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Les échos de Valclair
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4 mars 2009

Découverte de Marie Chaix

J’avais entendu parler de Marie Chaix mais, à ce jour, je n’avais rien lu d’elle. Le fait de partager la tribune avec elle et d’autres à l’occasion de la table ronde de l’APA sur intime/privé/public m’a incité à mettre le nez dans ses livres.

J’ai lu le week-end dernier « L’été du sureau » qui m’a beaucoup plu.

Dans ce livre Marie Chaix porte à nouveau le regard sur toute son histoire familiale, elle reprend des éléments manifestement déjà abordés dans ces précédents ouvrages mais éclairé par ce qu’elle a vécu entre temps.

Les questionnnements qu’elle pose sur l’acte d’écrire et sur le lien que celui-ci entretient avec la vie même font écho en moi et spécialement en ce moment. Pourquoi écrit-on? Pourquoi l’écriture se bloque-t-elle et pourquoi revient-elle ? Pourquoi cet acharnement d’écrire et ce qu’il a de laborieux et de douloureux ? (« Plaisir d’écrire ? Rarement connu. Plaisir d’avoir écrit ? Oui sûrement » dit-elle et je me retrouve tout à fait dans la formule).

Marie Chaix avait cessé d’écrire en 1990 à la suite de la mort d’un ami proche, sorte de confident et de mentor littéraire, et elle en retrouve brusquement le besoin 10 ans après au moment où sa fille décide de quitter son mari, un événement relativement banal en ces temps de familles recomposées mais qui la bouleverse au-delà de ce qu’elle pouvait imaginer. C’est que ce que cette intermittence du désir d’écrire lui dit sur sa propre vie, sa propre histoire familiale depuis sa plus petite enfance qu’elle analyse finement et qui constitue le sujet même du livre.

Elle articule dans son récit, extraits du journal tenu pendant l’été marqué par la séparation de sa fille, racontant ses réactions au jour le jour dans des maisons de vacances elles-mêmes porteuses de souvenirs, avec la reprise éclairée par cet événement nouveau de souvenirs bien plus anciens. Les arbres qui sont la marque des lieux jouent un rôle particulier : la qualité de leur ombre, l’odeur de leurs fleurs, ce sont les madeleines de Marie Chaix et ce n’est pas pour rien que le sureau apparaît dans le titre même du livre.

Le récit de la jeune grand-mère bouleversée par la séparation de sa fille, la ramène à sa propre séparation d’avec le père de ses enfants, à la part de culpabilité qu’elle n’a pu s’empêcher d’en ressentir même si au final elle loue cette « merveille de la recomposition » lorsque celle-ci est réussie. Au delà les départs des hommes qui sont les traumatismes déclencheurs de l’arrêt de l’écriture pour le premier, de sa reprise pour le second, la ramène à des absences bien plus anciennes, celle du père collaborateur, fuyant se réfugier en Allemagne puis longtemps emprisonné à Fresnes, celle des frères décédés l’un et l’autre.

Ecrire c’est travailler son histoire même si « les livres que l’on écrit ne suffisant pas à nous élucider ». Mais c’est aussi, en tout cas dès lors qu’on publie ou qu’au moins on donne à lire, la mise en jeu d’une relation avec ceux qui lisent. C’est délicat sans doute à l’égard des proches, il faut dépasser ce qui peut être mal interprété ou perçu comme trop douloureux mais ensuite, parce que l’effort entrepris est la marque d’une reconnaissance profonde pour l’histoire commune et signe d’amour, ils deviennent partie de ces « transmissions » si précieuses pour se construire soi, et soi en lien avec ceux qui partagent une part de l’histoire, parents, fratries, amis, enfants. Tout n’est pas possible : ainsi Marie Chaix n’a pu écrire son premier livre qu’une fois sa mère décédée mais par delà la mort elle porte un témoignage qui l’aide elle-même mais aide aussi ceux qui sont autour d’elle.

Bien sûr je suis dans une situation différente n’ayant jamais publié de livre, encore moins fait profession d’écrire mais le fait d’avoir, rompant avec le journal pour soi camouflé au fond d’un tiroir, accepté puis recherché un lectorat, fut-ce un micro-lectorat, en passant au journal en ligne puis aujourd'hui, allant plus loin, en acceptant de le présenter publiquement, n’est sûrement pas anodin. C’est avec l’écrivain reconnu une différence de degré, pas une différence de nature. Tiens me voici il me semble au cœur du thème de la table ronde…

Mais, petite remarque annexe, pourquoi bon sang cette dénomination de roman pour ce texte qui s’assume autobiographique de bout en bout, sans même recourir aux ruses et contorsions de l’autofiction ?

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Commentaires
V
Ce qui entrave le plaisir de l’écriture c’est, pour moi en tout cas, son côté très laborieux. Les mots ne coulent pas de source comme je sais que c’est le cas pour beaucoup, ceux qui s’expriment ici en tout cas. J’ai l’impression parfois de devoir aller chercher les mots aux forceps, j’écris et je biffe et je reprends, je bouscule l’ordre des paragraphes et je ne vois pas trop où je vais et pendant tout un temps je ne suis pas sûr d’aboutir, d’arriver à ce que mes mots disent vraiment ma pensée. Douleur d’écrire…<br /> Et puis ça se met en place, je me dis là ça y est, je tiens mon texte et c’est là que commence le plaisir sans mélange d’écrire, j’arrange, je peaufine, mais je sais que j’y suis, je suis dans le plaisir d’avoir écrit.<br /> Parfois il m’arrive d’écrire presque de premier jet et c’est vrai que c’est infiniment plus plaisant mais c’est assez rare. Ça m’arrive plus facilement pour un pur récit, genre récit de rêve, de promenade, d’un souvenir, ou pour un texte de pure imagination lorsque je suis lancé, beaucoup plus difficilement dans les textes réflexifs ou d’analyse d’un bouquin ou d’un film qui constituent la plus grande part de ce que j’écris, dans ce blog en tout cas.<br /> D’où mon envie parfois d’ailleurs de me lancer vraiment dans la fiction au détriment du blog.<br /> <br /> A part ça Alain, bien sûr, je raconterai mon vécu de coming out bloguesque mais je n’y suis pas encore, c’est le 14 mars.<br /> Et Sylvia comme toi je pense que ce sont les éditeurs qui poussent à cette absurde dénomination obligée de roman. Tiens je demanderai à Marie Chaix ce qu’il en a été pour elle.
B
Pour ma part, j'ai du bonheur à écrire et du regret "d'avoir écrit"... quand le texte est terminé, retouché mille fois et qu'il n'y a plus rien à en faire et à en dire... plutôt que du regret, je ressens un vide quand c'est fini, une sorte de manque. Sentiment pénible que j'évacue en écrivant de nouveau... bises :-)
K
Je suis comme AlainX ! Je ne me retrouve pas dans cette petite citation.<br /> Pour moi, c'est vraiment le plaisir d'écrire. Preuve en est que bien souvent, mes écrits ne restent pas en ligne et que je les oublie très vite.<br /> Ce que j'aime, c'est vraiment "écrire", le plaisir des doigts qui courent sur le clavier et qui expriment une idée, qui racontent des choses. En revanche, je n'ai pas le plaisir d'avoir écrit. Le plaisir est dans l'action d'écrire et non dans la satisfaction de l'avoir fait.<br /> Encore une fois, on découvre que les blogueurs ont une démarche bien différente... qui les mènent quand même au même "endroit" : "écrire".<br /> Bise ;-)
A
« Plaisir d’écrire ? Rarement connu. Plaisir d’avoir écrit ? Oui sûrement »<br /> <br /> cette phrase m'a "interpellé quelque part" ... comme on dit ...<br /> c'est pourquoi elle fait le support d'une "entrée" chez moi.<br /> ---------<br /> et sinon ? Nous donneras-tu des échos de la table ronde à laquelle tu as participé ?
S
Je fais mienne ta remarque du dernier paragraphe. Un des deux derniers livres de Julien Green, parus il y a quelques mois chez Fayard, s'intitule Mon Amérique et porte lui aussi l'inscription roman. Or, il s'agit de courts textes que Green avait rassemblés dans un cahier et qui portent soit sur l'Amérique ou sur son expérience américaine. Que se passe-t-il donc dans les maisons d'édition ?
Les échos de Valclair
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