Week-end sans relief
Ce week-end j’ai eu
l’impression de me traîner et de plutôt mal me traîner, passant d’activités
inessentielles en activités inessentielles sans trouver d’axe fort, sans
ressentir des moments où je puisse me dire : là je me sens vraiment bien,
là je me sens en harmonie avec moi-même, avec ce qui m’entoure.
A vrai dire j’avais des
envies de nature et plus précisément de bords de mer. Je voulais profiter des
trois jours du week-end prolongé pour m’aérer, et sans doute est-ce de ne pas
l’avoir fait qui a pesé sur le reste. Je ne pouvais m’empêcher de me
dire : je serais mieux à marcher au bord de la mer, pourquoi donc ne
sommes nous pas partis comme on voulait le faire. Je sais, c’est très mal et
très bête de fonctionner comme ça, de regretter ce qu’on aurait pu faire plutôt
que de profiter sans arrière pensée de ce qu’on fait mais enfin c’est comme ça
que j’ai tendance à fonctionner, je ne me referai pas. Et puis pesaient sans
doute aussi mes pensées à propos de notre amie décédée, mais celles-ci au
contraire auraient dû m’aider à être sans réserve dans le « Carpe
diem ».
Nous avions vaguement eu le
projet d’aller en baie de Somme. J’aime bien Saint Valéry en Caux, Le Crotoy,
l’estuaire, les vasières, les vastes plages sur lesquelles les marées se
retirent très loin, le parc du Marquenterre aussi et ses oiseaux. Mais on ne
s’est pas organisé pour, on n’a rien réservé, on a eu la flemme de faire les
kilomètres, on n’a pas eu envie de la cohue des routes et de la cohue des
retours. On se laisse bouffer par une soi-disant fatigue et puis après on
glandouille. C’est comme ça qu’on a totalement laissé tomber les activités de
randonnée qu’on organisait il y a quelques années avec des copains, quand vient
le printemps je réalise que ça me manque sérieusement.
Constance a toujours des
choses à faire en retard pour son boulot. C’est effrayant la façon dont elle
nourrit ses week-end avec son activité professionnelle. Ce qu’elle se croît
obligée de faire, ajouté à son désir de ne pas se bousculer, d’être dans une
lenteur qui contraste avec la pression continue qu’induit son boulot fait que
la plupart de mes propositions d’activités tombent dans le vide. J’ai moi un
travail nettement moins stressant que le sien, alors je veux bien la comprendre,
n’empêche la pesanteur est là et qui me plombe parfois moi-même. Il faut que je
me secoue. Souvent, si je n’ai pas trop d’énergie, je me contente d’aller dans
une salle obscure, c’est bien le cinéma, j’adore ça, mais ça reste une activité
passive, une activité de pure consommation, alors point trop n’en faut.
Ainsi ai-je été trois fois
au cinéma ce week-end. C’est trop surtout quand on ne voit que des choses qui
passeront très vite. Volontairement j’avais choisi des films plutôt légers.
Mais trop légers finalement pour que je m’en sente enrichi. Les petits plaisirs
du moment mis bout à bout n’induisent pas de satisfaction véritable.
J’ai vu « OSS 117, Rio
ne répond plus ». Assez lamentable. J’avais trouvé le premier opus vif et
plein de surprises, je m’étais bien amusé. Les ficelles dès ce second film sont
usées, d’autant que ce sont de très, très grosses ficelles. La parodie sans la
finesse ça ne va qu’un temps.
J’ai vu « Romaine, par
moins trente ». C’est nettement mieux, c’est plaisant, on sourit et même
on rit, c’est un peu déjanté et pas vraiment prévisible, alors on se laisse
aller et on suit avec plaisir les aventures québécoises improbables d’une
Sandrine Kiberlain qui est excellente. Le film joue de façon plaisante des
images respectives que l’on a des deux côtés de la flaque. J’espère qu’il passera au Québec et que nos amis de là-bas
pourront nous dire la vision qu’ils auront du film.
Enfin j’ai vu « Un
autre homme ». Là ça se veut plus intello et c’est un film qui n’est pas
désagréable. C’est un film suisse d’un joli noir et blanc, plein de références
cinéphiliques, on se croirait revenu à la Nouvelle Vague, on pourrait penser à
un Tanner. On suit les pas et l’éducation cinéphilique et sentimentale, entre
Jura profond et ville de Lausanne, d’un jeune homme un peu creux, sa rencontre
avec une critique de cinéma qui, il faut le dire, a sacrément du chien. C’est
pas mal, mais bon, que reste-t-il dès qu’on est sorti ? Pas grand-chose,
rien en tout cas qui nourrisse en profondeur.
Dimanche matin c’était
mieux. D’abord il y avait le soleil et rien que ça m’aidait à me sentir plus
léger. J’ai flâné dans le Jardin des Tuileries avant d’aller voir l’exposition
Warhol au Grand Palais. J’y allais sans enthousiasme, un peu pour voir, et puis
bon, faut quand même que j’amortisse ma carte Sésame ! Le personnage de
Warhol m’est très antipathique, son cynisme, ses provocations qui n’ont pour
but que de faire du fric, ce monde du glamour et de l’apparence dans lequel il
se complaît, ses procédé par trop faciles d’accumulation d’objets et de signes
de la société de consommation triomphante. Et bien je n’ai pas regretté ma
visite. On est ici chez le Warhol portraitiste et il faut reconnaître que tous
ces portraits, faits à partir de simples photos polaroïds mais véritablement et
subtilement retravaillées, sont puissants surtout lorsque de nombreuses
versions sont mises côte à côte. Même ceux qui sont très connus et parfois
ressassés (les Marilyn, les Maos) prennent de l’épaisseur grâce à l’effet
d’ensemble et puis il y en a qui sortent de l’imagerie habituelle comme par
exemple la magnifique série des dix juifs du siècle. L’accrochage de
l’exposition est excellent. Les toiles respirent, se répondent avec
intelligence. C’était une bonne surprise finalement, la bonne surprise du
week-end.