Un bon cru
C’est hallucinant comme le
temps passe !
Nous voici dimanche soir et
je n’ai pas ouvert ce journal de la semaine. Outre des activités
professionnelles envahissantes plus quelques autres, Fiston le jeune est parti
pour six mois en stage à Berlin ce qui, avant de faire un vide sensible, nous a
occasionné divers occupations d’organisation, tandis que Fiston l’ainé
débarquait d’Angleterre pour passer une dizaine de jours à Paris. Il est arrivé
hier soir, plaisir des retrouvailles, il congresse pendant la semaine, il va en
profiter pour voir ses vieux copains parisiens mais occupera aussi quelque peu
le temps de ses vieux parents qui en sont ravis !
Les Journées de l’APA déjà
s’éloignent, je n’en ai pas fait le croquis sur le vif, plus le temps passe
plus bien sûr l’évocation en devient difficile, moins naturelle et spontanée
que lorsqu’elle est faite dans l’immédiateté. Alors je m’y colle tout de suite
à la fois pour garder des traces pour moi et pour en donner reportage à
quelques uns que ça intéresse.
J’ai débarqué à Strasbourg
le vendredi en fin de matinée, m’autorisant ainsi une journée de tourisme dans
cette très belle ville. Parti de la gare j’ai rejoint le centre ville, la
cathédrale que j’ai visitée, les quais de la vieille France où j’ai musardé
avant de me poser sur une terrasse où j’ai mangé une salade avec chou et
cervelas, arrosé d’un quart de blanc bien frais, c’était la toujours jouissive
sensation de la vacance.
Puis j’ai rejoint toujours à pied le quartier des institutions européennes par les allées de la Roberstau et le parc de l’Orangerie. Strasbourg, bien plus que Paris est organisé pour les circulations douces, piétonnes et cyclistes, et c’est bien agréable. J’ai vu des cigognes nichant dans le parc, oui, nous sommes bien en Alsace, puis le vol d’un couple de cygnes, majestueux, au-dessus du canal.
J’ai rejoint le Centre Saint Thomas où se tenaient les Journées. C’est un lieu idéal, à dix minutes de tram du centre de Strasbourg mais offrant, avec son immense parc, une atmosphère campagnarde surprenante si près du cœur de la ville. La réunion en un même lieu des salles, de l’hébergement, du parc pour s’aérer entre conférences et ateliers, voire pour picorer des cerises, est évidemment favorable au plaisir des rencontres amicales et de la convivialité, ce qui est aussi un des intérêts des Journées au-delà de leur intérêt intellectuel. Pour ce qui est de moi, n’était présent cette année aucun des ami-e-s issus de ma blogosphère, avec qui se sont créés ces relations fortes, intimes, nées du virtuel mais qui ensuite deviennent bien réelles. J’y étais donc en posture affective plus distanciée que certaines autres années où j’y avais certains battements de cœur dont je ne peux manquer d’avoir un peu de nostalgie…
Globalement j’ai trouvé que
cette édition des Journées était un bon cru. C’est la dimension internationale
surtout qui m’a enrichi et stimulé. Par exemple le vendredi soir nous avons eu
droit à une lecture croisée de textes issus du fond de l’APA et du fond
similaire, mais de l’autre côté du Rhin, du Deutsche Tagebuch Archiv. C’était
passionnant d’entendre en parallèle, quasiment en miroir des textes par exemple
de prisonniers de guerre de l’un et l’autre camp ou des histoires d’amitié ou
d’amour transnationales, disant beaucoup de l’image que chacun se fait de
l’autre. J’ai beaucoup aimé aussi l’atelier auquel j’ai participé dans lequel
était présenté le travail de l’Archivio de Pieve San Stefano, équivalent
italien de l’APA et sa revue, Prima Persona, de conception très différente de
notre Faute à Rousseau.
La conférence de Vassilis
Alexakis qui devait parler de son rapport aux langues, la maternelle, la ou les
langues d’écriture m’a, par contre, plutôt déçue. C’est plutôt le personnage et
son brillant je m’en foutisme qui m’ont agacé en fait. Il n’avait strictement rien
préparé et s’est lancé dans des généralités banales ou fumeuses sur la question,
manifestant ainsi malgré son brio et son humour un mépris certain pour son
public. C’est d’autant plus dommage qu’il a montré ensuite dans la discussion à
partir de questions précises qu’il avait des choses intéressantes à dire. Il
nous a raconté notamment comment il s’était lancé tout seul dans son coin dans
l’étude d’une langue africaine rare et comment il avait construit le roman de
cet apprentissage et de la découverte du pays, effectuée ensuite par lui dans
la réalité. Cette façon de vivre ce qu’il avait écrit plutôt que de raconter ce
qu’il aurait vécu pose de façon vertigineuse le rapport entre la vie et
l’écriture et réciproquement et c’était là un thème qu’il aurait été
passionnant de creuser au-delà des formules.
Le dimanche après-midi une table ronde a réuni des partenaires de divers pays d’Europe présentant les réalisations ou les projets de collectes autobiographiques et d’animations autour d’elles dans leur différents pays. Les façons de faire sont très différentes et n’ont pas à se calquer les unes sur les autres mais il y avait un véritable enthousiasme derrière ces échanges, une envie de partager certaines réalisations concrètes comme peuvent l’être déjà ces lectures croisées entre la France et l’Allemagne ou le travail fait par des lycéens de différents pays dans le cadre de la journée annuelle de l’autobiographie à l’école développée dans l’académie d’Aix-Marseille. Une vraie façon d’être européen dans le concret, une vraie joie à l’être !
Enfin le lundi, pour ceux qui pouvaient rester et dont j’étais, a été organisée une visite à Emmendiggen, à moins d’une centaine de kilomètres de Strasbourg et où est le siège du Deutsche Tagebuch Archiv, très magnifiquement installé dans l’ancien hôtel de ville. C’était un plaisir après avoir traversé le pont qui unit de se trouver « à l’étranger », dans une ambiance malgré tout bien différente et de s’attarder un moment après la visite sur des terrasses ensoleillées avant que le car ne nous reprennent pour nous ramener à la gare de Strasbourg et à nos TGV. Cette petite escapade supplémentaire donnait à ces Journées un sérieux avant-goût de vacances…