En train
Décidément j’aime les
voyages en train !
Je viens de prendre ma
place. Me voici dans le petit cocon rassurant qui me mènera à bon port. C’est
le moment de la détente après la tension qui inévitablement aura précédé. Je
suis de plus en plus anxieux avant de partir en voyage, fut-ce le plus
banal : peur d’être en retard, peur des aléas des transports jusqu’à la
gare, peur d’avoir oublié quelque chose, des papiers importants ou mon billet…
Cette anxiété d’avant voyage me fait avoir une pensée tendre pour ma
grand-mère, je me souviens comme je me moquais gentiment d’elle lorsque j’étais
ado devant ses anxiétés d’avant départ et voici que je tends à devenir comme
elle !
J’ai bouclé ma demi-journée
de travail au bureau dans la précipitation, je suis passé déjeuner à la va-vite
à la maison, j’ai enfourné mes affaires dans mon sac, pris un bus à la
progression hachée dans une circulation difficile à cause d’une pluie battante
et malgré tout je suis arrivé à la gare avant la mise en place du train !
Et nous voici parti. Nous filons plein sud. Et déjà la banlieue laisse place à
de vastes et tristes étendues d’open-field sous un ciel uniformément bas.
Je vais passer la fin de
semaine dans le midi pour une énième série de rendez-vous avec les entreprises
qui interviennent dans la rénovation de ma maison de là-bas. Mais en chemin je
fais étape à Nîmes pour passer une soirée avec une amie chère.
Bien mieux que lorsqu’on
voyage en voiture où l’on est forcément accaparé par l’attention à porter à la
route, on profite lorsqu’on voyage seul en train d’une extrême disponibilité
d’esprit. Elle nous permet de ressentir bien mieux les basculements entre les
divers aspects de notre vie et de mieux en jouir : harassé de coups de
téléphone professionnel ce matin, dans le sas cet après-midi, chez l’amie chère
ce soir, dans les préoccupations du chantier demain.
Pour l’heure j’ai ce loisir
d’écrire. Tout en me demandant si je ne répète pas : car ces impressions
sur l’effet sas du train il me semble bien que je les ai déjà tenues, à peu de
mots près à d’autres moments : ça c’est le risque du journal, ce côté
éventuellement fastidieux et répétitif pour l’hypothétique lecteur.
J’en profite en tout cas
pour remonter un peu la bobinette du temps. J’avais envie d’écrire sur mon
précédent week-end dans la continuité du moment vécu mais n’en ai pas eu le
temps, alors ce sera maintenant même si c’est un peu du réchauffé !
J’écris sur la manif de samedi dernier. J’écris sur ma visite au Macval
dimanche.
J’écris mais je lis aussi. Entre
deux paragraphes déposés dans mon cahier j’avale des chapitres de la Trilogie
new-yorkaise de Paul Auster, je suis dans le premier opus, « Les cités de
verre », jeux vertigineux des identités, un autre voyage…
Et je regarde les paysages
qui se succèdent…
Collines très vertes, bois
et prairies ponctués par les tâches blanches des charolais, gros nuages très
noirs et très mouvants mais au milieu desquels s’ouvrent quelques déchirures de
bleu…
Un escarpement vif à la
droite du train, un village groupé dans les vignes, un soleil frais entre des
nuages de plus en plus dispersés, j’ai cru reconnaître la Roche de Solutré…
Ciel largement bleu
maintenant sur un paysage ouvert, ondulations douces filant vers la vallée du
Rhône et au-delà vers les pentes plus raides de l’Ardèche, exploitations
fruitières, maisons blanches ou ocres, peu à peu le paysage se méridionalise…
Apreté des collines aux
sommets buissonneux, dans les cuvettes entre les reliefs, peupliers et cyprès
et moutonnement de vignes, le ciel est complètement bleu maintenant, ourlé
seulement au loin de quelques bancs laiteux. Je suis arrivé !