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Les échos de Valclair
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23 août 2010

Et donc...

Alors, si je regarde d’un peu plus loin cette semaine qu’en dirais-je ?

J’ai pris du plaisir à découvrir cette ville, son ambiance, une partie des trésors artistiques qu’elle recèle. J’ai été content de le faire en partie avec mes fils, c’est une forme de réunion familiale peu habituelle et sympathique de se retrouver pour partager des découvertes plutôt que pour un simple repas. Mais j’ai ressenti aussi souvent de la lassitude. Peut-être est-ce aussi qu’on a voulu un peu trop en faire. J’ai eu souvent les pieds recrus, on a trop marché, l’asphalte des rues et le piétinement dans les musées, c’est bien plus fatiguant que de crapahuter sur les chemins de montagne ! J’ai l’impression que je suis de moins en moins à l’aise dans ce tourisme de touriste, où on accumule les visites sans répit, comme s’il fallait à tout prix rentabiliser le temps. On consomme de la culture comme on consomme le reste. Au bout d’un moment, trop c’est trop. Il y faut des moments de respiration et de répit, et même de silence en soi, ce à quoi ne suffisent pas les temps passés aux terrasses des cafés ou des restaurants.

Ça me fait penser à cette façon de s’exprimer que je déteste quand on dit: on a « fait » Berlin, comme l’an prochain on pourrait « faire » le Mexique où les Îles Machintrucs !

Il faut dire que les conditions de notre hébergement, correctes mais dans un lieu froid, sans contact, où l’on n’avait aucune envie de paresser, nous poussait dehors du matin jusqu’au soir. Peut-être avais-je espéré voir de plus près la vie de fiston, passer une soirée dans son appartement, entrer un peu plus dans sa vie berlinoise, mais elle de fait trop récente pour qu’il ait eu le temps d’y entrer lui-même suffisamment pour nous la faire découvrir. Il n’est qu’un étudiant posé là pour une très brève période et n’a encore que peu de contacts locaux véritables. Et de plus les conditions météo le plus souvent médiocres ne nous ont pas permis de badauder autant qu’on l’aurait voulu ou d’aller en randonnée à l’extérieur au bord des lacs ou dans les forêts et ont contribué à prolonger nos visites dans les musées peut-être un peu plus qu’on aurait voulu.

Berlin n’est pas à proprement parler une belle ville. Si l’on monte sur un quelconque observatoire (la coupole de la Franzosischer Kirche pour nous, on ne voit à l’infini que la platitude des toits d’où émergent de loin en loin les dômes des églises, assez similaires les uns aux autres, quelques bâtiments modernes à l’architecture plus ambitieuse (le Reichstag, le Sony center) et l’inévitable tour de la télévision au-dessus d’Alexanderplatz. Les distances entre les lieux sont considérables, plus d’une fois on s’est fait piéger en se disant « bof ce n’est qu’à deux-trois stations de métro, on ne va tout de même pas prendre le métro pour ça ». La solennité et la lourdeur de la plupart des bâtiments historiques, des églises, des musées, la largeur des avenues et des places, n’ont rien de bien attrayant et sont même plutôt écrasant. La volonté impériale prussienne et le stalinisme, de ce point de vue là ce sont donnés la main par dessus les années. Bien entendu il y a hors de la zone le plus centrale mille exemples d’architectures plus intéressantes, que ce soit quelques restes de la Prusse du 18°, des constructions Art-nouveau du début du 20°, ou des réalisations architecturales récentes, souvent très belles et articulées de façon heureuse à l’histoire de la ville.

Cela dit c’est évidemment une ville très intéressante de par son histoire et par tout ce qui s’y est accumulé. Et c’est sûrement une ville où il fait bon vivre, grâce à ses parcs, à sa circulation fluide où le vélo peut avoir la part belle, à la multiplicité de ses terrasses et de ses lieux conviviaux, à une créativité que l’on sent très présente. On a l’impression aussi d’un melting-pot entre les habitants qui prend mieux que dans nos villes françaises. Kreutzberg où vit fiston compte manifestement une très importante communauté turque, majoritaire dans certains immeubles, mais c’est aussi un quartier branché, jeune, mêlé et même assez bobo dans certains de ces secteurs, mais tout ça semble plutôt bien cohabiter, on n’a pas l’impression qu’il y a des zones quasi ghettoïsées comme certaines de nos cités de banlieue.

J’aime accompagner mes voyages de lectures ayant un rapport avec le lieu où je suis. J’ai lu le magnifique mais absolument terrifiant « Seul dans Berlin » de Hans Fallada, écrit au lendemain de la guerre. Il évoque la vie à Berlin entre 1940 et 1942. On y voit vivre les habitants d’un immeuble modeste, avec leurs personnages variés, du nazi convaincu, à la vieille dame juive, du petit trafiquant-indicateur au couple plein de droiture qui, après la mort d’un fils au front, se lance dans une entreprise d’opposition solitaire au nazisme, à la fois totalement dérisoire et vouée à l’échec mais d’une absolue détermination et rigueur morale. Le livre montre le totalitarisme nazi en action, détaille tous les moyens mis en œuvre pour découvrir le couple d’opposants, pour briser toute opposition, pour susciter la suspicion et la haine et pour casser les êtres aussi bien physiquement que moralement. C’est une constante descente aux enfers mais d’où émerge les figures lumineuses de différentes sortes de justes qui, bien qu’impitoyablement éliminés, témoignent pour l’humanité et peuvent laisser espérer un renouveau après la barbarie absolue.

Bref ce fut une semaine riche et plaisante dans l’ensemble mais qui, pour moi du moins, n’a pas eu l’intensité de certains autres voyages et a comporté certains moments de malaise.

Hier soir j’ai renoué avec les salles obscures. Je me suis offert un film drôle, plaisant, délicieusement caustique comme savent le faire les anglais, Tamara Drewe.

C’est ce qu’il me fallait pour me mettre en condition avant de reprendre le boulot ce matin. J’y pars détendu et l’esprit relativement léger, c’est bien ça, en avant pour cette dernière année, avec encore un peu de cœur à l’ouvrage. Comme quoi mon interruption estivale même si elle a été atypique et non dénuée de soucis m’a tout de même bien regonflé.

 

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Quelques images encore, centrées cette fois sur la modernité architecturale du nouveau Berlin... Et en terminant par la rencontre des traces du mur et des immeubles de la Postadmer Platz

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Commentaires
V
Sûrement, Ondine, qu'il y a un effet Berlin en ce moment. Gilda notait ça déjà il y a quelques jours. Et le fiston qui avait des possibilités de stage dans diverses villes européennes a fait des pieds et des mains pour être pris à Berlin, ce n'est pas un hasard.<br /> <br /> Je viens de terminer "Seul dans Berlin", Dasola, les dernières pages ouvrent sur un peu d'espoir mais sinon c'est en effet un livre terriblement éprouvant mais magnifique aussi. J'ignorais totalement cet auteur, j'ai acheté le bouquin juste avant départ à la lecture de la 4° de couverture. <br /> Quant à Tamara Drewe d'accord avec toi, mais n'empêche c'est un film plaisant, rafraîchissant.
D
Bonjour Valclair, j'ai visité 3 jours Berlin en 2006 au mois de septembre: j'avais bénéficié d'un temps idyllique. J'avais beaucoup marché, flâné, badauder (quel joli terme). J'avais trouvé Berlin idéale pour les cyclistes et les piétons. J'avais trouvé les Berlinois rencontrés sympathiques. Un bon souvenir. Seul dans Berlin est en effet un roman? récit éprouvant. Quant à Tamara Drewe, ce n'est pas le meilleur film de Stephen Frears. Bonne reprise.
O
Berlin semble « la » destination cette année, comme la Turquie (ou je connais tous ceux qui s'y rendent). N'empêche, en tant qu'artiste, la ville me fait encore envie. La prochaine fois que je serai en Europe si tout va bien...
V
Oui, Alain, ou plutôt je dirais que point trop n'en faut, qu'il faut que les visites s'équilibrent avec des rencontres locales et un minimum d'insertion dans la vie quotidienne, ce qui là a un peu manqué. <br /> <br /> Merci du lien, Nuages, j'ai revu tes photos avec plaisir. Check Point Charlie a beaucoup changé, c'est maintenant un must du visiteur, avec figurants en costume soviétique et américain à côté desquels les touristes peuvent se faire prendre en photo!
N
Merci pour ce récit de voyage urbain. Un voyage très culturel et muséal, avec ses avantages et ses inconvénients.<br /> J'avais fait un séjour solitaire et actif à Berlin en 1999, marchant sans relâche dans la ville, fasciné par la diversité des quartiers et les empreintes de l'histoire et des régimes successifs.<br /> <br /> Il y en a un témoignage photographique sur mon blog, qui commence sur cette page :<br /> <br /> http://nuages.skynetblogs.be/index-29.html<br /> <br /> et qui se poursuit sur la page suivante.<br /> <br /> Amitiés, Valclair !
Les échos de Valclair
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