Jeunesse de l'âge
Le week-end dernier j’ai été acheter un ordinateur pour mon père et je lui ai installé.
Ça faisait un moment qu’on en discutait. Il était réticent, se disant qu’il n’y comprenait rien et qu’il ne se voyait pas trop se lancer là-dedans à quatre vingt quatre ans.
Nous le poussions quant à nous, un peu agacé à la longue de devoir gérer de chez nous les photos numériques qu’il ramène de ses voyages, d’aller chercher pour lui sur internet les résultats de ses classements de bridge, voire de lui rapatrier des courriers transmis par mail mais adressés chez nous .
Depuis un mois à peu près il était décidé. A partir de ce moment il n’a eu de cesse que nous n’allions faire cet achat. A peine celui-ci déballé le voici tout frétillant de s’y essayer comme un gamin découvrant un nouveau jouet. Et depuis, chaque jour, il fait ses petits exercices, s’exerçant à couper, copier, coller, à créer des dossiers et à ranger ses photos dedans, s’entraînant au maniement de la souris et du clavier (lui qui n’a jamais touché une machine à écrire étant d’une génération où le plus moyen des cadres avait forcément une secrétaire pour saisir textes et courriers). Il est convenu que je vienne passer avec lui deux-trois heures chaque semaine pour piloter son apprentissage et j’ai commencé à rédiger un fichier aide mémoire que j’ai appelé le b.a. ba du b.a. ba. Pour l’instant internet n’est pas encore installé, nous attendons la « box » mais il a déjà de quoi faire.
Je prends un grand plaisir à l’accompagner dans cette découverte. C’est le plaisir, tout simple, d’une agréable relation filiale mais celui aussi, plus rare, d’être en présence de quelqu’un dont l’âge n’a pas émoussé la vitalité et auquel, les années passant, j’aimerais ressembler.
C’est un peu ce récent billet d’Alain qui m’a donné envie d’écrire celui-ci. Je partage tout à fait ce qu’il dit quant aux ravages du « jeunisme », de cette obsession à paraître plus jeune que l’on est, de la survalorisation des valeurs (supposées) de la jeunesse et des tentatives pour les reprendre à son compte, le plus souvent en les singeant de façon minable.
Mais pour autant, par rapport à tant de gens qui en vieillissant se caparaçonnent dans ce qu’ils ont été et dans leurs certitudes, qui ne ressentent plus aucun attrait pour la nouveauté, qui deviennent blasés ou cyniques, qui n’ont plus vraiment d’envies mais laissent juste couler les jours, il me semble heureux de voir des gens qui gardent intacts certaines des qualités de fraîcheur, d’enthousiasme et même de naïveté, associées le plus souvent à la jeunesse.
Etre de son âge, oui, résolument, avec ce que l’expérience peut amener (parfois !) de sagesse, mais en gardant tout de même quelquechose de la jeunesse et même, au-delà, pourquoi pas, quelquechose de l’esprit d’enfance.