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Les échos de Valclair
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25 mai 2009

Un week-end très (trop?) encombré

Ce week-end était étrange, chahuté, avec de bons moments mais aussi des vagues d’angoisse profondes. Peut-être ai-je justement rempli mon week-end avec frénésie pour contrebalancer ces sourdes angoisses qui planaient.

Mon envie aurait été de partir, une envie qui me taraude cette année plus que d’autres printemps, envie de mer, envie de Bretagne en particulier, de sa lumière, de l’océan, de sa puissance, de ses marées, de cette respiration qui d’emblée nous met en lien avec un souffle essentiel.

Je travaillais vendredi (il faut bien que je travaille un peu !), alors, cette option départ était fermée, notre week-end forcément serait parisien.

Jeudi tout de même nous avons été marcher à Fontainebleau, cinq bonnes heures dans la forêt, plus la visite de la collégiale Saint Mathurin de Larchant, avec sa nef et sa haute tour ruinée mais aussi sa partie préservée, en particulier la superbe Chapelle de la Vierge à la belle élévation gothique. J’ai eu le lendemain quelques légères courbatures, signe que vraiment je ne marche plus assez. Les acacias au rebord de la forêt était en pleine floraison et embaumait délicieusement : nous avons ramené une brassée de fleurs dont on a fait le lendemain des beignets au goût léger et subtil. La lumière pendant la promenade n’était pas très belle et on a pris en milieu de journée une bonne averse orageuse mais n’empêche, c’était bien, il me faut renouer plus fréquemment avec les randonnées, elles me font du bien.

Vendredi était la journée la plus éclatante du point de vue de la météo. Quel ciel, quel pureté de bleu comme on en voit rarement à Paris. Le regarder depuis les fenêtres du bureau me serrait le cœur. En sortant j’ai été à la BNF Richelieu voir l’exposition « Controverses, Photographies à histoire », passionnante sur le statut de l’image dans la société. Mais j’ai fait une heure et demi de queues, queue dans la cour, queue à la billetterie, queue à l’entrée de la salle. Il le fallait pour qu’ensuite la visite puisse s’effectuer dans des conditions à peu près correctes, en pouvant accéder d’assez près aux photos et aux cartels d’explication sur les questions que ces images avaient posées. Mais dans la queue je me demandais vraiment ce que je fichais là, mouton parmi les moutons. Qu’allais-je chercher vraiment ? Et je repensais aux rythmes de la mer, à mes envies d’espace et de grand large, tellement plus essentielles…

Samedi a mal démarré, par un réveil intempestif en milieu de nuit sur des méchants cauchemars, je me suis senti envahi de pensées mauvaises, envahi d’angoisse comme cela arrive parfois paradoxalement face à mon temps libre, avec cette peur de me sentir sans ressort, ayant la pensée de quantités de choses à faire et la crainte de ne parvenir à me mettre vraiment à rien parce que rien ne me paraît faire vraiment sens, c’est l’angoisse de l’acédie (un peu savant le mot ! Mais il dit bien ce qu’il veut dire, pour évoquer cette sorte de paresse de l’âme qui parfois nous saisit et nous paralyse. J’avais découvert le mot lors de la fameuse exposition sur la Mélancolie au Grand Palais, il me parle ce mot, même si je n’y mets pas les connotations proprement religieuses qui sont les siennes).

Je me suis secoué et j’ai secoué un peu Constance, et nous avons été ensemble à l’excellente exposition Tati. Du coup j’ai envie de revoir à nouveau ses films. Certains d’entre eux lors de visions précédentes m’avaient un peu déçu, m’avaient paru vieillis, presque ennuyeux, mais je crois que je les reverrai encore différemment aujourd'hui en m’attachant plus attentivement à toutes les perles burlesques qu’ils recèlent et aussi à ce qu’ils nous disaient, il y a déjà longtemps, d’une certaine modernité déshumanisante.

En soirée j’étais invité à assister à un chantier théâtral à Vitry autour d’un auteur que je ne connaissais pas, Philippe Malone. Là aussi il a fallu que je me booste pour y aller mais je n’ai pas regretté. Ce sont des amis lyonnais qui officiaient, ceux-là même qui avaient donné un Berg et Beck auquel j’avais assisté lors de mon récent week-end dans la région. C’est un concept assez intéressant que cette ouverture au public de chantiers en train de se faire, ça nous sort de la pure consommation. On a pu participer dans une ambiance conviviale, dans le jardin d’un pavillon mitoyen du théâtre, a une riche discussion sur le travail en cours. La lecture par Malone lui même de son texte « Septembres » était impressionnante. La présentation de « III » m’a paru moins convaincante : il y avait une certaine gêne des acteurs face à un texte qu’ils ne connaissaient pas suffisamment (il était lu, mais ça c’était normal, attendu, s’agissant d’un work in progress). Mais, même si tous lisaient, la différence entre les acteurs était patente, certains paraissaient investis du texte, d’autres vraiment pas du tout. C’est là qu’on réalise à quel point c’est l’acteur qui donne de la force à un spectacle (comme à un film d’ailleurs), c’est lui qui fait que ça passe ou pas, que ça s’incarne ou pas. Et puis le texte lui-même m’a paru plus faible. Transposer Richard III à notre époque, faire du tyran torturé de Shakespeare un grand capitaliste de l’ère de la mondialisation et que le drame se termine dans le sang de la révolution, c’est un procédé assez banal et qui joue de caricatures un peu faciles.

Dimanche, hier, le temps est devenu quasi estival, avec de la vraie chaleur, pas encore étouffante, mais qui évoque vraiment l’été, qui permet qu’on s’habille en chemisette et shorts. Nous allions déjeuner chez ma belle sœur. Nous y sommes allés en vélo, c’était un plaisir, cette excursion au long de la coulée verte (enfin à peu près verte !) jusqu’aux abords du parc de Sceaux où elle habite.

Au retour, sur ma terrasse où le chèvrefeuille est en pleine floraison, je me suis laissé emporter par les pages d’un roman. J’attaque « La ballade de l’impossible » de Murakami, on y retrouve quelquechose de l’ambiance doucement mélancolique de « Au sud de la frontière, à l’est du soleil » que j’avais adoré mais je suis à priori moins convaincu. Ce livre ci me paraît plus lent, plus étiré, ou est-ce simplement que, retrouvant la même tonalité que dans « Au sud », je n’ai plus cette fois le vif plaisir de la découverte d’un ton et d’un style que je ne connaissais pas.

Donc j’ai occupé l’espace, j’ai occupé le temps. Je ne l’ai pas mal occupé et j’aurais mauvaise grâce à me plaindre. N’empêche revenait sans cesse me tarauder la question du sens et de ma place dans tout cela.

Voyant mes amis lyonnais je me disais qu’ils n’avaient pas, eux, hésité à rompre avec des quotidiens professionnels sans relief pour s’engager dans des aventures créatives, plus précaires, plus risquées, mais plus passionnées, plus conformes à ce qu’ils étaient en profondeur et à travers laquelle, par les thèmes, les sujets qu’ils choisissent, par le rapport aux autres qu’ils entretiennent, ils peuvent continuer à se sentir fidèles aux valeurs de nos années militantes. J’ai eu aussi des bouffées de dégoût par rapport à mes écritures, comme une rage par rapport à ce que j’écris, trop tourné sur moi-même, comme une rage par rapport à tous ces blogs que je lis, qui à la fois me passionnent et me ramènent trop vers mon propre nombril.

C’étaient des vagues, passant et se retirant. Je ne vais pas abandonner mes écritures sur un coup de tête. Elles sont bien trop chevillées en moi. Je sais très bien tout ce que le blogomonde et l’écriture m’apportent. Et d’ailleurs me voici de nouveau là, j’ai remis le nez dans mes blogamis avec plaisir, j’ai repris le clavier et écrit cette longue note, en partie hier soir déjà, en partie ce soir, mais sans pouvoir empêcher que toujours il y ait ces ombres.

Toutes sont liées naturellement. Et sont récurrentes. Je sais très bien que la vie ne repasse pas les plats, que vouloir reprendre le film n’a aucun sens, que regretter et tourner et retourner ces mauvaises pensées n’amène rien. Mais je sais aussi qu’il n’y a pas d’éponge magique pour les effacer. Et je ne peux empêcher que parfois, trop souvent, elles m’envahissent, polluent mon paysage, empêchent mes plaisirs et mes bonheurs d’être sans mélange.

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Commentaires
V
Je connais très peu Malone que je viens juste de découvrir. Fasciné par Septembres lu par lui, moins par III mais, vous avez raison , il me faut peut-être y revenir.<br /> Content d'avoir découvert votre blog du coup, en plus de ce que vous dites de Malone j'ai lu quelques critiques cinéma, je partage ou pas, mais j'aime bien votre ton. J'y reviendrai...<br /> Bienvenue ici, Anne
A
Philippe Malone et Murakami dans le même message, voilà qui titille la curiosité. Je vous conseille vivement de lire III de P. Malone en entier, un texte magnifique et puissant, d'une poésie noire et ravageuse. Et puis de vous plonger dans l'Entretien, autre très grand texte de Malone. <br /> Je n'ai pas lu ces deux Murakami dont vous parlez, mais je vous conseille avec des petits bonds de joie les Chroniques de l'oiseau à ressort et Le Passage de la nuit. Et une bonne soirée à vous.
V
Oui, Valclair, à bien y réfléchir, c'est tout à fait exact.
V
Ah ça Marie! Je n'avais pas fait le lien: acédie "assez dit"... Pas mal vu ça. Dis je sens qu'on va faire de toi une psy lacanienne!<br /> Cela dit, plaisanterie à part, ce que tu dis touche sûrement à des choses importantes. Mon titre le reflétait d'ailleurs, avec ce terme d'encombré comme avec le trop interrogatif. Oui bien sûr il y a de la fuite dans l'activisme mais ce n'est pas mieux non plus de tourner en rond avec ces interrogations existentielles. Comme pour tout je crois que là encore c'est une question d'équilibre, il faut le temps de l'action et il faut le temps de la respiration. <br /> <br /> Quant à la rage, Valérie, ce n'est qu'une vague naturellement qui passe puis se retire, elle survient dans ces moments où ce que l'on fait, ce dans quoi on s'investit paraît totalement vain, à côté de la plaque, dépourvu de sens, alors on a un espèce de sentiment de rejet, de dégoût éventuellement violent même si on sait que ça ne durera pas. Je suis sûr que ça t'arrive (vous? ) arrive de temps en temps, est-ce que je me trompe?
V
Bonjour Valclair.<br /> Je comprends mal votre rage. Écrire sur soi, c'est comme penser, sauf que l'on les note, ces pensées éparses. <br /> Et puis les écrire épargne peut-être aussi les proches de toutes nos élucubrations...ce n'est pas si égoïste lorsqu'on y songe.
Les échos de Valclair
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