En excursion dans le nord parisien
Hier nous avons été
découvrir « Le 104 ». Ce sont de vastes bâtiments des anciennes
Pompes Funèbres Municipales que la Mairie de Paris est en train de réhabiliter
pour en faire un lieu d’animation culturelle et un centre d’art contemporain
dans une partie de Paris qui reste particulièrement déshéritée.
Nous y allions pour
découvrir le lieu mais aussi pour y voir la villa Arpel, la maison qui est
quasiment en elle-même un personnage du film « Mon Oncle » de Tati.
Elle est ici reconstituée à l’échelle et c’était plaisant de guetter en soi les
réminiscences du film qu’elle a fait ressurgir. Les enfants nombreux qui
étaient là avaient l’air d’apprécier, indépendamment du background du film.
Nous avons l’intention quant à nous de prolonger ce retour à Tati par la visite
de l’exposition à la cinémathèque.
Quant au 104 lui-même il ne
m’a pas séduit. Il m’a paru, pour l’instant en tout cas, très froid, trop vaste
et pas véritablement investi. La librairie qui se veut aussi librairie de
quartier paraît bien artificielle. Les quelques autres propositions artistiques
que nous avons croisées sur place m’ont paru sans intérêt, juste objet de
curiosité. Et je repensais en déambulant parmi elles à tout ce qu’a aussi de
profondément superficiel une bonne part de la création culturelle et de la
consommation qu’elle induit, je repensais à mon envie de forêt, de nature, de
présence à la sensation directe du monde et de ses rythmes.
Il est heureux bien sûr qu’à
travers cette initiative de la Ville le patrimoine architectural puisse être
préservé. J’aime cette vision par exemple des tours du quartier dans l’axe des
voûtes et des angles du 104. Et je serais heureux que cet espace puisse
contribuer à la rénovation du quartier. Mais est-ce que la greffe va
prendre ? Pas évident. Surtout pourra-t-elle prendre en conservant la
population telle qu’elle est, sans que la rénovation induise la disparition des
habitants actuels rejetés vers de lointaines banlieues. C’est le dilemme de toutes
les rénovations urbaines.
Nous avons pris plaisir en
tout cas à notre déambulation dans le quartier : le long du bassin de la
Villette d’abord, autour du centre hôtelier qui occupe un des pavillons qui
ferment le bassin et que je n’avais pas encore vu terminé puis dans les zones
bien plus déshéritées de l’ouest de l’arrondissement entre le canal et les
lignes SNCF, là précisément où est implanté le 104. Nous avons traversé le
jardin d’Eole, un vaste espace reconquis sur les friches SNCF puis abouti à
travers des îlots insalubres qui vont prochainement disparaître sur le
Boulevard de la Chapelle. C’est cela qui est extraordinaire à Paris, cette
multiplicité des mondes qu’on peut y croiser : on est ici très loin de
notre 13° un peu boboïsé. Nous avons réellement le plaisir du voyage lorsque
nous allons, à une demi heure de métro de chez nous dans des quartiers que nous
connaissons mal et qui sont si différents du nôtre.
Après cela nous avons été au cinéma. Nous avons vu « Dans la brume électrique » de Tavernier. Un très bon film. Evidemment rien à voir avec « Coco avant Chanel », donc la comparaison n’a pas grand sens, n’empêche je ne peux m’empêcher de la faire. Dans ce film ci qui pourtant se voit d’abord comme un film policier bien fichu et bien rythmé, il y a autre chose aussi, une patte particulière, un style dans la réalisation qui tient au talent tout simplement de Tavernier, une capacité extraordinaire à saisir un lieu, son atmosphère, son histoire même, une façon enfin d’incarner le récit à travers des acteurs dont la présence est intense. J’aurais envie de dire que c’est une présence en épaisseur, alors que dans le film sur Coco Chanel j’avais l’impression de voir juste des images, une présence de surface. C’est un peu injuste de dire ça comme ça, je ne vois pas trop moi-même ce que je veux dire exactement, néanmoins je ressens quelquechose de cet ordre là même si ce n’est pas évident à exprimer.
*
*
*
PS: J'avais rédigé ce billet ce matin avant d'apprendre la nouvelle du décès de la personne que j'évoquais hier. Il me semble que le mieux désormais la concernant c'est notre silence et nos pensées...