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Les échos de Valclair
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24 mars 2009

"Le temps des amoureuses"

J’ai vu « Mes petites amoureuses » de Jean Eustache, il y a fort longtemps, au moment de sa sortie. Je ne m’en souviens évidemment pas bien, aucune image directe ne m’en remonte. Mais je sais que j’avais beaucoup aimé, je sais que ce film a laissé trace en moi même si ce n’est pas une trace précise. Je l’avais beaucoup plus apprécié en tout cas que « La maman et la putain », l’opus le plus connu et le plus célébré d’Eustache. « Mes petites amoureuses », moins sophistiqué, moins bavard, moins intello m’avait paru beaucoup plus vrai, il m’avait beaucoup plus ému, sans doute aussi parce qu’il faisait plus directement écho à des affects que j’avais pu connaître en tant qu’adolescent malgré un contexte complètement différent.

J’ai donc été voir l’autre jour avec beaucoup de curiosité « Le temps des amoureuses », un film de Henri-François Imbert, né de sa rencontre de hasard avec un homme, Hilaire Arasa, qui trente ans plus tôt jouait l’un des adolescents du film d’Eustache.

Imbert est coutumier d’une forme de documentaire très particulière dans laquelle il s’implique lui-même avec sa propre histoire et ses propres souvenirs. Il raconte comment il se cherche et se construit lui même au travers des enquêtes qu’il conduit pour ses films. J’avais beaucoup aimé certains de ses précédents films, notamment « Doulaye, une saison des pluies »

Peu à peu, par de multiples rencontres étalées sur plusieurs années Imbert se lie de façon de plus en plus amicale et profonde avec Hilaire, il retrouve d’autres protagonistes du film et retourne sur les lieux où celui-ci a été filmé. Il monte ensuite le récit de cette enquête en la ponctuant par des photos de tournage prises pendant la réalisation du film d’Eustache.

Ce film n’est pas sans défaut. Il est parfois un peu ennuyeux, notamment au début, où la mise en place me parait assez laborieuse (mais peut-être le fallait-il pour rendre compte du caractère laborieux, hasardeux de l’enquête elle-même) mais il est passionnant par la façon dont il tresse le passé avec le présent, l’histoire individuelle et l’histoire collective. Car ce retour sur tournage est aussi et surtout une réflexion sur les effets que la rencontre avec le cinéaste et la brève expérience vécue par les adolescents à ce moment là ont eu sur leur vie, spécialement sur celle d’Hilaire qui remarque qu’il n’y a pratiquement pas de jour depuis cette rencontre où il n’y ait pensé d’une façon ou d’une autre. L’Hilaire d’aujourd'hui, éducateur travaillant avec des adolescents difficiles (tiens, comme par hasard !), compositeur de musique et chanteur à ses heures, jeune grand-père, est sorti aussi de cette expérience, il en a conscience et c’est sans doute ce qui explique la grande implication avec laquelle il rentre dans le projet d’Imbert. Le cinéaste et son principal personnage cocréent le film mais aussi se créent eux-mêmes à travers ce dialogue du passé et du présent. Ainsi la séquence intercalée qui montre Imbert enfant lui-même à partir d’une vieille vidéo d’une classe de neige ne paraît pas du tout gratuite.

Le film se termine sur une séquence dans laquelle on voit Hilaire dans la Maison d’enfants dont il a la charge en Cerdagne avec des adolescentes d’aujourd'hui, les images et les propos font à la fois violemment contraste avec celles des adolescents du temps d’Eustache et en même temps font continuité et élargissent le propos d’une quête individuelle à un regard sur les évolutions de la jeunesse, elles-mêmes reflets des évolutions de la société.

Du coup j’ai pensé moi aux ados de « Entre les murs ». Un des aspects les plus intéressants de ce film par ailleurs contesté, est la façon dont il a été fait en associant dans un travail d’assez long cours des adolescents et des personnels d’un collège au projet et à la réalisation du film. Au-delà des effets immédiats je suis sûr que ces adolescents en seront marqués. Et je me prenais en voyant « Le temps des amoureuses » à penser au film qu’un autre Henri-François Imbert pourrait en faire dans trente ans.

C’est un petit film forcément fragile, précaire, qui restera bien peu de temps en salle, qui risque fort de passer très inaperçu et c’est pourquoi, plus que sur d’autres films plus facilement séduisants et plus assurés de trouver un public, j’ai eu envie de faire ce billet.

Et j’ai aussi surtout très envie de revoir « Mes petites amoureuses ».


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Commentaires
V
Ah et bien alors je vois très bien, nouvelle Camille. Donc confirmation de bienvenue!
C
....demande à notre cher pierre ;-)<br /> <br /> et ton dernier com' chez lui, justement, me rappelle de nouveau mon amoureux de 'mes petites amoureuses'!<br /> <br /> trop mignon ;-) car j'y lis aussi ce qui te tourmentait tant avant ton *intervention*.....<br /> <br /> ah, la *liberté*.....quelle titilleuse!
V
Tiens, Camille?! Celle qui fut miniquiche dont j'ai perdu les coordonnées dans un crash d'ordinateur? Si c'est le cas bon retour par ici...<br /> Et si c'est une autre, bienvenue...
C
....une copie de "mes petites amoureuses"....c'était LE film d'un homme de ma vie<br /> <br /> la façon dont tu en parles fait écho à la sienne<br /> <br /> très toublant<br /> <br /> bonne journée<br /> <br /> ps: je m'attendais à ce qu'il y ait des com' sur ce billet.....c'est d'autant plus troublant pour moi
Les échos de Valclair
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