroît fait une rencontre amoureuse importante.
Je le sentais à vrai dire depuis un moment, je le savais même et d’ailleurs j’en avais rêvé il y a quelques jours d’une façon très explicite. Je m’aperçois maintenant à quel point les symboles dont ce rêve était chargé reflétait de façon extraordinaire la réalité dans plusieurs de ses dimensions.
C’est étrange cette différence entre savoir au fond de soi et recevoir la nouvelle de la voix même de la personne concernée.
Comme si, lorsque l’on sait au fond de soi, on pouvait toujours ménager un petit espace au doute et se satisfaire de ce doute. Alors que là, non, ce n’est plus possible.
Mon sentiment est étrange, partagé. Je suis à la fois heureux pour elle, réellement heureux, ce ne sont pas seulement des mots, ce n’est pas une pose pour signifier je ne sais quelle grandeur d’âme, ça me semble un développement logique et bienvenu sur le chemin de changement qu’elle a entrepris depuis plusieurs années et dans lequel j’ai tenu une place, une place que, je le sais, elle n’oubliera pas.
Mais c’est aussi dans le même temps ce pincement de cœur, cette tristesse pour moi-même que je ne peux éviter.
C’est curieux ça aussi. Nous sommes géographiquement très éloignés l’un de l’autre, nous ne nous voyions que très épisodiquement et dans des conditions qui n’étaient jamais simples, faciles, notre relation était en quelque sorte principalement « virtuelle », elle n’était donc pas très « pleine » et là, alors que ce qui advient change fort peu de choses dans le concret de ma vie, j’ai tout à coup le sentiment qu’un grand « vide » s’est fait. Et c’est comme si ce vide était simplement liée à cette idée que je ne suis plus le premier, le plus important, le plus attendu. C’est terrible, tout de même, quoiqu’on veuille, de ne pas pouvoir s’empêcher de ressentir les choses sur le mode de la concurrence !
Bien sûr je suis tout à fait certain qu’elle me garde une place dans son cœur, elle veut vivre indépendante, garder son autonomie, ne pas s’installer avec ce nouvel homme, peut-être ne cédera-t-elle pas à l’exclusivisme mais j’ai très bien senti, et cela aussi je le comprends parfaitement, qu’elle accordait une priorité à ce qu’elle cherchait à construire dans la proximité de sa vie, laissant peu ou pas de place aux amitiés amoureuses telles qu’elle a pu en vivre jusque là et dans lesquelles, alors, j’avais ma place à la fois dans son cœur et dans ses bras.
La roue tourne. J’ai l’impression que plusieurs de mes amitiés amoureuses qu’elles aient conduit à l’accomplissement sexuel ou qu’elles en soient restées au désir sublimé – oh je n’en ai pas connues tant que ça !- s’éloignent insensiblement dans le mouvement même de la vie sans que d’autres ne semblent prendre le relais, et c’est de cela que je ressens une tristesse, non pas véritablement douloureuse mais langoureusement mélancolique.