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Les échos de Valclair
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14 novembre 2009

Une heureuse surprise

J’ai été voir hier « La religieuse portugaise » d’Eugene Green. J’y allais vaguement attiré par ce qu’en dit la critique, à cause du fait aussi que ça se passe à Lisbonne qui est une ville que j’aime beaucoup (enfin je n’y ai pas été depuis 30 ans, disons que j’y ai des souvenirs très forts, j’y ai passé notamment une semaine adolescent, tout seul, mais au milieu de la frénésie révolutionnaire qui secouait la ville après la révolution des œillets). Mais j’y allais avec méfiance aussi, je n’avais guère apprécié le précédent film d’Eugene Green, « Le Pont des Arts » où je m’étais terriblement ennuyé.

Mais là, ça a été magique. Passé le petit temps d’accoutumance qu’il faut pour rentrer dans un style de film au rythme contemplatif, dont les acteurs ont un jeu et une diction très particulière, j’ai été ravi au sens propre, happé, emmené très loin et sans réticence au travers des méandres de ce conte improbable, aux accents charnels, poétiques et mystiques, auquel ne manque pas cependant une pointe d’humour. Lisbonne est en effet très présente, par ses paysages, ses gens, ses ambiances, le décor baroque de ses églises, les chansons dans les cafés à fado. A l’opposé de ces films aux caméras excessivement mouvantes, ici la caméra est lente, comme le sont les personnages qui se déplacent, s’expriment avec une sorte de tranquillité, de solennité presque qui sort leurs propos du mouvement frénétique de la vie courante et les placent comme au-dessus de celle-ci, leur conférant une densité exceptionnelle. Les cadrages très simples pourtant, les lumières, produisent des images extrêmement belles. Le jeu entre les langues, le basculement entre le français et le portugais, entre une langue moderne et une langue archaïque, arrimée à celle du 17° de siècle, de Port royal et des Lettres de la religieuse portugaise, rajoute à l’envoûtement. Beaucoup tient aux visages aussi. Ils sont filmés de près, le plus souvent frontalement, et en longs plans, qui nous laissent le temps de voir combien ils rayonnent de l’intérieur. Magnifique de ce point de vue est par exemple la scène dans le bar à fado où passent tant d’émotion, hors même du chant qui est très beau, dans la caresse de la caméra sur les visages, les regards, si divers de la chanteuse, des musiciens et de chacun des spectateurs. L’actrice principale qui est quasiment de tous les plans est excellente et d’une extrême beauté, c’est une femme vivante et charnelle mais c’est aussi une madone, filmée comme une madone, à travers laquelle s’exprime et triomphe une aspiration à l’amour qui englobe tout, amour charnel, amour mystique, amour universel, tiens, tout à coup en écrivant, alors que le contexte pourtant a si peu à voir, ça me fait penser à Etty

Ce film vient de sortir cette semaine. Dans deux salles seulement ce qui est une misère et il ne fera sûrement pas une longue carrière. Alors si ça vous dit, ne tardez pas à y aller.

Mais c’est le genre de film dans lequel il faut pouvoir rentrer. Ce qui n’est pas forcément évident et il peut alors paraître très ennuyeux, voire exaspérer. J’imagine qu’une même personne, selon son humeur préalable, peut y adhérer plus ou moins facilement. Et peut-être est-ce aussi parce que j’avais au rebord de moi un petit mais tout récent pincement de cœur, dont je reparlerai peut-être, dont je reparlerai sans doute, que, me trouvant en état de grande réceptivité émotionnelle, j’ai pu entrer aussi bien dans ce film et ressortir du cinéma avec une sorte d’allégresse dont j’avais bien besoin, celle à laquelle conduit la confrontation toute simple à la beauté.

religieuse_portugaise

leonor_baldaque

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Commentaires
V
Un lieu que je ne connais pas! J'y passerais qui sait. Mais que de choses à découvrir!<br /> J'ai parcouru la liste des chroniques du Cochonfucius et me suis arrêté avec intérêt sur l'article sur la saudade. <br /> En tout cas bienvenu par ici, étrange chimère!
C
Alors si tu aimes Lisbonne, tu dois (si ce n'est déjà le cas) rendre visite à Michel Chandeigne, à la rue Tournefort, à Paris.<br /> <br /> <br /> Et toute la lusophonie: Cap-Vert, Macao, Timor et Mozambique.<br /> <br /> Et la langue mirandaise...
Les échos de Valclair
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