Réminiscences
De nouveau aujourd'hui il
fait un temps pourri avec une pluie qui n’a pas cessé de la journée. Et ce soir
en plus le vent s’y met ! Ras le bol ! Mais hier dimanche, dans
l’après-midi le temps s’était levé. Frais encore mais avec un joli brin de
soleil. Après plusieurs jours à forte consommation cinématographique (trois
films en trois jours, trop peut-être, sentiment d’accumuler de la consommation,
qu’elle soit culturelle ne change rien ), ça m’a fait un sacré bien de marcher
un peu longuement. J’ai traversé le 13°, parcouru le parc de Bercy, pris mon
temps sur la passerelle pour finir en allant visiter à la Bnf l’exposition sur
les livres d’enfants.
C’est une exposition très
sympathique et bien présentée, comme le sont en général ces expos de la Bnf
mais celle-ci en plus déclenche chez qui la voit tout un jeu de réminiscences.
C’est curieux la façon dont
fonctionnent les souvenirs d’enfance, la façon dont ils remontent avec une
formidable présence, une formidable intensité. Il y a des choses qui
paraissaient totalement oubliées et qui, à la vue d’une simple image,
ressurgissent d’un coup avec une étonnante fraîcheur. En revoyant l’image on la
revoit telle qu’en elle-même, comme si on l’avait gardée en soi avec tous les
détails, alors que la minute d’avant on aurait été incapable de dire qu’on
avait eu, lu et relu le livre dont elle est issue.
Me souvenais-je de Parana le
petit indien d’Amazonie ? Certainement non mais d’en revoir une seule
image il m’est revenu que j’avais adoré cette série de livres évoquant les
enfances d’ailleurs au travers de belles photos en noir et blanc.
J’ai vu ressurgir aussi la
carte de l’île rose de Charles Vildrac et je me suis souvenu de mes rêveries à
suivre du doigt ses courbes, ses plages et ses caps (et du coup ça m’a rappelé
ce goût que j’avais enfant pour les cartes sur les livres, dans les Jules Verne
par exemple, ce goût que j’avais eu aussi de construire et de dessiner mes
territoires imaginaires pour y installer mes propres histoires).
J’ai vu un numéro ouvert du
journal de Mickey, page 2, page 3, celles sur lesquelles je tombais d’abord en
ouvrant mon hebdomadaire. Voici « Mickey à travers les âges », cet
interminable feuilleton que j’avais adoré où le petit héros vivait des aventures
diverses en changeant d’époque, préfiguration de Mortimer du Piège diabolique
que je ne lirais que plus tard. Et sur la page faisant face voici l’évocation
du club Mickey et de ses activités. Mais oui, je me souviens, j’en ai été
membre, je revois la petite carte qu’on recevait attestant de notre qualité,
j’en étais tout fier et me revient aussi mais plus vaguement une visite au
salon de l’enfance où l’essentiel pour moi avait été de traîner mes parents au
stand du club Mickey…
Et voici un « Femmes
d’Aujourd’hui », avec Moustache et Trottinette du dessinateur Calvo.
Chaque fois que j’arrivais chez ma grand mère de Haute Savoie la première chose
que je faisais c’était de prendre toute la collection des « Femmes
d’Aujourd’hui » et d’avaler tous les Moustache et Trottinette !
J’adorais cette série mais elle n’était pas anodine, j’y ressentais des choses
dramatiques ou qui me faisait peur, je ne saurais pas dire pourquoi.
Quand était-ce tout
cela ? Comment est-ce que ça s’articule dans le temps. Impossible de
savoir exactement. Impression de temps long alors que ce devait être du temps
relativement court. Je n’ai pas dû lire bien longtemps le journal de Mickey ni
rester bien longtemps membre du club, deux-trois ans peut-être, pas plus, car
je suis passé assez vite au journal de Tintin. Deux-trois ans qu’est-ce que
c’est alors que huit ans sont passés déjà comme une flèche depuis l’an
2000 !
Bien sûr j’ai vu aussi des
livres plus récents, qui ont été surtout des livres que j’ai lu et relu et avec
un vrai plaisir pour mes enfants petits. « Les 3 brigands » de Toni
Ungerer, « Max et les maximonstres » ou « La belle lisse poire
du prince de Motordu ». Mais ce n’est pas pareil. Il n’y a pas eu rupture
du souvenir pour ces livres là et les revoir ne crée pas la même magie.
Il y avait aussi dans
l’exposition des documents qui n’étaient pas dans des vitrines, des documents
que tout un chacun pouvait toucher et manipuler. Ce sont de jolis albums à
destination de jeunes enfants aveugles ou mal-voyants, des abécédaires ou bien
des histoires avec des textes en braille et des images en reliefs réalisées
avec divers matériaux, avec des textures différentes sous le doigt. J’ai fermé
les yeux, suivi quelques images pour essayer de sentir ce que ça pouvait être
de faire marcher « les doigts qui rêvent » selon le joli titre de la
collection à laquelle appartiennent la plupart de ces ouvrages. Ça m’a plu de
faire ça même si forcément c’était sans succès faute d’entraînement mais
c’était aussi une façon d’envoyer une pensée…