Comme une désertification...
Hier, clic, juste un petit clic comme ça, comme il m’arrive de le faire sur un lien de ma blogoliste, indépendamment des nouvelles que me donne mon agrégateur, un clic sur le lien de mon amie Telle…
Aïe ! le message redouté était là, est là : « la page demandée n’existe plus ou n’est plus disponible ».
Bien sûr je m’y attendais un jour ou l’autre. Lorsqu’elle a arrêté son blog il y a quelques semaines, Telle avait annoncé qu’elle laisserait les archives quelque temps puis qu’elle effacerait tout. Je savais que le blog n’était plus alimenté, qu’il ne le serait plus, qu’il ne s’agissait pas d’une pause. Et je savais que l’effacement général viendrait. C’est fait. Ça ne m’étonne pas de la part de Telle qui n’est pas une personne qui fait les choses à moitié.
Bien sûr je ne passais pas mon temps à aller me promener dans ses archives. N’empêche c’était là, à portée. Une présence. Alors ce massage d’absence irrémédiable, c’est comme un arrachement, comme un petit deuil.
C’est un peu comme pour un livre que l’on a dans sa bibliothèque, que l’on a lu et que sans doute on ne relira jamais, mais dont on répugne à se séparer. Il est là, son titre de temps en temps nous fait de l’œil quand il passe dans le champ de vision de notre regard. On ne l’ouvre pas mais il nous suffit de savoir que, s’il nous prenait l’envie de le faire, ce serait possible, il n’y aurait qu’à tendre la main.
Ce qu’a écrit Telle, les échanges qui ont eu lieu autour de ses mots ne sont pas détruits. Tout ça existe toujours, j’imagine, sur le disque dur de son ordinateur ou sur un cd ou encore dans les archives de l’internet à la BNF (Telle fait partie des personnes qui ont contribué à cette collecte des blogs), mais en tout cas ça n’existe plus pour moi directement, comme à moi spécialement adressé, comme lorsque c’était présent à ma main, accessible d’un simple clic.
Alors, oui, c’est un pas de plus dans la désertification de « notre » blogosphère.
Ils sont nombreux celles, ceux, qui se sont retirés, soit en cessant tout à fait d’écrire en ligne, soit en le faisant de façon si rare que c’est presque tout comme, soit de façon plus radicale, en s’effaçant comme vient de le faire Telle.
D’autres blogueurs sont apparus qui n’écrivent pas moins bien, qui ne sont pas moins intéressants, pas moins riches humainement. Il en est certains que je lis avec grand intérêt, certains que j’ai rencontré avec plaisir, créant de nouvelles amitiés.
Mais ce n’est pas pareil. Il s’était constitué parmi ces « anciens » quelque chose qui n’était certes pas une communauté mais tout de même comme une sorte de cercle rattaché par ce lien fort qui était le sentiment de vivre à travers cette mise en ligne de soi et des rencontres qui en résultaient quelque chose de neuf et d’un peu exceptionnel.
Il y a eu banalisation de tout ça. Rencontrer quelqu’un croisé d’abord dans la blogosphère est devenu courant et n’est plus chargé d’une émotion particulière, ce n’est pas plus rare que de rencontrer quelqu’un chez des amis, à travers son travail ou dans une activité sociale classique.
Certes ça reste une rencontre qui, du fait de ce que chacun connaît ou devine de l’autre d’emblée à travers les écrits lus en amont de la mise en présence réelle, permet de passer ou de raccourcir la phase des échanges purement superficiels de la convivialité habituelle.
Mais nous avons pris l’habitude de ce type de rencontre, nous ne ressentons plus cette excitation des premiers temps qui les plaçait d’emblée dans un registre de forte affectivité et impactait durablement la relation ensuite.
Je garde un souvenir extrêmement vif et toujours chargé d’émotion de ces premières fois d’avant, ma toute première rencontre d’une diariste en ligne, mon premier voyage vers une inconnue de la toile, mon premier débarquement au profond des Ardennes pour participer à l’atelier d’écriture de Coumarine, un autre premier voyage si pluvieux, si heureux, sur les hauts plateaux du Massif central vers une lectrice et correspondante des tous premiers temps. Ou encore vers un Toulouse-carnet très personnel qui fut une première qui a compté pour celle que j’y rencontrais ou vers ce fameux « someone carnet » dont l’intensité affective fut extrême et qui reste, je le parierai, pour ceux qui l’ont vécu, comme une sorte de moment parfait de nos blogovies.
Et naturellement je repense aussi, aujourd'hui particulièrement, à ce moment où j’ai aperçu, deviné, reconnu Telle et son charmant bambin aux portes du Parc Montsouris, par un jour venteux et froid et néanmoins printanier de cœur.